Название: Un diplomate luxembourgeois hors pair
Автор: Paul Schmit
Издательство: Автор
Жанр: Биографии и Мемуары
isbn: 9782919792009
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En mai 1929, Le Gallais ayant quitté l’Inde depuis deux ans, le gouvernement luxembourgeois a demandé que Alphonse Als, directeur de la Corporation de l’Industrie manufacturière belge, soit reconnu comme vice-consul honoraire à Bombay. Ce frère de Robert Als, le futur ministre et diplomate, allait devenir à Londres le chef de cabinet du ministre Bech à la fin de la guerre.
AU JAPON (1927-1936)
Columeta Tokyo, fondée en 1925 afin de conquérir de nouveaux marchés, offre un aperçu de la mécanique culturelle d’une entreprise européenne au Japon pendant l’entre-deux-guerres. Alors que les affaires s’étaient bien déroulées au cours des années 1920, la situation est devenue plus difficile au cours des années 30, en raison de la crise économique mondiale, de l’essor de la production sidérurgique japonaise et de politiques économiques protectionnistes de plus en plus nombreuses. Au pays du Soleil levant, Hirohito, petit-fils de l’empereur Meiji, était monté sur le trône le 25 décembre 1926 sous le nom de règne Shôwa (« Paix brillante »). Il avait déjà assuré la régence durant les années précédentes du fait de la maladie de son père et allait survivre malgré tout à la Seconde Guerre mondiale, au terme de laquelle le ministre plénipotentiaire Hugues Le Gallais allait être l’un des signataires du traité de paix à San Francisco en 1951.
Bien que la population japonaise ait presque doublé depuis 1868, de 34 millions d’habitants à près de 60, le Japon des années 1930 où Le Gallais était de passage, d’abord seul, puis avec son épouse et son fils, a, d’un côté, été marqué par une économie dynamisée et une industrie puissante et compétitive à l’échelle mondiale. D’un autre côté, les mentalités urbaines se sont rapprochées du monde occidental et des quartiers modernes se développaient dans les grandes villes comme Tokyo et Yokohama. La majorité du pays restait toutefois agricole et artisanale, l’occidentalisation y étant perçue comme une remise en cause des idéaux traditionnels japonais avec à la clé une opposition conservatrice, réactionnaire même, favorisant un pouvoir militaire fort à tendance ultranationaliste. Le suffrage universel, instauré en 1925, y a constitué un faux-semblant de démocratie libérale, et en 1931 les militaires ont mis l’empereur et le gouvernement devant le fait accompli en envahissant la Mandchourie avant que l’assassinat du Premier ministre Inukaï en 1932 et la tentative de coup d’Etat du 26 février 1936 ne conduisent l’empereur et le gouvernement à confier le pouvoir à l’Etat-major pour échapper aux plus extrémistes de ces officiers. Le régime mis en place par les militaires prit vite la forme d’un totalitarisme japonais.
Des premières années de la vie de Le Gallais au Japon il ne subsiste guère de traces sur sa vie privée, hormis celles laissées par Aline Mayrisch-de Saint-Hubert qui lui a rendu visite en 1930. Sur la maison de Le Gallais à Tokyo, elle a écrit, le 7 décembre 1930, de Nara à Schlumberger: « C’est d’un des plus beaux et des plus vieux endroits que je continue. J’espère rester huit jours ici dans une relative solitude dont j’ai fort besoin. La maison de Hugues, minuscule et incommode, ne permet guère de s’isoler longuement, et lui-même, affectueux, généreux, attentif autant qu’il est possible, ne vous apporte pas une atmosphère bien nourrissante [avec en marge : encore que maints éléments d’inconscient comique], avec cela il est relativement absorbant avec sa manie du bricolage. Tous les jours, il faut l’accompagner à une autre vente, ou chez quelque autre antiquaire. D’ailleurs ai-je fait, grâce à lui, la connaissance de plusieurs milieux intéressants et pu faire aussi plusieurs acquisitions dont je suis contente, entre autres d’une très belle peinture chinoise. Mais enfin, ce n’était pas là le but de ce voyage et le séjour à Tokyo […] fut certainement, par la force des circonstances, un peu long pour l’intérêt qu’il comporte. »69 De la part de Madame Mayrisch, un tableau plus harmonieux, cette fois-ci, que la description d’Hugues comme « cornichon » à peu près à la même époque.
Des albums photo de l’épisode japonais, soigneusement tenus par Pisana et Hugues, l’on peut ressentir une grande quiétude et admiration pour un pays à la culture plusieurs fois millénaire. Des images de temples, de la nature splendide alternent avec des photos, parfois au format extrêmement réduit, de scènes champêtres ou de vues de la maison moderne, spacieuse, de style Bauhaus voire Art Déco que devaient habiter les Le Gallais. Ce fut une maison accueillante, une construction cubique avec un toit terrasse, située sur une colline, qui permettait de recevoir amis et connaissances. Les cartons et menus gardés de ces années témoignent en effet d’une vie sociale bien remplie. Quelques clichés d’hôtels divers laissent deviner quelque séjour prolongé à l’hôtel ou des voyages en dehors de la capitale. Hugues Le Gallais a aussi visité la Muraille de Chine et le Temple du Ciel à Pékin. Une escalade du mont Nantai de presque 2.500 mètres, situé sur l’île japonaise de Honshū, au nord de l’agglomération de Tokyo, semble aussi avoir figuré au programme. Toute cette vie assez unique pour un Luxembourgeois dans les années 1930, alternée d’illusions et de revers, permettait à Hugues de rayonner et de briser de vieilles habitudes et conventions. Ces années étaient ponctuées par des rencontres souvent sophistiquées avec des locaux ou des expatriés, des dîners en smoking et de longues soirées seul et en tête-à-tête avec sa jeune épouse. Pisana était en quelque sorte le double d’Hugues. Elle avait une personnalité forte, ce qui était bien nécessaire face à quelqu’un qui avait l’avantage d’avoir déjà vécu seul en Asie pendant six années, sept même si l’on compte le séjour de 1926, avant qu’elle ne le rejoigne. Vénitienne très chic, Pisana devait être perçue comme glamour voire emblématique dans un Japon formel et hiérarchisé à l’extrême. Une photo d’elle en robe longue et une de lui en smoking, prêts à recevoir ou à sortir, lascifs et philosophes à la fois, témoigne d’un art de vivre voire d’une maîtrise de cette vie mondaine qui avait tout pour plaire à un couple dynamique.
Mariés le lundi 6 novembre 1933, le jeune couple quitta l’Italie à partir de Gênes le 15 novembre à bord du « Super Expresso Conte di Savoia » pour l’Asie lointaine et inconnue pour Pisana. Arrivés dans la capitale japonaise à l’ambiance toute particulière, Pisana attendait rapidement son premier enfant. Loin des siens, elle mit au monde à Tokyo, le 26 août 1934, un fils nommé Norbert Ludovico Marino Maria. L’enfant avait comme marraine Aline Mayrisch-de Saint-Hubert.
Lors de la naissance de leur fils, le couple Le Gallais était bien introduit au Japon, comme en témoignent les innombrables messages de félicitations reçus de locaux (Nantaisan, Junko Hagiwara), d’expatriés comme eux (Tony Rollman,70 qui travaillait également au Japon pour Columeta de 1926 à 1935, certains ambassadeurs et secrétaires d’ambassade, le ministre belge de Bassompierre, le comte et la comtesse de Rechteren-Limpurg) ou encore de parents ou amis en Europe (Madame Mayrisch, famille Mioni Carrara, Elena, Maria, Ludovico Barbara, Alice Grew, Dirksens, Mrs. Wilfried Fleischer, Mme Georges Stoïesco, M. et Mme Luigi Mariani). Il y avait aussi Katharini Sansom, professeur emeritus de japonais à l’université de Colombia, représentante britannique à Tokyo, Singapour, Washington et New York, probablement l’épouse de Sir George Bailey Samson qui a laissé des ouvrages de grande valeur sur le Japon, et de laquelle il y a une trace plusieurs années plus tard dans le « scrap book » organisé à l’ambassade à Washington. D’autres messages provenaient de personnes longtemps oubliées et impossibles à replacer dans le contexte de leur relation avec СКАЧАТЬ