Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ il falloit qu'elle en fist la mine.

      Beaucoup de marys se trompent bien souvent en ces gardes; car il leur semble que, pourveu que leurs femmes soient entre les mains des vieilles, que les unes et les autres appellent leurs meres pour titre d'honneur, qu'elles sont très-bien gardées sur le devant, et de belles il n'y en a point de plus aisées à suborner et gaigner qu'elles; car de leur nature, estant avaricieuses comme elles sont, en prennent de toutes mains pour vendre leurs prisonnieres.

      D'autres ne peuvent veiller tousjours ces jeunes femmes, qui sont tousjours en bonne cervelle, et mesmes quand elles sont en amours, que la pluspart du temps elles dorment en un coin de cheminée, qu'en leur présence les cocus se forgent sans qu'elles y prennent garde ny n'en sçachent rien.

      – J'ai cogneu une dame qui le fit une fois devant sa gouvernante si subtilement, qu'elle ne s'en apperçeut jamais.

      Une autre en fit de mesme devant son mary quasy visiblement, ainsi qu'il jouoit à la prime.

      D'autres vieilles ont mauvaises jambes, qui ne peuvent pas suivre au grand trot leurs dames, qu'avant qu'elles arrivent au bout d'une allée, ou d'un bois, ou d'un cabinet, leurs dames ont dérobé leur coup en robbe, sans qu'elles s'en soient apperceues, n'ayant rien veu, débiles de jambes et basses de la veuë.

      D'autres vieilles et gouvernantes y a-t-il qui, ayant pratiqué le mestier, ont pitié de voir jeusner les jeunes, et leur sont si débonnaires, que d'elles-mesmes elles leur en ouvrent le chemin, et les en persuadent de l'en suivre, et leur assistent de leur pouvoir.

      Aussi l'Aretin disoit que le plus grand plaisir d'une dame qui a passé par-là, et tout son plus grand contentement, est d'y faire passer une autre de mesme.

      Voilà pourquoy quand on se veut bien aider d'un bon ministre pour l'amour, on prend et s'adresse-t-on plustost à une vieille maquerelle qu'à une jeune femme. Aussi tiens-je d'un fort gallant homme qu'il ne prenoit nul plaisir, et le défendoit à sa femme expressément, de ne hanter jamais compagnies de vieilles, pour estre trop dangereuses, mais avec de jeunes tant qu'elle voudroit; et en alléguoit beaucoup de bonnes raisons que je laisse aux mieux discourans discourir.

      Et c'est pourquoy un seigneur de par le monde, que je sçay, confia sa femme, de laquelle il estoit jaloux, à une sienne cousine, fille pourtant, pour lui servir de surveillante; ce qu'elle fit très-bien, encor que de son costé elle retinst moitié du naturel du chien de l'ortollan, d'autant qu'il ne mange jamais des choux du jardin de son maistre, et si n'en veut laisser manger aux autres; mais celle-cy en mangeoit, et n'en vouloit point faire manger à sa cousine: si est-ce que l'autre pourtant lui desroboit tousjours quelque coup en cotte, dont elle ne s'en appercevoit, quelque fine qu'elle fust, ou feignoit de s'en appercevoir.

      – J'alléguerois une infinité de remedes dont usent les pauvres jaloux cocus, pour brider, serrer, gesner, et tenir de court leurs femmes qu'elles ne fassent le saut; mais ils ont beau pratiquer tous ces vieux moyens qu'ils ont ouy dire, et d'en excogiter de nouveaux, car ils y perdent leur escrime: car quand une fois les femmes ont mis ce ver-coquin amoureux dans leurs testes, les envoyent à toute heure chez Guillot le Songeur33, ainsi que j'espere d'en discourir en un chapitre, que j'ay à demi fait, des ruses et astuces des femmes sur ce point, que je confere avec les stratagesmes et astuces militaires des hommes de guerre34. Et le plus beau remede, seure et douce garde, que le mary jaloux peut donner à sa femme, c'est de la laisser aller en son plein pouvoir, ainsi que j'ay ouy dire à un gallant homme marié, estant le naturel de la femme que, tant plus on luy défend une chose, tant plus elle desire le faire, et surtout en amours, où l'appetit s'eschauffe plus en le deffendant qu'au laisser courre.

      – Voicy une autre sorte de cocus, dont pourtant il y a question, à sçavoir mon, si l'on à joüi d'une femme à plein plaisir durant la vie de son mary cocu, et que le mary vienne à décéder, et que ce serviteur vienne après à espouser cette femme veufve, si, l'ayant espousée en secondes nopces, il doit porter le nom et titre de cocu, ainsi que j'ay cogneu et ouy parler de plusieurs, et de grands.

      Il y en a qui disent qu'il ne peut estre cocu, puisque c'est luy-mesme qui en a fait la faction, et qu'il n'y aye aucun qui l'aye fait cocu que lui-mesme, et que ses cornes sont faites de soy-mesme. Toutes fois, il y a bien des armuriers qui font des espées desquelles ils sont tuez où s'entretuent eux-mesmes.

      Il y en a d'autres qui disent l'estre réellement cocu, et de fait, en herbe pourtant, ils en alleguent force raisons; mais, d'autant que le procès en est indécis, je le laisse à vuider à la première audience qu'on voudra donner pour cette cause.

      Si diray-je encore cettuy-cy d'une bien grande, mariée encore, laquelle s'est compromise encore en mariage à celuy qui l'entretient encore, il y a quatorze ans, et depuis ce temps a toujours attendu et souhaitté que son mary mourust. Au diable s'il a jamais pu mourir encore à son souhait; si bien qu'elle pouvoit bien dire: «Maudit soit le mary et le compagnon, qui a plus vescu que je ne voulois!» De maladies et indispositions de son corps il en a eu prou, mais de mort point.

      Si bien que le roy Henry troisième, ayant donné la survivance de l'estat beau et grand qu'avoit ledict mary cocu, à un fort honneste et brave gentilhomme, disoit souvent: «Il y a deux personnes en ma Cour auxquelles moult tarde qu'un tel ne meure bientost: à l'une pour avoir son estat, et à l'autre pour espouser son amoureux: mais l'un et l'autre ont esté trompez jusques icy.»

      Voilà comme Dieu est sage et provident de n'envoyer point ce que l'on souhaitte de mauvais: toutesfois l'on m'a dit que depuis peu sont en mauvais ménage, et ont bruslé leur promesse de mariage de futur, et rompu le contrat, par grand dépit de la femme et joye du marié prétendu, d'autant qu'il se vouloit pourvoir ailleurs et ne vouloit plus tant attendre la mort de l'autre mary, qui, se mocquant des gens, donnoit assez souvent des allarmes qu'il s'en alloit mourir; mais enfin il a survescu le mary prétendu.

      Punition de Dieu, certes; car il ne s'ouyt jamais guères parler d'un mariage ainsi fait; qui est un grand cas, et énorme, de faire et accorder un second mariage, estant le premier encor en son entier.

      J'aymerois autant d'une, qui est grande, mais non tant que l'autre que je viens de dire, laquelle, estant pourchassée d'un gentilhomme par mariage, elle l'espousa, non pour l'amour qu'elle luy portoit, mais parce qu'elle le voyoit maladif, atténué et allanguy, et mal disposé ordinairement, et que les médecins lui disoient qu'il ne vivroit pas un an, et mesme après avoir cogneu cette belle femme par plusieurs fois dans son lict: et, pour ce, elle en esperoit bientost la mort, et s'accommoderoit tost après sa mort de ses biens et moyens, beaux meubles et grands advantages qu'il luy donnoit par mariage: car il estoit très-riche et bien-aisé gentilhomme. Elle fut bien trompée; car il vit encore, gaillard, et mieux disposé cent fois qu'avant qu'il l'espousast; depuis elle est morte. On dict que ledict gentilhomme contrefaisoit ainsi du maladif et marmiteux, afin que connoissant cette femme très-avare, elle fust émue à l'espouser sous esperance d'avoir tels grands biens: mais Dieu là-dessus disposa tout au contraire, et fit brouster la chevre là où elle estoit attachée en despit d'elle.

      Que dirons-nous d'aucuns qui espousent des putains et courtisannes qui ont esté très-fameuses, comme l'on fait assez coustumièrement en France mais, surtout en Espagne et en Italie, lesquels se persuadent de gaigner les œuvres de miséricorde, por librar una anima christiana del infierno35, comme ils disent, en la sainte voye.

      Certainement, j'ai veu aucuns tenir cette opinion et maxime, que s'ils les espousoient pour ce saint et bon sujet, ils ne doivent tenir rang de cocus; car ce qui se fait pour l'honneur de Dieu ne doit pas estre converty en opprobre: moyennant aussi que leurs femmes, estant remises en la bonne voye, ne s'en ostent et retournent à l'autre; comme j'en ay veu aucunes en ces deux pays, qui ne se rendoient plus pécheresses après СКАЧАТЬ



<p>33</p>

On a appelé Guillot le Songeur tout homme songeard, du chevalier Juillan le Pensif, l'un des personnages de l'Amadis.

<p>34</p>

Ou n'a point ce discours ou chapitre.

<p>35</p>

C'est-à-dire: pour délivrer une âme chrétienne de l'enfer.