Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ point fait ses besognes, que, sans que vostre seigneur se mist à m'aymer, vous estiez perdu; et, pour ne vous laisser perdre, je me suis perdüe: il y va autant et plus de mon honneur que du vostre; pour votre avancement, je ne me suis espargnée la plus précieuse chose de moy: jugez donc si j'ay tant failly comme vous diriez bien; car, autrement, vostre vie, vostre honneur et faveur y fust esté en bransle. Vous estes mieux que jamais; la chose n'est si divulguée que la tache vous en demeure trop apparente. Sur cela, excusez-moi et me pardonnez.»

      Le beau-frère, qui sçavoit dire des mieux, et qui possible avoit part à la groisse, y en adjousta autres belles paroles et prégnantes, si bien que tout servit, et par ainsi l'accord fut fait, et furent ensemble mieux que devant, vivants en toute franchise et bonne amitié; dont pourtant le prince leur maistre, qui avoit fait la débausche et le débat, ne l'estima jamais plus (ainsi que j'ay ouy dire) comme il en avoit fait, pour en avoir tenu si peu de compte à l'endroit de sa femme et pour l'avoir beu si doux, tellement qu'il ne l'estima depuis de si grand cœur comme il l'avoit tenu auparavant, encore que, dans son ame, il estoit bien aise que la pauvre dame ne patist point pour luy avoir fait plaisir. J'ay veu aucuns et aucunes excuser cette dame, et trouver qu'elle avoit bien fait de se perdre pour sauver son mary et le remettre en faveur.

      Oh! qu'il y a de pareils exemples à celuy-cy, et encore à un d'une grande dame qui sauva la vie à son mary, qui avoit esté jugé à mort en pleine cour, ayant esté convaincu de grandes concussions et malles versations en son gouvernement et en sa charge, dont le mary l'en ayma après toute sa vie.

      – J'ay ouy parler d'un grand seigneur aussi, qui, ayant esté jugé d'avoir la teste tranchée, si qu'estant déjà sur l'eschaffault sa grace survint, que sa fille, qui estoit des plus belles, avoit obtenue, et, descendant de l'eschaffault, il ne dit autre chose sinon: «Dieu sauve le bon c.. de ma fille, qui m'a si bien sauvé!»

      – Saint Augustin est en doute si un citoyen chrestien d'Antioche pécha quand, pour se délivrer d'une grosse somme d'argent pour laquelle il estoit estroitement prisonnier, permit à sa femme de coucher avec un gentilhomme fort riche qui lui promit de l'acquitter de son debte.

      Si saint Augustin est de cette opinion, que peut-il donc permettre à plusieurs femmes, veufves et filles, qui pour rachepter leurs pères, parents et marys voire mesmes, abandonnent leur gentil corps sur force inconvénients qui leur surviennent, comme de prison, d'esclavitude, de la vie, des assauts et prise de ville, bref une infinité d'autres, jusques à gaigner quelquesfois des capitaines et des soldats, pour les bien faire combattre et tenir leurs partis, ou pour soutenir un long siége et reprendre une place. J'en conterois cent sujets, pour ne craindre pour eux à prostituer leur chasteté; et quel mal en peut-il arriver ny escandale pour cela? mais un grand bien.

      Qui dira donc le contraire, qu'il ne face bon estre quelques fois cocu, puisque l'on en tire telles commoditez du salut de vies et de rembarquement de faveurs, grandeurs et dignitez et biens, que j'en cognois beaucoup, et en ay ouy parler de plusieurs, qui se sont bien avancés par la beauté et par le devant de leurs femmes?

      Je ne veux offenser personne; mais j'oserois bien dire que je tiens d'aucuns et d'aucunes que les dames leur ont bien servy, et que certes les valeurs d'aucuns ne les ont tant fait valoir qu'elles.

      – Je cognois une grande et habile dame, qui fit bailler l'ordre à son mary, et l'eut luy seul avec les deux plus grands princes de la chrestienté. Elle luy disoit souvent, et devant tout le monde (car elle estoit de plaisante compagnie, et rencontroit très-bien). «Ha! mon amy, que tu eusses couru long-temps fauvettes avant que tu eusses eu ce diable que tu portes au col.»

      – J'en ay ouy parler d'un grand du temps du roy François, lequel ayant receu l'ordre, et s'en voulant prévaloir un jour devant feu M. de la Chastaigneraye mon oncle, et luy dit: «Ha! que vous voudriez avoir cet ordre pendu au col aussi bien comme moy!» Mon oncle, qui estoit prompt, haut à la main, et scalabreux s'il en fut onc, lui respondit: «J'aymerois mieux estre mort que de l'avoir par le moyen du trou que vous l'avez eu.» L'autre ne luy dit rien, car il savoit bien à qui il avoit à faire.

      – J'ay ouy conter d'un grand seigneur, à qui sa femme ayant sollicité et porté en sa maison la patente d'une des grandes charges du pays où il estoit, que son prince lui avoit octroyée par la faveur de sa femme, il ne la voulut accepter nullement, d'autant qu'il avoit sceu que sa femme avoit demeuré trois mois avec le prince fort favorisée, et non sans soupçons. Il monstra bien par-là sa générosité, qu'il avoit toute sa vie manifestée: toutes fois il l'accepta, après avoir fait chose que je ne veux dire.

      Et voilà comme les dames ont bien fait autant ou plus de chevaliers que les batailles, que je nommerois, les cognoissant aussi bien qu'un autre; n'estoit que je ne veux mesdire, ny faire escandale. Et si elles leur ont donné des honneurs, elles leur donnent bien des richesses.

      J'en cognois un qui estoit pauvre haire lorsqu'il amena sa femme à la Cour, qui estoit très-belle; et, en moins de deux ans, ils se remirent et devinrent fort riches.

      – Encore faut-il estimer ces dames qui eslèvent ainsi leurs marys en biens, et ne les rendent coquins et cocus tout ensemble: ainsi que l'on dit de Marguerite de Namur, laquelle fut si sotte de s'engager et de donner tout ce qu'elle pouvoit à Loüis duc d'Orléans, luy qui estoit si grand et si puissant seigneur, et frère du Roy, et tirer de son mary tout ce qu'elle pouvoit, si bien qu'il en devint pauvre, et fut contraint de vendre sa comté de Bloys audit M. d'Orléans, lequel, pensez qu'il la luy paya de l'argent et de la substance mesmes que sa sotte femme luy avoit donnée. Sotte bien estoit-elle, puisqu'elle donnoit à plus grand que soy; et pensez qu'après il se moqua et de l'une et de l'autre; car il estoit bien homme pour le faire, tant il estoit volage et peu constant en amours.

      – Je cognois une grande dame, laquelle estant venuë fort amoureuse d'un gentilhomme de la Cour, et luy par conséquent joüissant d'elle, ne luy pouvant donner d'argent, d'autant que son mari luy tenoit son trésor caché comme un prestre, lui donna la plus grande partie de ses pierreries, qui montoient à plus de trente mille escus; si bien qu'à la Cour on disoit qu'il pouvoit bien bastir, puisqu'il avoit force pierres amassées et accumulées; et puis après, estant venue et escheue à elle une grande succession, et ayant mis la main sur quelques vingt mille escus, elle ne les garda guères que son gallant n'en eust sa bonne part. Et disoit-on que si cette succession ne luy fust eschuë, ne sçachant que luy pouvoir plus donner, luy eust donné jusques à sa robe et chemise; en quoy tels escroqueurs et escornifleurs sont grandement à blasmer, d'aller ainsi allambiquer et tirer toute la substance de ces pauvres diablesses martelées et encapriciées; car la bourse estant si souvent revisitée, ne peut demeurer toujours en son enfleure, ni en son estre, comme la bourse de devant, qui est toujours en son mesme estat, et preste à y pescher qui veut, sans y trouver à dire les prisonniers qui y sont entrés et sortis. Ce bon gentilhomme, que je dis si bien empierré, vint quelque temps après à mourir; et toutes ses hardes, à la mode de Paris, vindrent à estre criées et vendues à l'encan, qui furent appréciées à cela, et recognuës pour les avoir veuës à la dame par plusieurs personnes, non sans grande honte de la dame.

      – Il y eut un grand prince, qui aymant une fort honneste dame, fit achepter une douzaine de boutons de diamants très-brillants, et proprement mis en œuvre avec leurs lettres égyptiennes et hiéroglyfiques, qui contenoient leur sens caché, dont il en fit un présent à sadite maistresse, qui, après les avoir regardées fixement, lui dit qu'il n'en estoit meshuy plus besoin à elle de lettres hiéroglyfiques, puisque les escritures estoient des-jà accomplies entre eux deux, ainsi qu'elles avoient esté entre cette dame et le gentil homme de cy-dessus.

      J'ai cogneu une dame qui disoit souvent à son mary qu'elle l rendroit plustost coquin que cocu; mais ces deux mots tenant de l'équivoque, un peu de l'un de l'autre assemblèrent en elle et en son mary ces deux belles qualitez.

      – J'ai bien cogneu pourtant beaucoup et une infinité de dames qui n'ont pas ainsi fait: car elles ont СКАЧАТЬ