Un diplomate luxembourgeois hors pair. Paul Schmit
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Название: Un diplomate luxembourgeois hors pair

Автор: Paul Schmit

Издательство: Автор

Жанр: Биографии и Мемуары

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isbn: 9782919792009

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СКАЧАТЬ par le nourrisson. Il y a des photos du tout jeune Norbert avec tantôt une « nanny » japonaise, tantôt une d’origine européenne.

      Durant ces années passées au Japon, un couple assez proche furent le baron et la baronne Albert de Bassompierre.71 Le baron belge était devenu en décembre 1920 envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Tokyo, où il est arrivé en mai 1921. Il est resté au Japon jusqu’en février 1939. Grâce au développement des relations entre la Belgique et le Japon, de Bassompierre est devenu le premier diplomate belge au Japon avec le rang d’ambassadeur plénipotentiaire extraordinaire en juin 1922. Le Gallais allait suivre cet exemple de changement de statut en 1955 à Washington. Le baron et la baronne avaient, par exemple, organisé un dîner avec les Le Gallais et les représentants diplomatiques portugais, allemand et français. Un couple luxembourgeois, Joseph Hackin et son épouse Marie dite Ria Parmentier,72 était en contact étroit avec Hugues Le Gallais. Hackin, originaire de Boevange-sur-Attert, était de 1930 jusqu’en 1933 directeur de la Maison franco-japonaise à Tokyo après avoir été conservateur du musée Guimet à Paris. Il s’est lié d’amitié avec Le Gallais, de dix ans son cadet, comme il allait le faire pendant la guerre avec le ministre Bech à Londres où il a rejoint de Gaulle et avant de mourir en héros pour la France, le 24 février 1941, en mer suite au torpillage de son bateau près des Îles Féroé. Hackin écrivit à Madame Mayrisch qu’il « a aiguillé Hugues sur la voie des études d’art. Il m’a donné sur ses paravents une étude qui aura, grâce à mon ami Espezel,73 les honneurs de la Gazette des Beaux-Arts. C’est du bon travail. J’espère que Le Gallais ne s’en tiendra pas là. »74 Il décrit Hugues comme « stoïque et flegmatique » face aux températures d’été insupportables à Tokyo.75 Le Luxembourgeois Tony Rollman, que Jean Monnet a qualifié plus tard dans ses mémoires de « sidérurgiste luxembourgeois précis dont la réputation dépassait les frontières de son pays »,76 travaillait au même moment que Le Gallais au Japon. Nous ignorons les liens privés exacts qui les unissaient. Ce compatriote eut trois enfants durant ces années. Il a œuvré sous la direction de Le Gallais qui restait à Tokyo. Rollman a déménagé douze fois en neuf ans et se déplaçait surtout à Osaka, le centre industriel où Columeta avait ouvert des bureaux en 1928, et à Kobé. Dans la capitale japonaise, Le Gallais avait ses bureaux dans le quartier d’affaires de Marunouchi77 situé dans l’arrondissement de Chiyoda entre la gare de Tokyo et le palais impérial. Alors que le quotidien était qualifié d’exotique, Rollman demanda, dès janvier 1935, de ne plus revenir au Japon pour un nouveau terme de trois ans au bout du congé prévu en Europe, ceci dans l’intérêt de sa famille et de sa santé. Le Gallais devait régler les dernières affaires avant de rentrer à son tour. En fait, le business de Columeta semble avoir connu des difficultés en raison de la chute du Yen et des employés japonais, à un moment donné plus d’une douzaine de personnes, qui ont quitté la représentation luxembourgeoise pour entrer chez des cartels japonais. Hugues Le Gallais a apparemment plaidé pour le recrutement d’Européens, les Japonais préférant négocier avec des représentants étrangers. Il s’est aussi engagé en faveur du versement d’un bonus annuel qui constituait une coutume indispensable au Japon. Un retour plus ou moins régulier au Luxembourg permettait à Le Gallais de rester en contact avec son pays natal, mais aussi de voyager via le canal de Suez et l’Inde ou par le chemin de fer transsibérien ou encore via l’Amérique du Nord et le Pacifique.78

      

      En 1936, c’est Pierre Ruppert qui prit la succession de Le Gallais au Japon. Ce dernier a emporté pas moins de 39 caisses au Grand-Duché, déménagement qualifié de considérable et prenant beaucoup de temps. Il emmenait de nombreuses antiquités et œuvres d’art acquises au fil des ans. En 1936, le 28 février pour être exact, le suicide du Lieutenant Aoshima Kenkichi au milieu d’une rébellion attira toute l’attention de Le Gallais qui avait gardé parmi ses souvenirs et photos un article du 2 mars du journal Hochi Shimbun sur : « Lieutenant Aoshima commits harakiri to show rebels how to die. Wife follows. » Le suicide du membre de la « Imperial guards division transport corps » aurait été dû à un « nervous prostration from studying too hard », une lettre posthume témoignant du fait que le malheureux travaillait jour et nuit. Etrange de voir cet épisode tragique, qui devait rappeler à Hugues Le Gallais le suicide de sa sœur Alice, huit ans plus tôt, figurer de manière aussi crue dans les souvenirs de ce séjour japonais. En fait, l’incident du 26 février ou « incident 2-2-6 » a été une tentative de coup d’État qui eut lieu au Japon, du 26 au 29 février 1936, organisée par la faction ultra-nationaliste de l’Armée impériale japonaise. Cet épisode violent pourrait avoir donné le reste aux Le Gallais. Pisana voulait quitter au plus vite ce pays aux mœurs et coutumes si différentes à maints égards. Avec leur fils de trois ans, le couple rentrait donc en Europe.

      Hugues Le Gallais se souviendra longtemps du temps passé au pays du Soleil levant. Dans son discours en anglais prononcé lors de la signature, en septembre 1951, de l’accord de paix avec le Japon, Le Gallais souligne qu’il a passé quelque dix ans au Japon où il est arrivé brièvement après le grand tremblement de terre de 1923 qui avait causé d’énormes dommages, lui permettant de voir de ses propres yeux ce que les efforts au travail peuvent exercer face à un désastre national. Il affirme aussi avoir vu une réelle avalanche d’aide américaine et qu’il a réalisé pour la première fois l’esprit généreux du peuple américain. Il a rendu hommage aussi à cette approche dont ont bénéficié de nombreux peuples, y compris le sien. Il mentionne que durant ces années il a été en contact avec les différentes classes du peuple japonais et qu’en général celui-ci est bon et pacifique par nature. Il rappelle que malheureusement, après l’incident « provoqué » de Mukden79 de 1931 donnant prétexte à l’invasion du sud de la Mandchourie par les troupes japonaises, le Japon a été dirigé par des fanatiques militaires et que la nature conciliante de cet accord de paix était destinée à éviter le retour à de telles circonstances. Il souligne que durant ses dix ans passés au Japon il n’a pas vu un seul Japonais ne pas respecter sa parole. Sa prise de position avait été patiemment réfléchie et élaborée de concert avec sa capitale et ses autorités.

      En attendant, ce fut le retour à la case de départ, le Luxembourg, ce pays inconnu pour Pisana. Avec complaisance et désinvolture, le couple rejoignit le Vieux Continent qui se retrouvait aussi sous la menace de totalitarismes, surtout du national-socialisme. Avant de rejoindre Washington, cet endroit de projection du pouvoir par excellence, le couple dut faire face à son propre destin dans cette capitale provinciale avant la nouvelle déflagration qui allait embraser l’Europe. Le Gallais était le gentilhomme aimable par excellence, tout en étant devenu de plus en plus « bourgeois impérial » à l’image de ses ancêtres et de ses familiers. Il allait se faire un nom auprès de la Cour grand-ducale et se réfugier dans l’examen, la préservation, l’étude et la contemplation de sa collection d’art oriental qu’il avait constituée au cours de la décennie passée.

      69 Correspondance Mayrisch ‒ Schlumberger, p. 252.

      70 Tony Rollman (1899-1986) a travaillé au Japon de 1926 à 1935 et a quitté Columeta en 1948 pour les Communautés européennes avant de retourner en 1950 à l’Arbed.

      71 Albert de Bassompierre (1873-1956), baron, ambassadeur au Japon de 1921 à 1939. A écrit ses mémoires en 1943 : « Dix-huit ans d’Ambassade au Japon ».h

      72 Joseph Hackin (1886-1941), époux de Ria Parmentier (1905-1941), plus tard conservateur et rénovateur au Musée Guimet, son épouse étant sa principale collaboratrice. Morts en héros pour la France. Dans son tome sur l’année d’exil 1941, Heisbourg décrit le lien entre Bech et Hackin, la disparition duquel il regretta beaucoup, d’autant plus qu’une invitation du couple en octobre 1940 avait fait probablement échapper le ministre luxembourgeois à un bombardement de Londres qui aurait pu lui être fatal.

      73 Pierre СКАЧАТЬ