Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Vies des dames galantes - Pierre de Bourdeille Brantôme страница 18

Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

isbn:

СКАЧАТЬ donner que quelques bagues, quelques faveurs, et quelques autres petites gentillesses, manchons ou escharpes, pour porter pour l'amour d'elles et les faire valoir.

      – J'en ay cogneu une grande qui a esté fort copieuse et liberale en cela; car la moindre de ses escharpes et faveurs qu'elle donnoit à ses serviteurs estoit de cinq cents escus, de mille et de trois mille, où il y avoit plus de broderies, plus de perles, plus d'enrichissements, de chiffres, de lettres hiérogiyfiques et belles inventions, que rien au monde n'estoit plus beau. Elle avoit raison, afin que ces présents, après les avoir faits, ne fussent cachés dans des coffres ni dans des bourses, comme ceux de plusieurs autres dames, mais qu'ils parussent devant tout le monde, et que son amy les fist valoir en les contemplant sur sa belle commémoration, et que tels présents en argent sentoient plustost leurs femmes communes qui donnent à leurs ruffians, que non pas leurs grandes et honnestes dames. Quelquefois aussi elle donnoit bien quelques belles bagues de riches pierreries; car ces faveurs et escharpes ne se portent pas communément, si-non en un beau et bon affaire; au lieu que la bague au doigt tient bien mieux et plus ordinairement compagnie à celuy qui la porte.

      – Certes un gentil cavalier et de noble cœur doit estre de cette généreuse complexion, de plustost bien servir sa dame pour les beautez qui la font reluire, que pour tout l'or et l'argent qui reluisent en elle.

      Quant à moy, je me puis vanter d'avoir servy en ma vie d'honnestes dames, et non des moindres; mais si j'eusse voulu prendre d'elles ce qu'elles m'ont présenté, et en arracher ce que j'eusse pu, je serois riche aujourd'huy, ou en bien, ou en argent, ou en meubles, de plus de trente mille escus que je ne suis; mais je me suis toujours contenté de faire paroistre mes affections, plus par ma générosité que par mon avarice.

      Certainement il est bien raison que, puisque l'homme donne du sien dans la bourse du devant de la femme, que la femme de mesme donne du sien aussi dans celle de l'homme, mais il faut en cela peser tout; car, tout ainsi que l'homme ne peut tant jetter et donner du sien dans la bourse de la femme comme elle voudroit, il faut aussi que l'homme soit si discret de ne tirer de la bourse de la femme tant comme il voudroit, et faut que la loy en soit égale et mesurée en cela.

      – J'ay bien veu aussi beaucoup de gentilshommes perdre l'amour de leurs maistresses par l'importunité de leurs demandes et avarices, et que les voyaus si grands demandeurs et si importuns d'en vouloir avoir, s'en défaisoient gentiment et les plantoient là, ainsi qu'il estoit très-bien employé.

      Voilà pourquoy tout noble amoureux doit plustost estre tenté de convoitise charnelle que pécuniaire; car quand la dame seroit par trop libérale de son bien, le mary, le trouvant se diminuer, en est plus marry cent fois que de dix mille libéralitez qu'elle feroit de son corps.

      Or, il y a des cocus qui se font par vengeance: cela s'entend que plusieurs qui haïssent quelques seigneurs, gentilshommes ou autres, desquels en ont receu quelques desplaisirs et affronts, se vangent d'eux en faisant l'amour à leurs femmes, et les corrompent en les rendant gallants cocus.

      – J'ai cogneu un grand prince, lequel ayant receu quelques traits de rébellion par un sien sujet grand seigneur, et ne se pouvant vanger de luy, d'autant qu'il le fuyoit tant qu'il pouvoit, de sorte qu'il ne le pouvoit aucunement attraper; sa femme estant un jour venue à sa Cour solliciter l'accord et les affaires de son mary, le prince luy donna une assignation pour en conférer un jour dans un jardin et une chambre là auprès; mais ce fut pour lui parler d'amours, desquels il jouit fort facilement sur l'heure sans grande résistance, car elle estoit de fort bonne composition: et ne se contenta de la repasser, mais à d'autres la prostitua, jusques aux valets-de-chambre; et par ainsi disoit le prince qu'il se sentoit bien vangé de son sujet, pour luy avoir ainsi repassé sa femme et couronné sa teste d'une belle couronne de cornes, puisqu'il vouloit faire du petit roy et du souverain; au lieu qu'il vouloit porter couronne de fleurs de lys23, il lui en falloit bailler une belle de cornes.

      Ce mesme prince en fit de mesmes par la suasion de sa mère, qu'il joüist d'une fille et princesse; sçachant qu'elle devoit espouser un prince qui lui avoit fait desplaisir et troublé l'Estat de son frère bien fort, la dépucella et en joüit bravement, et puis dans deux mois fut livrée audit prince pour pucelle prétendue et pour femme, dont la vengeance en fit fort douce en attendant une autre plus rude, qui vint puis après24.

      – J'ay cogneu un fort honneste gentilhomme qui, servant une belle dame et de bon lieu, lui demandant la récompense de ses services et amours, elle luy respondit franchement qu'elle ne luy en donneroit pas pour un double, d'autant qu'elle estoit très-asseurée qu'il ne l'aymoit tant pour cela, et ne luy portoit point tant d'affection pour sa beauté, comme il disoit, sinon qu'en joüissant d'elle il se vouloit vanger de son mary qui luy avoit fait quelque desplaisir, et pour ce il en vouloit avoir ce contentement dans son ame, et s'en prévaloir puis après; mais le gentilhomme, luy asseurant du contraire, continua à la servir plus de deux ans si fidèlement et de si ardent amour, qu'elle en prit cognoissance ample et si certaine, qu'elle luy octroya ce qu'elle lui avoit tousjours refusé, l'asseurant que si du commencement de leurs amours elle n'eust eu opinion de quelque vengeance projettée en luy par ce moyen, elle l'eust rendu aussi bien content comme elle fit à la fin; car son naturel estoit de l'aymer et favoriser. Voyez comme cette dame se sceut sagement commander, que l'amour ne la transporta point à faire ce qu'elle desiroit le plus, sans qu'elle vouloit qu'on l'aymast pour ses mérites et non pour le seul sujet de vindicte.

      – Feu M. de Gua, un des parfaits et gallants gentilshommes du monde en tout, me convia à la Cour un jour d'aller disner avec luy; il avoit assemblé une douzaine des plus sçavants de la Cour, entre autres M. l'esvesque de Dole, de la maison d'Espinay en Bretagne, MM. de Ronsard, de Baïf, Desportes, d'Aubigny (ces deux sont encore en vie, qui m'en pourroient démentir), et d'autres desquels ne me souviens, et n'y avoit homme d'espée que M. de Gua et moy. En devisant durant le disner de l'amour et des commoditez et incommoditez, plaisirs et desplaisirs, du bien et du mal qu'il apportoit en sa joüissance, après que chacun eut dit son opinion et de l'un et de l'autre, il conclud que le souverain bien de cette joüissance gisoit en cette vengeance, et pria un chacun de tous ces grands personnages d'en faire un quatrain impromptu; ce qu'ils firent. Je les voudrois avoir pour les insérer icy, sur lesquels M. de Dol, qui disoit et escrivoit d'or, emporta le prix.

      Et certes, M. de Gua avoit occasion de tenir cette proposition contre deux grands seigneurs que je sçay, leur faisant porter les cornes pour la haine qu'ils luy portoient; car leurs femmes estoient très-belles: mais en cela il en tiroit double plaisir, la vengeance et le contentement. J'ay cogneu force gens qui se sont revangez et délectez en cela, et si ont eu cette opinion.

      – J'ay cogneu aussi de belles et honnestes dames, disant et affirmant que quand leurs marys les avoient maltraitées et rudoyées et tansées ou censurées, ou battues ou fait autres mauvais tours et outrages, leur plus grande délectation estoit de les faire cornards, et en les faisant songer à eux, les brocarder, se moquer et rire d'eux avec leurs amis, jusques-là de dire qu'elles en entroient davantage en appétit et certain ravissement de plaisir qui ne se pouvoit dire.

      – J'ay ouy parler d'une belle et honneste femme, à laquelle estant demandé une fois si elle avoit jamais fait son mary cocu, elle respondit: «Et pourquoy l'aurois-je fait, puisqu'il ne m'a jamais battuë ny menacée?» Comme voulant dire que, s'il eust fait l'un des deux, son champion de devant en eust tost fait la vengeance.

      – Et quant à la mocquerie, j'ay cogneu une fort belle et honneste dame, laquelle estant en ces doux altères de plaisirs, e en ces doux bains de délices et d'aise avec son amy, il lui advint qu'ayant un pendant d'oreille d'une corne d'abondance qui n'estoit que de verre noir, comme on les portoit alors, il vint, par force de se remuer et entrelasser et follastrer, à se rompre. Elle dit à son amy soudain: «Voyez comme nature est très-bien prévoyante; car pour une corne que j'ai rompue, j'en fais icy une douzaine d'autres à mon pauvre cornard de mary, pour СКАЧАТЬ



<p>23</p>

Cela pourroit bien regarder Henri de Lorraine, duc de Guise, tué à Blois.

<p>24</p>

Ceci pourroit encore mieux regarder Marguerite de Valois, le roi de Navarre, le duc d'Anjou et la Saint-Barthélemy.