Un diplomate luxembourgeois hors pair. Paul Schmit
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Un diplomate luxembourgeois hors pair - Paul Schmit страница 19

Название: Un diplomate luxembourgeois hors pair

Автор: Paul Schmit

Издательство: Автор

Жанр: Биографии и Мемуары

Серия:

isbn: 9782919792009

isbn:

СКАЧАТЬ

      Du temps de son affectation au Japon au service de Columeta, Hugues Le Gallais avait acquis et rapporté de nombreuses pièces d’art oriental qu’il avait su reconnaître comme objets de valeur sur la base de son initiation chez l’expert Petrucci. Il se définissait lui-même comme collectionneur d’objets d’art de l’Extrême-Orient. Sa collection personnelle emmenée et exposée à l’ambassade à Washington comprenait des épées, des paravents et des kimonos japonais. L’ambiance dans cette maison sombre et à la splendeur fastueuse devenait plus personnelle, mais aussi plus exotique avec la surabondance d’œuvres rappelant l’Orient. Malgré son statut de diplomate, son ouverture d’esprit permettait à Hugues Le Gallais, passé maître dans l’art de recevoir, de fréquenter des collectionneurs et des gens sophistiqués et intéressés comme lui par l’art. Toujours à la recherche du plus beau qui ne sature pas, dénichant des merveilles et les mettant en valeur là où on ne les attendait pas, Hugues Le Gallais a été ébloui par les œuvres japonaises toute sa vie durant. Il est aussi l’auteur d’articles sur l’art d’Extrême-Orient parus dans la Gazette des Beaux-Arts dans les années 1933, 1947, 1948 et 1949.

      L’année du départ de Washington est aussi celle de la séparation avec une partie de sa collection. Peut-être que les Le Gallais voyaient les choses venir ou souhaitaient tout simplement faire du « downsizing ». Toujours est-il que, le 20 novembre 1958, Hugues Le Gallais a écrit à sa fidèle ex-secrétaire Maloney qu’une vente d’objets n’a pas eu le résultat escompté et qu’il compte se rendre sous peu dans la capitale britannique. La vente de 178 pièces chez Sotheby’s à Londres l’obligeait à prouver qu’une soucoupe Ming montrant des poissons avec bord ondulé (« Ming saucer fish with wavy rim ») a appartenu à sa collection avant 1951 afin que les communistes chinois ne se montrent pas intéressés outre-mesure par cet objet et en demandent la restitution. En soldat fidèle, Madame Maloney a certifié par une lettre à l’acquéreur que l’objet et la collection se trouvaient à l’ambassade de 1940 à 1958 et avaient été acquis par l’ambassadeur avant son départ d’Orient en 1935. Dans un autre papier, Hugues Le Gallais a demandé que, pour les objets de sa collection, il y a lieu de mentionner qu’ils ont plus de 100 ans et que pour ceux datant du XIXe siècle, il y a lieu de préciser : « début du XIXe ». Le 17 août 1958, alors qu’il était à Venise, Le Gallais a demandé à Madame Maloney d’écrire à Sotheby’s qu’il maintenait son appréciation quant à la qualité et la valeur de certaines pièces au sujet desquelles la maison de vente aux enchères s’est montrée déçue. Il s’agit du tableau « Le philosophe » et encore d’un rouleau tibétain (« Tibetan scroll, one of the strongest seen by Laurence Bingon »). La vente d’une partie de la collection d’Hugues et du Palazzo San Maurizio, que Pisana possédait avec sa sœur, permit l’acquisition d’un palais à côté du Ca’ Rezzonico, le Palazzo Contarini Michiel, où les Le Gallais allaient demeurer jusqu’à la fin de leurs jours. En fait, l’ambassadeur s’était défait non seulement chez Sotheby’s d’une partie de sa collection, mais avait aussi vendu à la « Freer Gallery of Art », le musée d’art asiatique et proche-oriental fondé en 1923 à Washington et situé sur le « National Mall », deux lions qui avaient initialement trouvé une place de part et d’autre de la cheminée dans le hall d’entrée de l’ambassade. Quelle passion donc pour une collection sur laquelle nous allons revenir ! Tout cela devait aussi permettre, un jour, de recevoir de manière plus que digne et distinguée ses nombreux amis à Venise.

      Revenons maintenant à cette période si tendue et complexe d’avant la guerre. Le Grand-Duché se sentait menacé par son voisin allemand, mais continuait d’observer sa neutralité « perpétuelle et désarmée », lui imposée par le traité de Londres du 11 mai 1867 et violée une première fois en 1914 par l’invasion allemande. 1937, l’année de l’installation au Luxembourg de Pisana et d’Hugues, avait été celle du rejet, en juin, de la loi dite « muselière ». Ce projet de loi menaçant les libertés publiques et tendant en fait à interdire le Parti communiste fut rejeté lors d’un référendum par la majorité du corps électoral. C’était un désaveu cinglant pour le ministre d’Etat chrétien-social de l’époque, Joseph Bech,89 qui dut céder ce poste à Pierre Dupong,90 la figure de proue de l’aile gauche de son parti. Bech, qui était proche de la Grande-Duchesse et pour lequel Le Gallais allait développer une admiration certaine, gardera néanmoins le portefeuille des Affaires étrangères jusqu’en 1959. D’aucuns ont vu en lui un Talleyrand luxembourgeois, Le Gallais ayant développé une certaine admiration pour l’un et pour l’autre. Nous ignorons dans quelle mesure Le Gallais fréquentait ces acteurs décisifs de sa vie des prochaines décennies au cours de son séjour de trois ans à Luxembourg. Une lettre de fin août 1944, à l’approche de la libération du pays, écrite par Bech au ministre à Washington, semble indiquer que Le Gallais avait déjà, avant la guerre, fréquenté le couple : « Ma femme m’a rappelé récemment le tour de la Siegfried Line que vous lui aviez fait faire avant la guerre et dont elle était rentrée très impressionnée. »91 Le Luxembourg était un pays d’un peu moins de 300.000 habitants, et tout le monde, ou presque, se connaissait. Les Le Gallais habitaient le quartier de Belair, à quelques centaines de mètres de la demeure des Bech. Il allait bientôt entrer au service de ce ministre chevronné.

      89 Joseph Bech (1887-1975), président du gouvernement de 1926 à 1937, tout en gérant le portefeuille des Affaires étrangères après le référendum de 1937. A repris la présidence du gouvernement après la mort de Pierre Dupong (1953), jusqu’en 1958.

      90 Pierre Dupong (1885-1953), Premier ministre durant 16 années, de 1937 jusqu’à sa mort, le 23 décembre 1953. À l’époque, le Premier ministre était désigné comme ministre d’Etat, président du gouvernement.

      91 La ligne Siegfried d’origine (appelée ligne Hindenburg par les Alliés) est une ligne fortifiée construite par l’Allemagne en 1916 et 1917, pendant la Première Guerre mondiale.

      REPRÉSENTATION DIPLOMATIQUE DU GRAND-DUCHÉ AVANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

      Comme esquissé plus haut, à l’époque, la représentation diplomatique était limitée et souvent liée aux intérêts de l’Arbed. Ce conglomérat et son bras commercial, Columeta, ont conféré une dimension internationale au petit Grand-Duché. En 1940, le Grand-Duché était représenté à Washington par Hugues Le Gallais, à Londres par André Clasen92 et, durant la guerre, à Londres par Georges Schommer93 auprès des gouvernements tchécoslovaque, polonais et belge. Antoine Funck,94 en poste à Paris depuis 1934, demeura à Vichy jusqu’à l’automne 1942. Le cousin germain d’Hugues Le Gallais, Auguste Collart, était à La Haye.95 À Berlin, Albert Wehrer et le secrétaire de légation Jean Sturm représentaient le Luxembourg du point de vue diplomatique jusqu’à l’occupation. Le comte Gaston de Marchant et d’Ansembourg96 était chargé d’affaires du Luxembourg à Bruxelles avec Claus Cito comme consul. Au cours de cette période sombre et incertaine, la perception de la guerre a varié d’une personne à l’autre : Hugues Le Gallais, qui se trouvait aux Etats-Unis, n’a pas vécu le cataclysme de la même façon qu’André Clasen, qui a vécu les bombardements nazis à Londres, qu’Auguste Collart, qui a fait l’expérience de l’occupation à La Haye avant d’être incarcéré au camp de concentration de Hinzert et, par la suite, déporté avec sa famille, ou qu’Antoine Funck, qui a été en résidence forcée à Vichy et qui s’est enfui en Suisse après l’occupation de la zone dite libre par les Nazis.97 Dans la mesure du possible, ces diplomates ont entretenu des contacts avec le gouvernement en exil, fonction exigeante présupposant une certaine humilité, apprise sur le tas par Le Gallais. Au début de la guerre, le ministre des Affaires étrangères, Joseph Bech, affichant un panache inné, à l’instar d’Hugues Le Gallais, de son côté, s’est rendu en Espagne et au Portugal avant de s’établir à Londres où il a été confronté au « Blitz » de la capitale britannique. СКАЧАТЬ