Название: Un diplomate luxembourgeois hors pair
Автор: Paul Schmit
Издательство: Автор
Жанр: Биографии и Мемуары
isbn: 9782919792009
isbn:
50 Correspondance Mayrisch ‒ Schlumberger, p. 329.
51 Correspondance Mayrisch ‒ Schlumberger, p. 342.
52 Informations de la part de Patricia de Zwaef, 24 septembre 2018.
UNION HEUREUSE AVEC UNE ITALIENNE À L’ASCENDANCE ILLUSTRE
C’est par l’intermédiaire d’un diplomate italien en poste à Tokyo, Battista Nani Mocenigo, qu’Hugues Le Gallais a fait la connaissance de sa future épouse. Celle-ci vivait dans le Ca’ del Duca sur le Grand Canal, avec sa sœur et son beau-frère, duquel l’ami d’Hugues était un cousin. Pisana Velluti n’attendait en fait qu’une occasion pour s’échapper de cette situation inconfortable d’une jeune femme célibataire ayant entamé la trentaine. Elle considérait Venise comme un petit village, et pire, un nid de vipères. Elle aurait affirmé haut et fort : « J’épouserai le premier qui passe. » Le Gallais, à l’époque représentant à Tokyo de Columeta, donc du comptoir luxembourgeois de métaux de l’Arbed, à laquelle sa famille restait très liée, semble avoir choisi le bon moment pour venir et revenir en excursion à Venise. Rapidement, les choses se sont concrétisées à partir de là. Pisana paraît avoir visé juste et Hugues lui a offert une vie de rêve et de stabilité dans un pays lointain. Alors que l’amour se mérite, le leur semble avoir été quelque peu poussé par la volonté de quitter leur pays et de mettre tout leur amour-propre à exceller dans de nouvelles contrées et des cercles à conquérir. Pisana à la sensualité latine a conquis Hugues, le nordique au charme discret et réservé. Le jeune couple s’est cherché un rôle loin de leurs familles ou de ce qui en restait. Les deux essayaient de se frayer un chemin dans cette période qui reprenait son souffle après la grande dépression ayant suivi le crash boursier de 1929 et au moment où les intolérances augmentaient de manière dangereuse en Europe avec la montée du nazisme et du fascisme depuis 1922 et surtout la menace allemande qui n’allait pas tarder à planer sur le Luxembourg. Ensemble, Pisana et Hugues s’appropriaient la maxime d’Oscar Wilde : « Soyez vous-même, tous les autres sont pris. » En tant que dépaysés voire déracinés, ils ont mené une vie de dur labeur mais aussi exceptionnelle à maints égards pendant quelques années au Japon et après un passage à Luxembourg, aux Etats-Unis.
Le 6 novembre 1933, Hugues Le Gallais et Pisana Velluti se sont mariés à l’église Santa Maria dei Carmini à Venise. L’église est de style Renaissance et située au Dorsodouro. Elle est grandiose avec une contre-façade et un couvent à côté. Deux photos montrent le jeune couple descendant dans une scène quasi majestueuse d’une gondole sur les marches de la maison où habitait la jeune mariée chez sa sœur et son beau-frère et une autre avec le père de la mariée et probablement sa seconde épouse ainsi que deux enfants d’honneur. Ce cliché a été pris dans la cour de la maison à l’histoire très ancienne et qui appartenait depuis longtemps à la famille du beau-frère de la mariée. Cette demeure du comte et de la comtesse Marino et Katy Nani Mocenigo était située au 3051 San Samuele et s’appelait Ca’ del Duca. Marino possédait encore un palais à Dolo dans la Vénétie.53 Le Ca’ del Duca, palais situé sur le Canal Grande, à quelques pas du Palazzo Grassi, doit son nom au Duc Sforza de Milan qui en confia la construction à l’architecte Filarete en 1453. Le projet s’avéra à la hauteur de l’ambition de son commanditaire puisque le palais était supposé devenir le plus grand de Venise. Or, la Sérénissime, toujours encline à ne laisser personne porter ombrage à son autorité, expropria le Duc et les travaux, à peine commencés, furent suspendus. Par la suite, l’édifice fut terminé par la République dans des dimensions plus modestes. Seules les fondations et l’angle du palais, avec sa colonne et son début de façade en « bugnato », témoignent encore de ce passé qui aurait dû en faire le premier exemple d’architecture Renaissance dans la lagune. Ca’ del Duca servit d’atelier au Titien lors de la réalisation des tableaux pour le Palais des Doges, avant d’entrer en possession de la famille Nani Mocenigo, et plus particulièrement de Marino Nani Mocenigo. Cet espace, longtemps ouvert au public, hébergea jusque dans les années 1960 les collections de porcelaine du comte Marino Nani Mocenigo et la collection d’objets d’art asiatique de Hugues Le Gallais, après sa retraite en tant qu’ambassadeur du Grand-Duché aux Etats-Unis. C’est en effet ce dernier qui en fit un musée, inauguré en 1963.54
La mariée était née le 28 janvier 1900 (d’après une demande de passeport) à Venise dans une maison située sur le Campo de San Stefano entre l’église du même nom et celle de Vidal. La jeune femme a en fait changé sa date de naissance dans la mesure où, par vanité ou espièglerie, elle a ajouté un petit trait à l’année de sa naissance pour se rajeunir de 6 ans... Le fait que sur de nombreux documents officiels figure l’année 1906 a donné lieu à des complications administratives et des rectificatifs complexes. Seulement quatre années la séparaient de Hugues, et pas dix, comme parfois prétendu par la principale intéressée. Il se peut qu’elle ait quelque peu joué à la fois sur le jour et l’année de sa naissance pour cacher le fait qu’elle était restée célibataire plus longtemps que de coutume.
La très belle femme de 33 ans (alors qu’elle prétendait n’en avoir que 27) avait les cheveux blonds bouclés qui la feraient un jour comparer à un tableau du Titien. En sus de sa physionomie éclatante, Pisana avait une grande prestance, savait s’habiller et avait une allure certaine doublée d’une classe folle. Elle mesurait 1,65 mètres, alors qu’Hugues, âgé de 37 ans, avait dix centimètres de plus, ce qui ne faisait pas de lui un géant, loin de là. La jeune femme était jugée de rang princier par certains des confrères de l’ambassadeur. Elle était d’une grande élégance et avait une présence indéniable, son mari restant un peu en retrait, tout en étant aussi calé intellectuellement. Les deux brillaient en société grâce à leur allure et leur ambition volontiers pardonnée.
Pisana était la fille de Francesco Velluti et de sa première épouse Elisabetta Carrara, décédée en 1918 à Naples, en pleine fleur de l’âge, des suites de la fièvre espagnole. Le père de Pisana est décédé en 195755 à plus de 80 ans. Deux filles étaient nées de cette union : Caterina dite Katy, née en 1898, et Pisana, née en 1900.
La famille du père de Pisana était originaire du sud de l’Italie du côté de l’Adriatique. Le grand-père de Pisana avait ouvert une fabrique de faïences à Venise. Le père, ingénieur agronome, avait fait fortune en desséchant et irriguant les terrains marécageux pour en faire des domaines agricoles derrière le Lido de Jesolo. Les crédits pour ce faire avaient été mis en place par le gouvernement fasciste italien. Francesco Velluti avait d’ailleurs été un peu attiré par le fascisme et, malgré les lettres de sa fille qui l’avertissaient que Mussolini n’allait pas survivre à la guerre, croyait en une victoire italienne. Le père de Pisana s’était remarié avec une femme plus jeune, que ses deux filles n’appréciaient pas trop. De ce mariage avec Zemira de Lorenzi, aux origines vaguement arméniennes, sont nés trois enfants avec lesquels les contacts furent meilleurs que ceux avec leur mère: Francesca, mariée avec Alberto Baldissera d’une grande famille vénitienne et qui allait avoir deux enfants : Giuseppe et Jacomo. Venait ensuite Gianni-Luigi, le fils longuement espéré par son père, marié avec Anna-Luisa Cazorzi avec laquelle il allait engendrer quatre enfants. Et finalement Alberto, décédé jeune, marié avec Maria Padovan de laquelle il avait eu deux enfants.
L’épouse d’Hugues portait le prénom de sa grand-mère maternelle, Pisana Carrara-Nani Mocenigo, qui appartenait à la prestigieuse et fortunée famille dans laquelle sa sœur СКАЧАТЬ