Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ sont abus.

      Les philosophes naturels m'ont dit qu'il n'y a que le seul objet présent qui les domine alors, et nullement l'absent, et en alléguoient force raisons; mais je ne suis assez bon philosophe ny sçavant pour les déduire, et aussi qu'il y en a d'aucunes salles. Je veux observer la vérécondie, comme on dit. Mais pour parler de ces elections d'amours laides, j'en ay veu force en ma vie, dont je m'en suis estonné cent fois.

      – Retournant une fois d'un voyage de quelque province estrangere, que ne nommeray point de peur qu'on connoisse le sujet duquel je veux parler, et discourant avec une grande dame de par le monde, parlant d'une autre grande dame et princesse que j'avois veue-là, elle me demanda comment elle faisoit l'amour. Je lui nommoy le personnage lequel elle tenoit pour son favory, qui n'estoit ny beau ni de bonne grace, et de fort basse qualité. Elle me fit response: «Vrayment elle se fait fort grand tort, et à l'amour un très-mauvais tour, puis qu'elle est si belle et si honneste comme on la tient.»

      Cette dame avoit raison de me tenir ces propos, puis qu'elle n'y contrarioit point, et ne les dissimuloit par effet; car elle avoit un honneste amy et bien favory d'elle. Et quand tout est bien dit, une dame ne se fera jamais de reproche quand elle voudra aymer et faire election d'un bel object, ny de tort au mary non plus, quand ce ne seroit autre raison que pour l'amour de leur lignée; d'autant qu'il y a des marys qui sont si laids, si fats, si sots, si badauts, de si mauvaise grace, si poltrons, si coyons et de si peu de valeur, que leurs femmes venans à avoir des enfants d'eux, et les ressemblans, autant vaudroit n'en avoir point du tout, ainsy que j'ay cogneu plusieurs dames, lesquelles ayant eu des enfants de tels marys, ils ont esté tous tels que leurs peres; mais en ayant emprunté aucuns de leurs amys, ont surpassé leurs peres, freres et sœurs en toutes choses.

      – Aucuns aussi des philosophes qui ont traitté de ce sujet ont tenu toujours que les enfants ainsi empruntez ou derobbez, ou faits à cachettes et à l'improviste, sont bien plus gallants et tiennent bien plus de la façon gentille dont on use à les faire prestement et habillement, que non pas ceux qui se font dans un lict lourdement, fadement, pesamment, à loisir, et quasi à demy endormis, ne songeans qu'à ce plaisir en forme brutalle.

      Aussi ay-je ouy dire à ceux qui ont charge des harras des roys et grands seigneurs, qu'ils ont veu souvent sortir de meilleurs chevaux derobbez par leurs meres, que d'autres faits par la curiosité des maistres du haras et estallons donnez et appostez: ainsi est-il des personnes.

      Combien en ay-je veu de dames avoir produit des plus beaux et honnestes et braves enfants! Que si leurs pères putatifs les eussent faits, ils fussent esté vrays veaux et vrayes bestes.

      Voilà pourquoy les femmes sont bien advisées de s'ayder et accommoder de beaux et bons estallons, pour faire de bonnes races. Mais aussi en ay-je bien veu qui avoient de beaux marys, qui s'aidoient de quelques amys laids et vilains estallons, qui procréoyent de hideuses et mauvaises lignées.

      Voilà une des signalées commoditez et incommoditez de cocuage.

      – J'ay cogneu une dame de par le monde, qui avoit un mary fort laid et fort impertinent; mais, de quatre filles et deux garçons qu'elle eut, il n'y eut que deux qui valussent, estants venus et faits de son amy; et les autres venus de son chalant de mary (je dirois volontiers chat-huant, car il en avoit la mine), furent fort maussades.

      Les dames en cela y doivent estre bien advisées et habiles, car coustumièrement les enfants ressemblent à leurs pères, et touchent fort à leur honneur quand ils ne leur ressemblent. Ainsi que j'ay veu par expérience beaucoup de dames avoir cette curiosité de faire dire et accroire à tout le monde que leurs enfants ressemblent du tout à leur père et non à elles, encor qu'ils n'en tiennent rien; car c'est le plus grand plaisir qu'on leur sçauroit faire, d'autant qu'il y a apparence qu'elles ne l'ont emprunté d'autruy, encore qu'il soit le contraire.

      – Je me suis trouvé une fois en une grande compagnie de Cour où l'on advisoit le pourtrait de deux filles d'une très-grande reyne. Chacun se mit à dire son advis à qui elles ressembloient, de sorte que tous et toutes dirent qu'elles tenoient du tout de la mère; mais moy, qui estois très-humble serviteur de la mère, je pris l'affirmative, et dis qu'elles tenoient du tout du père, et que si l'on eust cogneu et veu le père comme moy, l'on me condescendroit. Sur quoy la sœur de cette mère m'en remercia et m'en sçeut très-bon gré, et bien fort, d'autant qu'il y avoit aucunes personnes qui le disoient à dessein, pour ce qu'on la soupçonnoit de faire l'amour, et qu'il y avoit quelque poussière dans sa fleute, comme l'on dit; et par ainsi mon opinion sur cette ressemblance du père rabilla tout. Donc sur ce point, qui aymera quelque dame et qu'on verra enfants de son sang et de ses os, qu'il dit tousjours qu'ils tiennent du père du tout, bien que non.

      Il est vray qu'en disant qu'ils ont de la mère un peu il n'y aura pas de mal, ainsi que dit un gentilhomme de la Cour, mon grand amy, parlant en compagnie de deux gentilshommes frères assez favoris du roy36, à qui ils ressembloient, au père ou à la mère; il respondit que celui qui estoit froid ressembloit au père, et l'autre qui estoit chaud ressembloit à la mere; par ce brocard le donnant bon à la mère, qui estoit chaudasse; et de fait ces deux enfants participoient de ces deux humeurs froide et chaude.

      – Il y a une autre sorte de cocus qui se forme par le desdain qu'ils portent à leurs femmes, ainsi que j'en ay cogneu plusieurs qui, ayant de très-belles et honnestes femmes, n'en faisoient cas, les mesprisoient et desdaignoient, celles qui estoient habilles et pleines de courage, et de bonne maison, se sentants ainsi desdaignées, se revangeoient à leur en faire de mesme: et soudain après bel amour, et de là à l'effet; car, comme dit le refrain italien et napolitain, amor non si vince con altro che con sdegno37.

      Car ainsi une femme belle, honneste, et qui se sent telle et se plaise, voyant que son mary la desdaigne, quand elle luy porteroit le plus grand amour marital du monde, mesme quand on la prescheroit et proposeroit les commandements de la loy pour l'aymer, si elle a le moindre cœur du monde, elle le plante là tout à plat et fait un amy ailleurs pour la secourir en ses petites nécessitez, et élit son contentement.

      – J'ay cogneu deux dames de la Cour, toutes deux belles-sœurs; l'une avoit espousé un mary favory, courtisan et fort habille, et qui pourtant ne faisoit cas de sa femme comme il devoit, veu le lieu d'où elle estoit, et parloit à elle devant le monde comme à une sauvage, et la rudoyoit fort. Elle, patiente, l'endura pour quelque temps, jusques à ce que son mary vint un peu défavorisé; elle, espiant et prenant l'occasion au poil et à propos, la luy ayant gardée bonne, luy rendit aussitost le desdain passé qu'il luy avoit donné, en le faisant gentil cocu: comme fit aussi sa belle-sœur, prenant exemple à elle, qui ayant esté mariée fort jeune et en tendre age, son mary n'en faisant cas comme d'une petite fillaude, ne l'aymoit comme il devoit; mais elle, se venant advancer sur l'age, et à sentir son cœur en reconnoissant sa beauté, le paya de mesme monnoye, et luy fit un présent de belles cornes pour l'intérest du passé.

      – D'autres-fois ay-je cogneu un grand seigneur, qui, ayant pris deux courtisannes, dont il y en avoit une more, pour ses plus grandes délices et amyes, ne faisant cas de sa femme, encore qu'elle le recherchast avec tous les honneurs, amitiez et révérances conjugales qu'elle pouvoit; mais il ne la pouvoit jamais voir de bon œil ny embrasser de bon cœur, et de cent nuicts il ne luy en départoit pas deux. Qu'eust-elle fait la pauvrette là-dessus, après tant d'indignitez, si-non de faire ce qu'elle fit, de choisir un autre lict vaccant, et s'accoupler avec une autre moitié, et prendre ce qu'elle en vouloit?

      Au moins si ce mary eust fait comme un autre que je sçay, qui estoit de telle humeur, qui, pressé de sa femme, qui estoit très-belle, et prenant plaisir ailleurs, lui dit franchement: «Prenez vos contentements ailleurs, je vous en donne congé. Faites de vostre costé ce que vous voudrez faire avec un autre: je vous laisse en vostre liberté; et ne vous donnez peine de mes amours, et laissez-moy faire ce qu'il me plaira. СКАЧАТЬ



<p>36</p>

A qui on demandoit.

<p>37</p>

C'est-à-dire: l'amour ne se surmonte que par le dédain.