Название: Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron
Автор: Ciceron
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066373825
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VI. L’accusé a-t-il agi, selon vous, non par passion, mais avec préméditation, démontrez les dommages qu’il voulait éviter, les avantages qu’il voulait acquérir ; amplifiez, autant qu’il sera possible, pour démontrer, si vous le pouvez, jusqu’à l’évidence, que l’accusé avait une raison suffisante de commettre une faute. Est-ce l’amour de la gloire qui l’a fait agir : montrez combien il se promettait de gloire. Est-ce l’ambition, l’intérêt, l’amitié, la haine ; développez ces motifs, et faites de même pour les causes, quelles qu’elles soient, que vous prêtez à sa conduite. Surtout attachez-vous moins à ce qui est vrai en soi, qu’à ce qui a pu être regardé comme tel dans l’opinion de l’accusé. Qu’importe, en effet, que l’avantage ou le dommage soit réel, si vous pouvez prouver que l’accusé en a jugé ainsi ? Car les hommes se trompent de deux manières, ou sur la nature de la chose, ou sur l’événement. L’erreur tombe sur la nature de la chose, quand ils prennent le mal pour le bien, ou le bien pour le mal ; pour bien ou mal, ce qui est indifférent ; ou pour indifférent, ce qui est bien ou mal.
Ce point établi, si l’on dit que l’intérêt ne doit être ni plus cher, ni plus sacré que la vie d’un frère, d’un ami, ou que le devoir : n’allez point le nier à l’accusateur. Vous refuser à des vérités si saintes, ce serait vous rendre aussi coupable qu’odieux. Mais soutenez que vous n’avez pas jugé ainsi ; et alors vous pourrez puiser votre défense dans les lieux qui appartiennent à la personne, et dont nous traiterons bientôt.
VII. L’erreur tombe sur l’événement, quand on prétend qu’il ne répond pas à l’attente de l’accusé. Vous soutenez que, trompé par la ressemblance, par de faux soupçons, par de fausses apparences, il a tué celui qu’il ne voulait pas tuer ; ou bien qu’il a tué un homme dont il se croyait légataire, quoiqu’il ne le fût point ; car, ajoutez-vous, il ne faut pas juger de l’intention par l’événement, mais bien plutôt quelle intention, quelles espérances ont conduit au crime, et il s’agit moins ici du fait que du motif.
L’accusateur doit, dans ce lieu, s’attacher surtout à démontrer que personne, excepté l’accusé, n’avait intérêt à commettre ce délit, ou du moins n’en avait un si grand et si pressant ; ou si quelque autre semble avoir eu quelque intérêt à le commettre, il n’en avait ni le pouvoir, ni les moyens, ni la volonté : le pouvoir ; son ignorance, son éloignement, un obstacle insurmontable l’arrêtait ; et il faudra le prouver : les moyens ; il n’avait ni plan, ni complices, ni secours, ni rien de ce qui était nécessaire pour réussir ; et on en donnera la preuve : la volonté ; son austère vertu se refuse à de pareilles actions ; et on fera l’éloge de son intégrité. Enfin, toutes les raisons que nous fournirons à l’accusé pour sa défense, l’accusateur pourra s’en servir pour justifier les autres ; mais qu’il soit bref, qu’il réunisse et resserre tous ses moyens, et ne paraisse pas accuser l’un pour défendre les autres, mais bien les justifier pour accuser le coupable.
VIII. Tels sont, à peu près, les moyens que doit étudier et développer l’accusateur. Le défenseur, de son cité, soutiendra d’abord que son client n’a point agi par passion ; ou, s’il est obligé d’en convenir, il tâchera d’affaiblir cet aveu, en montrant que cette passion était faible et légère, ou que d’ordinaire une telle passion ne produit point de semblables effets. C’est ici qu’il faut définir le caractère et la nature de la passion qu’on prétend avoir dirigé l’accusé, citer des exemples, des comparaisons ; s’attacher à montrer cette passion sous le point de vue le plus favorable, et dans ses effets les plus doux, pour ramener insensiblement le fait de la barbarie du crime et du trouble inséparable des passions, à des motifs plus calmes et plus tranquilles, sans blesser les sentiments et les dispositions secrètes de l’auditoire.
L’orateur affaiblira le soupçon de préméditation en montrant que l’accusé n’avait nul intérêt à commettre le délit dont on l’accuse, qu’il en avait peu, que d’autres en avaient un plus grand ou un égal, ou qu’il devait en retirer plus de mal que de bien ; en sorte qu’il n’y a aucune comparaison à établir entre l’avantage qu’on s’en promettait, et les dommages qu’on a éprouvés, ou le danger auquel on s’exposait : lieux communs qui seront traités de même, quand on voudra démontrer qu’on cherchait à éviter quelque dommage.
Si l’accusateur prétend que l’accusé, trompé dans ce qu’il a cru favorable ou contraire à ses intérêts, n’en a pas moins agi d’après cette fausse opinion, le défenseur doit prouver qu’il n’est personne assez stupide pour s’y méprendre. Accordez-vous encore ce point, n’accordez pas au moins que l’accusé ait eu le moindre doute sur ce qui l’intéressait ; affirmez qu’il a, sans balancer, jugé faux ce qui était faux, vrai ce qui était vrai : car s’il eût hésité, c’eût été, le comble de la folie que de s’exposer à un péril certain pour des espérances incertaines. L’accusateur, pour justifier les autres, se sert des lieux du défenseur : ainsi l’accusé se servira de ceux de l’accusateur pour se justifier en accusant les autres.
IX. On tire les conjectures de la personne, quand on considère attentivement tous les lieux attribués à la personne, et que nous avons développés dans le premier Livre. Le non même quelquefois peut faire naître quelques soupçons, et par le nom nous entendons aussi le surnom. En effet, il s’agit du mot propre et particulier pour désigner quelqu’un, comme si l’on disait, « Qu’un tel a été nommé Caldus, à cause de son emportement et de son impétuosité dans toutes ses actions ; » ou bien « Que tel autre s’est joué de l’inexpérience des Grecs, parce qu’il s’appelait ou Clodius, ou Cécilius, ou Mucius. » On peut former aussi quelques conjectures sur la nature ; car le sexe, la nation, les ancêtres, la famille, l’âge, le caractère, la complexion (toutes choses qui forment ce qu’on appelle la nature), peuvent donner matière à quelques soupçons. On en tire encore beaucoup du genre de vie, en examinant comment, chez qui, par qui l’accusé a été élevé et instruit ; quelles sont ses liaisons, son plan de vie, sa conduite, même dans son intérieur. La fortune peut aussi fournir des arguments : on considère alors si l’accusé est, a été, ou sera esclave ou libre, riche ou pauvre, Illustre ou Inconnu, heureux ou malheureux ; si c’est un simple particulier, ou s’il est revêtu de quelque dignité. Enfin, on s’attache à tout ce que l’on comprend sous le mot de fortune. Quant à la manière d’être, qui consiste dans quelque disposition physique ou morale, qui ne se dément point, comme la science, la vertu, et même leurs contraires ; le fait lui-même, quand l’état de la question est posé, montre quels soupçons peut faire naître ce lieu commun. Mais il est surtout facile de former des conjectures sur les résultats que peuvent produire les affections de l’âme, comme l’amour, la colère, le chagrin. On ne saurait s’y tromper, puisqu’on en connaît parfaitement la nature et les effets. Le goût, qui n’est qu’une volonté fortement prononcée, une application continuelle et soutenue à quelque objet, fournit également, et avec non moins de facilité, des raisons favorables à la cause. Il en est de même du dessein : c’est un plan arrêté de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose. Quant à la conduite, aux événements et aux discours, qui, comme nous l’avons dit en traitant de la confirmation, peuvent s’envisager sous trois points de vue, il est facile de trouver les conjectures qu’ils offrent pour confirmer les soupçons.
X. Voilà tout ce qui a rapport aux personnes. En réunissant tous ces lieux en un seul faisceau, l’accusateur doit jeter de la défaveur sur l’accusé ; car les causes du fait sont par elles-mêmes de peu d’importance, si l’on ne jette sur l’accusé des soupçons qui rendent СКАЧАТЬ