Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ veu aucunes qui me l'ont dit: toutesfois il ne faut pourtant qu'elles le prennent là, car si une fois elles se mettent à desirer, sans point de doute il faut qu'elles viennent à l'exécution; car ainsi la loy d'amour le veut, et que toute dame qui desire, ou souhaite, ou songe de vouloir desirer à soy un homme, cela est fait: si l'homme le connoist et qu'il poursuive fermement celle qu'il attaque, il en aura ou pied ou aile, ou plume ou poil, comme on dit.

      – Voilà donc comme les pauvres marys se font cocus par telles opinions de dames qui veulent desirer et non pas exécuter, mais, sans y penser, elles se vont brusler à la chandelle, ou bien au feu qu'elles ont basty d'elles-mesmes, ainsi que font ces pauvres simplettes bergères, lesquelles, pour se chauffer parmy les champs en gardant leurs moutons et brebis, allument un petit feu, sans songer à aucun mal ou inconvénient; mais elles ne se donnent de garde que ce petit feu s'en vient quelquesfois à allumer un si grand, qu'il brusle tout un pays de landes et de taillis.

      Il faudroit que telles dames prissent l'exemple, pour les faire sages, de la comtesse d'Escaldasor, demeurant à Pavie, à laquelle M. de Lescu, qui depuis fut appelé le mareschal de Foix, estudiant à Pavie (et pour lors le nommoit-on le protenotaire de Foix, d'autant qu'il estoit dédié à l'Église; mais depuis il quitta la robbe longue pour prendre les armes), faisant l'amour à cette belle dame, d'autant que pour lors elle emportoit le prix de la beauté sur les belles de Lombardie, et s'en voyant pressée, et ne le voulant rudement mecontenter, ny donner son congé, car il estoit proche parent de ce grand Gaston de Foix, M. de Nemours, sous le grand renom duquel alors toute l'Italie trembloit; et un jour d'une grande magnificence et de feste, qui se faisoit à Pavie, où toutes les grandes dames, et mesmes les plus belles de la ville et d'alentour, se trouvèrent ensemble, les honnestes gentilshommes ne manquèrent pas aussi de s'y trouver.

      Cette comtesse parut belle entre toutes les autres, pompeusement habillée d'une robbe de satin bleu céleste, toute couverte et semée, autant pleine que vuide, de flambeaux et papillons volletans à l'entour et s'y bruslans, le tout en broderie d'or et d'argent, ainsi que de tout temps les bons brodeurs de Milan ont sceu bien faire par-dessus les autres; si bien qu'elle emporta l'estime d'estre le mieux en point de toute la troupe et compagnie.

      M. le protenotaire de Foix, la menant danser, fut curieux de luy demander la signification des devises de sa robbe, se doutant bien qu'il y avoit là-dessous quelque sens caché qui ne luy plaisoit pas. Elle luy respondit: «Monsieur, j'ay fait faire ma robbe de la façon que les gens d'armes et cavaliers font à leurs chevaux rioteux et vitieux, qui ruent et qui tirent du pied; ils leur mettent sur leur crouppe une grosse sonnette d'argent, afin que, par ce signal, leurs compagnons, quand ils sont en compagnie et en foule, soient advertis de se donner garde de ce meschant cheval qui ruë, de peur qu'il ne les frappe. Pareillement, par les papillons volletans et se bruslans dans ces flambeaux, j'advertis les honnestes hommes qui me font ce bien de m'aymer et admirer ma beauté, de n'en approcher trop près, ny en desirer davantage autre chose que la veuë; car ils n'y gagneront rien, non plus que les papillons, sinon desirer et brusler, et n'en avoir rien plus.» Cette histoire est escritte dans les Devises de Paolo Jovio. Par ainsi, cette dame advertissoit son serviteur de prendre garde à soy de bonne heure. Je ne sçay s'il en approcha de plus près, ou comme il en fit; mais pourtant, luy, ayant été blessé à mort à la bataille de Pavie, et pris prisonnier, il pria d'estre porté chez cette comtesse, à son logis dans Pavie, où il fut très-bien receu et traitté d'elle. Au bout de trois jours, il y mourut, avec le grand regret de la dame, ainsi que j'ay ouy conter à M. de Monluc, une fois que nous estions dans la tranchée à La Rochelle, de nuict, qu'il estoit en ses causeries, et que je luy fis le conte de cette devise, qui m'asseura avoir veu cette comtesse très-belle, et qui aymoit fort ledit mareschal, et fut bien honnorablement traitté d'elle: du reste, il n'en sçavoit rien si d'autrefois ils avoient passé plus outre. Cet exemple devroit suffire pour plusieurs et aucunes dames que j'ay allegué.

      – Or, y a des cocus qui sont si bons, qu'ils font prescher et admonester leurs femmes, par gens de bien et religieux, sur leur conversion et corrections; lesquelles, par larmes feintes et paroles dissimulées, font de grands vœux, promettants monts et merveilles de repentance, et de n'y retourner jamais plus; mais leur serment ne dure guieres, car les vœux et les larmes de telles dames valent autant que jurements et reniements d'amoureux. Comme j'en ay veu et cogneu une dame à laquelle un grand prince, son souverain, fit cette escorne d'introduire et apposter un cordelier d'aller trouver son mary qui estoit en une province pour son service, comme de soy-mesme et venant de la Cour, l'advertir des amours folles de sa femme et du mauvais bruit qui couroit du tort qu'elle luy faisoit; et que, pour son devoir de son estat et vacation, il l'en advertissoit de bonne heure, afin qu'il mist ordre à cette ame pécheresse. Le mary fut bien esbahy d'une telle ambassade et doux office de charité: il n'en fit autre semblant pourtant, si-non de l'en remercier et luy donner espérance d'y pourvoir; mais il n'en traitta point sa femme plus mal à son retour: car qu'y eust-il gaigné? Quand une femme une fois s'est mise à ce train, elle ne s'en détraque non plus qu'un cheval de poste qui a accoustumé si fort le gallop, qu'il ne le sçauroit changer en un autre train d'aller.

      Hé! combien s'est-il veu d'honnestes dames qui, ayant été surprises sur ce fait, tancées, battues, persuadées et remonstrées, tant par force que par douceur, de n'y tourner jamais plus, elles promettent, jurent et protestent de se faire chastes, que puis après pratiquent ce proverbe, Passato il pericolo, gabatto il santo29, et retournent plus que jamais en l'amoureuse guerre. Voire qu'il s'en est veu plusieurs d'elles, se sentant dans l'ame quelque ver rongeant, qui d'elles-mesmes faisoient des vœux bien saints et fort solennels, mais ne les gardoient guières, et se repentoient d'estre repenties, ainsi que dit M. du Bellay des courtisannes repenties30; et telles femmes affirment qu'il est bien mal-aisé de se défaire pour tout jamais d'une si douce habitude et coustume, puisqu'elles sont si peu en leur courte demeure qu'elles font en ce monde.

      Je m'en rapporterois volontiers à aucunes belles filles, jeunes, repenties, qui se sont voilées et recluses, si on leur demandoit et en foy et en conscience ce qu'elles en respondroient, et comme elles desireroient bien souvent leurs hautes murailles abbattues pour s'en sortir aussi-tost.

      Voilà pourquoy ne faut point que les marys pensent autrement réduire leurs femmes après qu'elles ont fait la première fausse pointe de leur honneur, si-non de leur lascher la bride, et leur recommander seulement la discrétion et tout guariment d'escandale; car on a beau porter tous les remèdes d'amour qu'Ovide a jamais appris, et une infinité qui se sont encore inventez sublins, ny mesmes les authentiques de maistre François Rabelais, qu'il apprit au vénérable Panurge, n'y serviront jamais rien; ou bien, pour le meilleur, pratiquer un refrain d'une vieille chanson qui fut faite du temps de François I, qui dit: «Qui voudroit garder qu'une femme n'aille du tout à l'abandon, il la faudrait fermer dans une pippe, et en joüir par le bondon.»

      – Du temps du roy Henry, il y eut un certain quincailleur qui apporta une douzaine de certains engins à la foire de Sainct Germain pour brider le cas des femmes31, qui estoient faits de fer et ceinturoient comme une ceinture, et venoient à prendre par le bas et se fermer à clef; si subtilement faits, qu'il n'estoit pas possible que la femme, en estant bridée une fois, s'en peust jamais prévaloir pour ce doux plaisir, n'ayant que quelques petits trous menus pour servir à pisser.

      On dit qu'il y eut quelque cinq ou six marys jaloux fascheux qui en acheptèrent et en bridèrent leurs femmes de telle façon qu'elles purent bien dire: «Adieu bon temps.» Si y en eut-il une qui s'advisa de s'accoster d'un serrurier fort subtil en son art, à qui ayant monstré ledit engin, et le sien et tout, son mary estant allé dehors aux champs, il y appliqua si bien son esprit qu'il luy forgea une fausse clef, que la dame le fermoit et ouvroit à toute heure et quand elle vouloit. Le mary n'y trouva jamais rien à dire: et se donna son saoul de ce bon plaisir, en dépit du fat jaloux, cocu de mary, pensant vivre toujours en franchise de cocuage. Mais ce meschant serrurier, qui fit la fausse clef, gasta tout; et si fit mieux, à ce qu'on dit, car ce fut le premier СКАЧАТЬ



<p>29</p>

C'est-à-dire: Le peril passé, l'on se moque du saint.

<p>30</p>

Joachim du Bellay, dans sa Contre-Repentie, f. 444, A. de ses Œuvres, 1576.

Mere d'amour, suivant mes premiers vœux,Dessous tes loix remettre je me veux,Dont je voudrois n'estre jamais sortie;Et me repens de m'estre repentie.
<p>31</p>

Ces sortes de cadenas étoient déjà en usage à Venise.