Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ deux par grands médecins experts. Le mary choisit les siens et la femme les siens, dont en fut fait un fort plaisant sonnet à la Cour, qu'une grande dame me list elle-mesme, et me donna ainsi que je disnois avec elle. On disoit qu'une dame l'avoit fait, d'autres un homme. Le sonnet est tel:

SONNET

      Entre les médecins renommés à Paris

      En sçavoir, en espreuve, en science, en doctrine,

      Pour juger l'Imparfait de la coulpe androgyne,

      Par de Bray et sa femme ont esté sept choisis.

      De Bray a eu pour luy les trois de moindre prix,

      Le Court, l'Endormy, Pietre; et sa femme, plus fine,

      Les quatre plus experts en l'art de médecine,

      Le Grand, le Gros, Duret et Vigoureux a pris.

      On peut par-là juger qui des deux gaignera,

      Et si le Grand du Court victorieux sera,

      Vigoureux d'Endormy, le Gros, Duret de Pietre.

      Et de Bray n'ayant point ces deux de son costé,

      Estant tant imparfait que mary le peut estre,

      A faute de bon droit en sera débouté.

      – J'ay ouy parler d'un autre mary, lequel la première nuict tenant embrassée sa nouvelle espouse, elle se ravit en telle joye et plaisir, que, s'oubliant en elle-mesme, ne se put engarder de faire un petit mobile tordion de remuement non accoustumé de faire aux nouvelles mariées; il ne dit autre chose sinon: «Ah! j'en ay!» et continua sa route. Et voilà nos cocus en herbe, dont j'en sçai une milliasse de contes; mais je n'aurois jamais fait; et le pis que je vois en eux, c'est quand ils espousent la vache et le veau, comme on dit, et qu'ils les prennent toutes grosses.

      Comme un que je sçay, qui, s'estant marié avec une fort belle et honneste demoiselle, par la faveur et volonté de leur prince et seigneur, qui aymoit fort ce gentilhomme et la luy avoit fait espouser, au bout de huit jours elle vint à estre cogneuë grosse, aussi elle le publia pour mieux couvrir son jeu. Le prince, qui s'estoit tousjours bien douté de quelques amours entre elle et un autre, lui dit: «Une telle, j'ay bien mis dans mes tablettes le jour et l'heure de vos nopces; quand on les affrontera à celuy et celle de vostre accouchement, vous aurez de la honte.» Mais elle, pour ce dire, n'en fit que rougir un peu, et n'en fut autre chose, si-non qu'elle tenoit toujours mine de dona da ben.

      Or il y a d'aucunes filles qui craignent si fort leur père et mère, qu'on leur arracheroit plustot la vie du corps que le boucon puceau, les craignant cent fois plus que leurs marys.

      – J'ay ouy parler d'une fort belle et honneste demoiselle, laquelle, estant fort pourchassée du plaisir d'amour de son serviteur, elle lui respondit: «Attendez un peu que je sois mariée, et vous verrez comme, sous cette courtine de mariage qui cache tout, et ventre enflé et descouvert, nous y ferons à bon escient.»

      – Un autre, estant fort recherchée d'un grand, elle luy dit: «Sollicitez un peu nostre prince qu'il me marie bien-tost avec celui qui me pourchasse, et me face vistement payer mon mariage qu'il m'a promis; le lendemain de mes nopces, si nous ne nous rencontrons, marché nul.»

      – Je sçai une dame qui, n'ayant esté recherchée d'amours que quatre jours avant ses nopces, par un gentilhomme parent de son mary, dans six après il en jouyt; pour le moins il s'en vanta, et estoit aisé de le croire; car, ils se monstroient telle privauté qu'on eust dit que toute leur vie ils avoient estés nourris ensemble; mesme il en dist des signes et marques qu'elle portoit sur son corps, et aussi qu'ils continuèrent leur jeu long-temps après. Le gentilhomme disoit que la privauté qui leur donna occasion de venir là, ce fut que, pour porter une mascarade, s'entrechangèrent leurs habillements; car il prit celui de sa maistresse, et elle celuy de son amy, dont le mary n'en fit que rire, et aucuns prindrent subject d'y redire et penser mal.

      Il fut fait une chanson à la Cour d'un mary qui fut marié le mardy et fut cocu le jeudy: c'est bien avancer le temps.

      – Que dirons-nous d'une fille ayant esté sollicitée longuement d'un gentilhomme de bonne maison et riche, mais pourtant nigaud et non digne d'elle, et par l'advis de ses parents, pressée de l'espouser, elle fit response qu'elle aymoit mieux mourir que de l'espouser, et qu'il se déportast de son amour, qu'on ne luy en parlast plus ny à ses parents; car, s'ils la forçoient de l'espouser, elle le feroit plustost cocu. Mais pourtant fallut qu'elle passast par-là, car la sentence luy fut donnée ainsi par ceux et celles des plus grands qui avoient sur elle puissance, et mesme de ses parents.

      La vigille des nopces, ainsi que son mary la voyoit triste et pensive, luy demanda ce qu'elle avoit, elle luy respondit toute en colère: «Vous ne m'avez voulu jamais croire à vous oster de me poursuivre; vous sçavez ce que je vous ay tousjours dit, que, si je venois par malheur à estre vostre femme, que je vous ferois cocu, et je vous jure que je le feray et vous tiendray parole.»

      Elle n'en faisoit point la petite bouche devant aucunes de ses compagnes et aucuns de ses serviteurs. Asseurez-vous que depuis elle n'y a pas failli; et luy monstra qu'elle estoit bien gentille femme, car elle tint bien sa parole.

      Je vous laisse à penser si elle en devoit avoir blasme, puis qu'un averty en vaut deux, et qu'elle l'advisoit de l'inconvénient où il tomberoit. Et pourquoi ne s'en donnoit-il garde? Mais pour cela, il ne s'en soucia pas beaucoup.

      – Ces filles qui s'abandonnent ainsi sitost après estre mariées font comme dit l'Italien: Che la vacca, che e stata molto tempo ligata, corre più che quella che hà havuto sempre piena libertà21.

      Ainsi que fit la première femme de Baudoüin, roy de Jérusalem, que j'ay dit ci-devant, laquelle, ayant esté mise en religion de force par son mary, après avoir rompu le cloistre et en estre sortie, et tirant vers Constantinople, mena telle paillardise qu'elle en donnoit à tous passants, allants et venants, tant gens-d'armes que pellerins vers Jérusalem, sans esgard de sa royale condition; mais le grand jeûne qu'elle en avoit fait durant sa prison en estoit cause.

      J'en nommerois bien d'autres. Or, voilà donc de bonnes gens de cocus ceux-là, comme sont aussi ceux-là qui permettent à leurs femmes, quand elles sont belles et recherchées de leur beauté, et les abandonnent pour s'en ressentir et tirer de la faveur, du bien et des moyens.

      Il s'en voit fort de ceux-là aux cours des grands roys et princes, lesquels s'en trouvent très-bien, car, de pauvres qu'ils auront esté, ou pour engagement de leurs biens, ou pour procès, ou bien pour voyages de guerres sont au tapis, les voilà remontez et aggrandis en grandes charges par le trou de leurs femmes, où ils n'y trouvent nulle diminution, mais plustost augmentation; for en une belle dame que j'ay ouy dire, dont elle en avoit perdu la moitié par accident, qu'on disoit que son mary luy avoit donné la vérole ou quelques chancres qui la luy avoient mangée.

      Certes les faveurs et bienfaits des grands esbranlent fort un cœur chaste, et engendrent bien des cocus.

      – J'ay ouy dire et raconter d'un prince estranger22, lequel, ayant esté fait général de son prince souverain et maistre en une grande expédition d'un voyage de guerre qu'il luy avoit commandé, et ayant laissé en la Cour de son maistre sa femme, l'une des belles de la chrestienté, se mit à luy faire si bien l'amour, qu'il l'esbranla, la terrassa et l'abbattit, si beau qu'il l'engrossa.

      Le mary, tournant au bout de treize ou quatorze mois, la trouva en tel estat, bien marry et fasché contr'elle. Ne faut point demander comment ce fut à elle, qui estoit fort habile, à faire ses excuses, et à un sien beau-frère.

      Enfin elles furent telles qu'elle luy dit: «Monsieur, l'événement de vostre voyage en СКАЧАТЬ



<p>21</p>

C'est-à-dire: «Que la vache, qui a longtemps été attachée, court plus que celle qui a toujours en pleine liberté.»

<p>22</p>

François de Lorraine, duc de Guise, tué par Poltrot. Voy. Rem. sur le mot Adultérin, page 547 du Cath. d'Esp., édit. de 1699.