Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ et sauvage Bohême; c'est la seule partie pittoresque de la route entre Vienne et Dresde, si j'en excepte Prague et ses environs rapprochés.

      Aux portes de Téplitz, j'ai vu descendre, du haut d'une montagne surmontée d'une chapelle, une procession de pèlerins, des rosaires à la main, et chantant des cantiques: c'était touchant, et m'a donné envie de monter à mon tour faire mes vœux, mais un orage qui commençait à gronder m'a forcée de continuer sans arrêt.

      Je lis l'Histoire de la vie, des écrits et de la doctrine de Luther, par M. Audin. C'est ce que j'ai lu à ce sujet de plus érudit, de plus impartial, de plus intéressant et de plus catholique. J'ai fini, en quittant Vienne, la Vie de saint Dominique, par l'abbé Lacordaire. C'est écrit à l'effet et ne me plaît que médiocrement.

      J'entends dire ici, dans l'auberge, qu'on y attend M. Thiers depuis trois jours; j'espère qu'il n'y arrivera que demain après mon départ. Je compte me rendre ce soir même à Kœnigsbruck chez mes nièces et y rester quelques jours.

      Kœnigsbruck, 5 juillet 1841.– Je suis arrivée hier ici à cinq heures. J'avais eu, à Dresde, la visite du duc Bernard de Saxe-Weimar, qui logeait dans la même auberge que moi. Il venait de Berlin, où il avait passé quinze jours chez sa nièce la Princesse de Prusse.

      La même auberge m'a fait aussi revoir la comtesse Strogonoff, précédemment comtesse d'Ega, que j'ai vue l'année dernière à Bade et qui, là, m'avait prise fort à gré. Elle m'a raconté qu'aussitôt après mon départ de Bade, jusqu'au moment où Mme de Nesselrode était elle-même partie pour Paris, celle-ci passait toutes ses soirées à la table publique du jeu de Benacet, et, en regard du vieux électeur de Hesse, perdant ou gagnant dans la soirée, avec le même sang-froid imperturbable, les vingt louis, taux qu'elle s'était fixé. Quelle étrange personne!

      A la messe, à Dresde, j'ai revu la veuve du Prince Maximilien de Saxe, revenue de Rome, où elle a épousé son chambellan, un comte Rossi, cousin du mari de Mlle Sontag. Elle est obligée de revenir de temps en temps à Dresde, à cause de son douaire; son mari, toujours en guise de chambellan, l'accompagne. Elle n'est, ce me semble, ni jeune, ni jolie, ni bien tournée, ni élégante; lui est grand, avec une barbe jeune France, et les certaines allures spéciales d'un mari de Princesse.

      J'ai trouvé ici le comte de Hohenthal, sa femme et Fanny, mes deux nièces, fort affectueux dans leur accueil, tout pleins des souvenirs rapportés de leur voyage en Italie. Il fait très beau temps; le silence, le calme et le repos de la campagne me font plaisir. J'ai aussi trouvé des lettres de Paris. M. Molé m'écrit quatre pages, dans lesquelles il n'y a rien ce me semble, si ce n'est que Mme de Lieven règne et gouverne à Paris, pour ne rien dire de plus.

      La duchesse d'Albuféra me mande que la princesse de Lieven donne des petites soirées musicales, pour faire entendre sa nièce, la comtesse Annette Apponyi. La Princesse reprend tous les goûts de la jeunesse et du bonheur. Il serait heureux que le don de M. Guizot allât jusqu'à faire reverdir et refleurir les destinées de la France.

      La duchesse de Montmorency me mande que la vicomtesse de Chateaubriand est allée faire son service près de Mme la Duchesse de Berry. Se serait-on douté qu'elle fût Dame? Elle l'a demandé il y a longtemps. Elle a emmené avec elle la nourrice de M. le Duc de Bordeaux, celle qui n'a pu le nourrir que trois jours. Quel singulier voyage! On n'y comprend rien.

      Le duc de Noailles m'écrit qu'il se prépare, en face des événements qui s'accomplissent en Orient par le soulèvement successif des provinces, un mouvement à Paris, qui pourrait être analogue à celui qui a eu lieu à l'occasion de la Grèce, il y a quelques années. On veut former un Comité pour le soulagement (c'est-à-dire pour le soulèvement) des populations chrétiennes de l'Orient; ce Comité est composé d'hommes de la gauche et d'hommes du centre; on propose aux légitimistes d'en faire partie, et on leur offre la présidence, qui serait dévolue à lui, duc de Noailles. Cette question a été compliquée par le parti royaliste, qui voulait aussi faire quelque chose dans ce sens, qui a même déjà commencé, mais maladroitement, petitement.

      Mon fils, M. de Dino, me mande qu'un nouvel arrêté de l'Archevêque de Paris a ordonné qu'il n'y eût plus de portes au milieu des confessionnaux. On dit que cela paraît fort ridicule; en effet, c'est une précaution un peu humiliante d'une part pour le Clergé et de l'autre bien superflue, car les côtés des confessionnaux sont tous fermés de façon à ce qu'il y ait toujours une séparation très effective entre les pénitentes et les confesseurs, et le milieu étant fermé, le confesseur pouvait, du moins, sans distraction, écouter ses pénitentes. Ce Mgr Affre ne sait qu'imaginer comme ridicule.

       Kœnigsbruck, 6 juillet 1841.– La mort de la Reine de Hanovre32, que je viens d'apprendre, me fait de la peine. Encore une image de Londres effacée pour moi!

      La duchesse d'Albuféra me mande que la princesse de Lieven, dans sa petite maison de campagne, à Beauséjour, où elle passe la journée, mène une vie toute pastorale; elle y a un petit jardin qu'elle arrose avec de petits arrosoirs, qu'on a vu déposer à sa porte, rue Saint-Florentin, par M. Guizot, qui va tous les jours dîner à Beauséjour. Aux obsèques de M. Garnier-Pagès, le député radical, l'affluence du monde a été telle que la tête du convoi était déjà à la Bastille, quand la queue était encore à la porte Saint-Denis. Les discours prononcés sur sa tombe sont tous remplis de maximes révolutionnaires et divines, à la façon des Paroles d'un croyant, de M. de Lamennais. Le rédacteur du journal le Peuple a dit: «Nous te portons nos regrets, mais cela ne suffit pas, nous te portons aussi nos promesses!» Voilà mes rapsodies de Paris.

       Hohlstein, 11 juillet 1841.– J'ai quitté mes nièces avant-hier après le dîner et suis arrivée ici hier dans la matinée33. J'ai traversé toute la Lusace, qui est une belle province; le temps était enfin redevenu beau, mais aussitôt arrivée ici, la pluie a recommencé avec fureur; elle a continué pendant toute la nuit, et en ce moment elle tombe avec rage, ce qui gâte la belle vue que je devrais avoir des fenêtres de ma chambre qui donnent sur les montagnes de Silésie.

      Hohlstein, 13 juillet 1841.– J'ai profité, hier, de quelques éclaircies, pour visiter le parc, le potager, les alentours. Le tout est joli, soigné, parfois pittoresque. J'ai reçu une lettre de Mme d'Albuféra, dont voici quelques passages: «Mme de Flahaut part demain, avec ses filles, pour Ems; elle est bien affectée de ce qui se passe au sujet de son mari. Hier, elle était en larmes, à Beauséjour, chez la princesse de Lieven. Il ne paraît que trop décidé qu'ils n'iront pas à Vienne. On pense assez que ce sera M. Bresson et que le marquis de Dalmatie lui succédera à Berlin; resteraient Turin et Madrid à donner: Mme de Flahaut m'a dit que si on proposait l'un ou l'autre à son mari, elle est d'avis de refuser, mais que c'est à lui de décider; je sais que ses amis l'engageraient à accepter. Il reste à Paris pour attendre la fin de tout ceci; il dissimule ses peines mieux que sa femme, mais on voit qu'il souffre de plus d'une manière. Il n'est pas question de Naples, où on dit que le Roi ne veut pas d'eux.

      «Tout ce qui se passe en Angleterre ajoute à la tristesse de Mme de Flahaut: le triomphe des Tories paraît sûr, et la déchéance des Whigs inévitable. Les Granville sont à la Jonchère34, attendant l'issue de tout cela. Lord Granville ne peut pas remuer la main et a encore un peu de difficulté à s'exprimer, mais son intelligence est intacte.»

       Hohlstein, 21 juillet 1841.– Les journaux donnent la date officielle du jour où les plénipotentiaires des cinq Cours ont signé enfin le protocole collectif relatif à l'Orient35.

      Je m'imagine que cela va faire décider le mouvement dans le Corps diplomatique français.

      J'ai СКАЧАТЬ



<p>32</p>

La Reine de Hanovre était la duchesse de Cumberland, née princesse de Mecklembourg-Strélitz, morte le 29 juin, après trois mois d'une maladie consomptive.

<p>33</p>

Hohlstein était la propriété de la princesse de Hohenzollern-Hechingen, née princesse de Courlande.

<p>34</p>

La Jonchère était la propriété de M. Thiers à la Celle-Saint-Cloud.

<p>35</p>

Ce protocole de clôture de la question égyptienne fut signé le 13 juillet 1841, par l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse, la Russie et la Turquie. La convention des Détroits, signée en même temps, joignit la signature du plénipotentiaire français aux cinq autres.