Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ serrurier et forgeron, pour mary, lequel estoit un fort vilain, salle, boiteux et très-laid.

      On dit bien plus, qu'il y eut beaucoup de gallants honnestes gentihommes de la Cour qui menacèrent de telle façon le quinquaillier, que, s'il se mesloit jamais de porter telles ravauderies, qu'on le tueroit, et qu'il n'y retournast plus et jettast tous les autres qui estoient restez dans le retrait, ce qu'il fit; et depuis onc n'en fut parlé, dont il fut bien sage, car c'estoit assez pour faire perdre la moitié du monde, à faute de ne le peupler, par tels bridements, serrures et fermoirs de nature, abominables et détestables ennemis de la multiplication humaine.

      – Il y en a qui baillent leurs femmes à garder à des eunuques, que l'empereur Alexandre Severus rejetta fort, avec rude commandement de ne pratiquer jamais les dames romaines; mais ils y ont esté attrapés, non qu'ils engendrassent et les femmes conceussent d'eux, mais en recevoient quelques sentiments et superficies de plaisirs légers, quasi approchants du grand parfait: dont aucuns ne s'en soucient point, disants que leur principal marisson de l'adultere de leurs femmes ne procédoit pas de ce qu'elles s'en faisoient donner, mais qu'il leur faschoit grandement de nourrir et élever et tenir pour enfants ceux qu'ils n'avoient pas faits. Car sans cela ce fust esté le moindre de leurs soucis, ainsi que j'en ay cogneu aucuns et plusieurs, lesquels, quand ils trouvoient bons et faciles ceux qui les avoient faits à leurs femmes, à donner un bon revenu, à les entretenir, ne s'en donnoient aucunement soucy, ainsi qu'ils conseillent à leurs femmes de leur demander, et les prier de donner quelque pension pour nourrir et entretenir le petit qu'elles ont eu d'eux. Comme j'ay ouy conter d'une grande dame, laquelle eut Villecouvin, enfant du roi François I: elle le pria de lui donner ou assigner quelque peu de bien, avant qu'il mourust, pour l'enfant qu'il luy avoit fait; ce qu'il fit, et luy assigna deux cents mille escus en banque, qui luy profitèrent et coururent toujours d'intérêts et de change en change: en sorte qu'estant venu grand, il despensoit si magnifiquement et paroissoit en si belle despense et en jeux à la Cour, qu'un chacun s'en estonnoit, et présumoit-on qu'il joüissoit de quelque dame qu'on n'eusse point pensé, et ne croyoit-on sa mere nullement; mais d'autant qu'il ne bougeoit d'avec elle, un chacun jugeoit que la grande despense qu'il faisoit procédoit de la joüissance d'elle, et pourtant c'estoit le contraire, car elle estoit sa mere, et peu de gens le sçavoient, encore qu'on ne sceut bien sa lignée ni procréation, si ce n'est qu'il vint à mourir à Constantinople, et son aubene, comme bastard, fut donnée au mareschal de Retz, qui estoit fin et sublin à descouvrir tel pot aux roses, mesmes pour son profit, qu'il eust pris sur la glace, et vérifia la bastardise qui avoit esté si long-temps cachée, et emporta le don d'aubene pardessus M. de Teligny, qui avoit esté constitué héritier dudit Villecouvin.

      D'autres disoient pourtant que cette dame avoit eu cet enfant d'autres que du Roy, et qu'elle l'avoit ainsi enrichy du sien propre; mais M. de Retz esplucha et chercha tant parmy les banques, qu'il y trouva l'argent et les obligations du roy François. Les uns disoient pourtant d'un autre prince non si grand que le Roy, ou d'un autre moindre; mais, pour couvrir et cacher tout, et nourrir l'enfant, il n'estoit pas mauvais de supposer tout à la Majesté, comme cela se voit en d'autres.

      Je croy qu'il y a plusieurs femmes parmy le monde, et mesmes en France, que si elles pensoient produire des enfants à tel prix, que les roys et les grands monteroient aisément sur leurs ventres. Mais bien souvent ils y montent et n'en ont de grandes lippées; dont en ce elles sont bien trompées, car à tels grands volontiers ne s'adonnent-elles, sinon pour avoir le galardon32, comme dit l'Espagnol.

      Il y a une fort belle question sur ces enfants putatifs et incertains, à sçavoir s'ils doivent succéder aux biens paternels et maternels, et que c'est un grand péché aux femmes de les y faire succéder; dont aucuns docteurs ont dit que la femme le doit révéler au mary, et en dire la vérité. Ainsi le refere le docteur subtil. Mais cette opinion n'est pas bonne, disent autres, parce que la femme se diffameroit soy-mesme en le révélant, et pour autant elle n'y est tenuë; car la bonne renommée est un plus grand bien que les biens temporels, dit Salomon.

      Il vaut donc mieux que les biens soient occupez par l'enfant, que la bonne renommée se perde; car, comme dit un ancien proverbe, mieux vaut bonne renommée que ceinture dorée.

      De là les théologiens tirent une maxime qui dit que quand deux préceptes et commandements nous obligent, le moindre doit céder au plus grand; or est-il que le commandement de garder sa bonne renommée est plus grand que celui qui concede de rendre le bien d'autruy; il faut donc qu'il soit préféré à celuy-là.

      De plus, si la femme révele cela à son mary, elle se met en danger d'estre tuée du mary mesme, ce qui est fort deffendu de se pourchasser la mort, non pas mesmes est permis à une femme de se tuer de peur d'estre violée ou après l'avoir esté; autrement elle pécheroit mortellement: si-bien qu'il vaut mieux permettre d'estre violée, si on n'y peut, en criant ou fuyant, remédier, que de se tuer soy-mesme; car le violement du corps n'est point péché, si-non du consentement de l'esprit. C'est la réponse que fit sainte Luce au tyran qui la menaçoit de la faire mener au bourdeau. »Si vous me faites, dit-elle, forcer, ma chasteté recevra double couronne.»

      Pour cette raison, Lucrece est taxée d'aucuns. Il est vray que sainte Sabine et sainte Sophonienne, avec d'autres pucelles chrestiennes, lesquelles se sont privées de vie afin de ne tomber entre les mains des barbares, sont excusées de nos pères et docteurs, disant qu'elles ont fait cela pour certain mouvement du Saint-Esprit.

      Par lequel Saint-Esprit, après la prise de Cypre, une damoiselle cypriotte nouvellement chrestienne, se voyant emmener esclave avec plusieurs autres pareilles dames, pour estre la proye des Turcs, mit le feu secretement dans les poudres de la gallere, si-bien qu'en un moment tout fut embrazé et consumé avec elle, disant: «A Dieu ne plaise que nos corps soient pollus et cogneus par ces vilains Turcs et Sarrasins!» Et Dieu sçait, possible, qu'il avoit esté desja pollu, et en voulut ainsi faire la pénitence; si ce n'est que son maistre ne l'avoit voulu toucher, afin d'en tirer plus d'argent la vendant vierge, comme l'on est friand de taster en ces pays, voire en tous autres, un morceau intact.

      Or, pour retourner encor à la garde noble de ces pauvres femmes, comme j'ay dit, les ennuques ne laissent à commettre adultere avec elles, et faire leurs marys cocus, réservé la procréation à part.

      – J'ay cogneu deux femmes en France qui se mirent à aymer deux chastrez gentilhommes, afin de n'engroisser point; et pourtant en avoient plaisir, et si ne se scandalisoient. Mais il y a eu des marys si jaloux en Turquie et en Barbarie, lesquels s'estants apperceus de cette fraude, ils se sont advisez de faire chastrer tout à trac leurs pauvres esclaves, et leur couper tout net, dont, à ce que disent et escrivent ceux qui ont pratiqué la Turquie, il n'en reschappe deux de douze ausquels ils exercent cette cruauté, qu'ils ne meurent; et ceux qui en eschappent, ils les ayment et adorent comme vrays, seurs et chastes gardiens de la chasteté de leurs femmes et garantisseurs de leur honneur.

      Nous autres Chrestiens n'usons point de ces vilaines rigueurs et par trop horribles; mais au lieu de ces chastrez, nous leur donnons des vieillards sexagénaires, comme l'on fait en Espagne et mesmes à la Cour des Reynes de-là, lesquels j'ay veu gardiens des filles de leur cour et de leur suite: et Dieu sçait, il y a des vieillards cent fois plus dangereux à perdre filles et femmes que les jeunes, et cent fois plus inventifs, plus chaleureux et industrieux à les gaigner et corrompre.

      Je croy que telles gardes, pour estre chenues et à la teste et au menton, ne sont pas plus seures que les jeunes, et les vieilles femmes non plus; ainsi comme une vieille gouvernante espagnole conduisant ses filles et passant par une grande salle et voyant des membres naturels peints à l'advantage, et fort gros et desmesurez, contre la muraille, se prit à dire: Mira que tan bravos no los pintan estos hombres, como quien no los cognosciesse. Et ses filles se tournèrent vers elles, et y prindrent avis, fors une que j'ay cogneu, qui, contrefaisant de la simple, demanda à une de ses compagnes quels oiseaux estoient ceux-là: car il y en avoit aucuns peints avec des ailes. Elle luy respondit que c'estoient СКАЧАТЬ



<p>32</p>

Guerdon, galardon, qui dardonne, premio, ricompensa, dit le Franciosini.