Vies des dames galantes. Pierre de Bourdeille Brantôme
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Название: Vies des dames galantes

Автор: Pierre de Bourdeille Brantôme

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39220

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СКАЧАТЬ première fois que je fus en Italie, je devins amoureux d'une fort belle courtisanne à Rome, qui s'appeloit Faustine; et d'autant que je n'avois pas grand argent, et qu'elle estoit en trop haut prix de dix ou douze escus pour nuict, fallut que je me contentasse de la parole et du regard. Au bout de quelque temps, j'y retourne pour la seconde fois, et mieux garny d'argent: je l'alloy voir en son logis par le moyen d'une seconde, et la trouvoy mariée avec un homme de justice, en son mesme logis, qui me recueillit de bon amour, et me contant la bonne fortune de son mariage, et me rejetant bien loin ses folies du temps passé, auxquelles elle avoit dit adieu pour jamais. Je luy monstroy de beaux escus françois, mourant pour l'amour d'elle plus que jamais. Elle en fut tentée et m'accorda ce que voulus, me disant qu'en mariage faisant elle avoit arresté et concerté avec son mary sa liberté entière, mais sans escandale pourtant ny déguisement, moyennant une grande somme, afin que tous deux se pussent entretenir en grandeur, et qu'elle estoit pour les grandes sommes, et s'y laissoit aller volontiers, mais non point pour les petites. Celuy-là estoit bien cocu en herbe et gerbe.

      – J'ai ouy parler d'une dame de parmy le monde qui, en mariage faisant, voulut et arresta que son mary la laissast à la Cour pour faire l'amour, se reservant l'usage de sa forest de Mort-Bois ou Bois-Mort, comme luy plairoit; aussi, en récompense, elle lui donnoit tous les mois mille francs pour ses menus plaisirs, et ne se soucioit d'autre chose qu'à se donner du bon temps.

      Par ainsi, telles femmes qui ont esté libres, volontiers ne se peuvent garder qu'elles ne rompent les serrures estroites de leurs portes, quelque contrainte qu'il y ait, mesme où l'or sonne et reluit: tesmoin cette belle fille du roy Acrise, qui, toute reserrée et renfermée dans sa grosse tour, se laissa à un doux aller à ces belles gouttes d'or de Jupiter.

      Ha! que mal-aisément se peut garder, disoit un gallant homme, une femme qui est belle, ambitieuse, avare, convoiteuse d'estre brave, bien habillée, bien diaprée, et bien en point, qu'elle ne donne non du nez, mais du cul en terre, quoy qu'elle porte son cas armé, comme l'on dit, et que son mary soit brave, vaillant, et qui porte bonne espée pour le défendre.

      J'en ay tant cogneu de ces braves et vaillants, qui ont passé par-là; dont certes estoit grand dommage de voir ces honnestes et vaillants hommes en venir-là, et qu'après tant de belles victoires gagnées par eux, tant de remarquables conquestes sur leurs ennemis, et beaux combats demeslez par leur valeur, qu'il faille que, parmy les belles feuilles et fleurs de leurs chapeaux triomphants qu'ils portent sur la teste, l'on y trouve des cornes entremeslées, qui les deshonorent du tout: lesquels néantmoins s'amusent plus à leurs belles ambitions par leurs beaux combats, honorables charges, vaillances et exploicts, qu'à surveiller leurs femmes et esclairer leur antre obscur; et, par ainsi, arrivent, sans y penser, à la cité et conqueste de Cornuaille, dont c'est grand dommage pourtant; comme j'en ay bien cogneu un brave et vaillant qui portoit le titre d'un fort grand, lequel un jour se plaisant à raconter ses vaillances et conquestes, il y eut un fort honneste gentilhomme et grand, son allié et famillier, qui dit à un autre: «Il nous raconte ici ses conquestes, dont je m'en estonne; car le cas de sa femme est plus grand que toutes celles qu'il a jamais fait, ny ne fera oncques.»

      – J'en ay bien cogneu plusieurs autres, lesquels, quelque belle grace, majesté et apparence qu'ils pussent monstrer, si avoient-ils pourtant cette encolure de cocu qui les effaçoit du tout; car, telle encolure et encloueure ne se peut cacher et feindre; quelque bonne mine et bon geste qu'on veuille faire, elle se connoist et s'aperçoit à clair; et, quant à moy, je n'en ay jamais veu en ma vie aucun de ceux-là qui n'en eust ses marques, gestes, postures, et encolures, et encloueures, fors seulement un que j'ay cogneu, que le plus clair-voyant n'y eust sceu rien voir ny mordre, sans connoistre sa femme, tant il avoit bonne grace, belle façon et apparence honnorable et grave.

      Je prierois volontiers les dames qui ont de ces marys si parfaits, qu'elles ne leur fissent de tels tours et affronts: mais elles me pourront dire aussi: «Et où sont-ils ces parfait, comme vous dites qu'estoit celuy-là que vous venez d'alléguer?»

      Certes, Mesdames, vous avez raison, car tous ne peuvent estre des Scipions et des Césars, et ne s'en trouve plus. Je suis d'advis doncques que vous ensuiviez en cela vos fantaisies; car, puisque nous parlons des Césars, les plus gallants y ont bien passé, et les plus vertueux et parfaits, comme j'ay dit, et comme nous lisons de cet accomply empereur Trajan, les perfections duquel ne purent engarder sa femme Plotine qu'elle s'abandonnast du tout au bon plaisir d'Adrian, qui fut empereur après, de laquelle il tira de grandes commoditez, profits et grandeurs, tellement qu'elle fut cause de son advancement; aussi n'en fut-il ingrat estant parvenu à sa grandeur, car il l'ayma et honnora toujours si bien, qu'elle estant morte, il en demena si grand deuil et en conceut une telle tristesse, qu'enfin il en perdit pour un temps le boire et le manger, et fut contraint de séjourner en la Gaule Narbonnoise, où il sceut ces tristes nouvelles trois ou quatre mois après, pendant lesquels il escrivit au sénat de colloquer Plotine au nombre des déesses, et commanda qu'en ses obseques on lui offrist des sacrifices très-riches et très-somptüeux; et cependant il employa le temps à faire bastir et édifier, à son honneur et mémoire, un très-beau temple près Nemause, ditte maintenant Nismes, orné de très-beaux et riches marbres et porfires, avec autres joyaux.

      – Voilà donc comment, en matière d'amours et de ses contentements, il ne faut aviser à rien: aussi Cupidon leur dieu est aveugle; comme il paroist en aucunes, lesquelles ont des marys des plus beaux, des plus honnestes et des plus accomplis qu'on sçauroit voir, et néantmoins se mettent à en aymer n'autres si laids et si salles, qu'il n'est possible de plus.

      J'en ay veu force desquelles on faisoit une question: Qui est la dame la plus putain, ou celle qui a un fort beau et honneste mary, et fait un amy laid, maussade et fort dissemblable à son mary; ou celle qui a un laid et fascheux mary, et fait un bel amy bien avenant, et ne laisse pourtant à bien aymer et caresser son mary, comme si c'estoit la beauté des hommes, ainsi que j'ay veu faire à beaucoup de femmes?

      Certainement la commune voix veut que celle qui a un beau mary et le laisse pour aymer un amy laid, est bien une grande putain, ny plus ny moins qu'une personne est bien gourmande qui laisse une bonne viande pour en manger une meschante; aussi cette femme quittant une beauté pour aymer une laideur, il y a bien de l'apparence qu'elle le fait pour la seule paillardise, d'autant qu'il n'y a rien plus paillard ni plus propre pour satisfaire à la paillardise, qu'un homme laid, sentant mieux son bouc puant, ord et lascif que son homme; et volontiers, les beaux et honnestes hommes sont un peu plus délicats et moins habiles à rassasier une luxure excessive et effrénée, qu'un grand et gros ribaut barbu, ruraud et satyre.

      D'autres disent que la femme qui ayme un bel amy et un laid mary, et les caresse tous les deux, est bien autant putain, pour ce qu'elle ne veut rien perdre de son ordinaire et pension.

      Telles femmes ressemblent à ceux qui vont par pays, et mesmes en France, qui, estant arrivés le soir à la souppée du logis, n'oublient jamais de demander à l'hoste la mesure du mallier, et faut qu'il l'aye, quand il seroit saoul à plein jusqu'à la gorge.

      Ces femmes de mesmes veulent toujours avoir à leur coucher, quoy qu'il soit, la mesure de leur mallier, comme j'en ay cogneu une qui avoit un mary très-bon embourreur de bas; encores la veulent-elles croistre et redoubler en quelque façon que ce soit, voulant que l'amy soit pour le jour qui esclaire sa beauté, et d'autant plus en fait venir l'envie à la dame, et s'en donne plus de plaisir et contentement par l'ayde de la belle lueur du jour; et monsieur laid pour la nuict, car, comme on dit que tous chats sont gris de nuict, et pourveu que cette dame rassasie ses appetits, elle ne songe point si son homme de mary est laid ou beau.

      Car, comme je tiens de plusieurs, quand on est en ces extases de plaisir, l'homme ny la femme ne songent point à autre sujet ny imagination, si-non à celuy qu'ils traittent pour l'heure présente: encore que je tienne de bon lieu que plusieurs dames ont fait accroire à leurs amys que quand elles estoient-là avec leurs marys, elles addonnoient leurs pensées à leurs amys, et ne songeoient à leurs marys, afin d'y prendre СКАЧАТЬ