Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ d'elle que ce qu'elle prend pour du rhumatisme est plus sérieux; les médecins vont l'envoyer à Wildbad. Elle cause toujours de la même manière. La Princesse Marie est un peu alourdie et un peu fanée, pas trop encore, mais il ne faudrait plus attendre pour la marier.

      J'ai été chez la baronne de Sturmfeder, grande maîtresse en titre, et chez la vieille Walsch, égayant sa vieillesse avec le Charivari, les Guêpes et les Nouvelles à la main, libelles qui sont à la mode maintenant; c'est là dedans qu'elle puise ses notions et ses bienveillances. En sortant du Château, je me suis fait conduire chez la duchesse Bernard de Saxe-Weimar, que j'ai connue en Angleterre, et dont le mari est l'oncle chéri et chérissant de Mme la Duchesse d'Orléans. C'était une preuve d'égard, d'autant plus convenable à donner que je dois les rencontrer tantôt à dîner au Château. Me voici rentrée, et me reposant jusqu'à l'heure de ce dîner, qui est à 4 heures et demie.

      Depuis Paris, j'ai beaucoup lu; d'abord un nouveau roman de Bulwer: Night and Morning; cela a quelque intérêt, mais ne vaut pas les premiers ouvrages du même auteur. Puis, un livre fort court, mais qui m'a ravie: ce sont les Lettres de la princesse de Condé, sœur du dernier duc de Bourbon, morte religieuse au Temple. Ces lettres ont été écrites, dans sa jeunesse, à quelqu'un qui vit encore et pour qui elle a eu une affection très vive, mais très pure. C'est M. Ballanche, l'ami de Mme Récamier, qui les a publiées, sans en être le héros. Elles sont authentiques, simples, élevées, tendres, pleines de dévouement, de délicatesse, de sensibilité, de raison, de courage, et écrites à une époque et au milieu d'un monde où l'auteur, son style et ses sentiments, tout faisait exception. C'est d'un charme extrême24. Enfin, j'ai lu un petit opuscule de lord Jocelyn, mari actuel de Fanny Cowper, sur la campagne des Anglais en Chine. Le nom de l'auteur m'a tentée, mais le livre ne m'a pas du tout intéressée.

      Mannheim, 9 mai 1841.– J'ai dîné hier chez la Grande-Duchesse, qui, ensuite, m'a montré tout le Château, que j'ai eu l'air de voir pour la première fois. Elle m'a dit tant de choses que j'ai peine à me souvenir de quelques-unes. Ce qui m'est resté net dans la mémoire, c'est que la Princesse Sophie de Würtemberg, mariée au Prince héréditaire des Pays-Bas, est fort mal avec sa belle-mère, qui ne veut pas même voir les enfants de son fils. Cette Reine a établi la plus sévère étiquette, et des costumes de Cour à l'infini.

      J'ai appris aussi que le Roi de Prusse avait établi une loi qui rendait le divorce fort difficile dans ses États. Il était, il est vrai, scandaleusement facile à obtenir; mais la Grande-Duchesse, qui espérait celui du Prince Frédéric de Prusse, a bien du chagrin de ce contre-temps. Le fait est que ce pauvre Prince Frédéric, dont la femme est folle, devrait avoir quelque moyen de rompre un si triste nœud. Le premier usage qu'il en ferait serait d'épouser la Princesse Marie.

      La duchesse de Weimar m'a dit que sa sœur, la Reine douairière d'Angleterre25, avait tout un côté des poumons détruit, et l'autre très délicat. La vue de la duchesse de Weimar m'a rappelé Londres, Windsor, le beau temps enfin. Sa ressemblance avec sa sœur, et jusqu'à leur son de voix semblable (quoique ce ne soit pas leur belle partie) tout m'a émue, en me reportant à ces années déjà si loin de moi!..

      Mannheim, 10 mai 1841.– Je vais quitter Mannheim, après y avoir été fort gracieusement reçue. La pauvre Grande-Duchesse parle beaucoup de sa mort, ce qui ne l'empêche pas de faire beaucoup de projets. Je voudrais que celui de marier sa fille fût réalisé. Elle m'a promenée, hier, en calèche, dans d'assez jolies promenades aux bords du Rhin. On a fait à Mannheim un port qui attire le commerce et donne du mouvement à cette ville qui en manquait depuis si longtemps, et qui, à tout prendre, me paraît préférable à Carlsruhe. J'ai eu, ici, une lettre de mon gendre, écrite le lendemain de mon départ de Paris. Pauline n'allait pas plus mal, quoiqu'elle fût encore nerveusement ébranlée et très faible. Voici, en outre, ce que contient sa lettre: «Au baptême du Prince, on a signé l'acte dans l'ordre suivant: le Roi et sa famille, puis les Cardinaux, le Président et le Bureau de la Chambre des Pairs, puis celui de la Chambre des Députés; arrive là M. de Salvandy (vice-président) qui refuse publiquement de signer, sur ce que la Chambre des Députés ne peut passer après les Cardinaux. Il veut porter ceci à la tribune; cela aurait un effet d'autant plus fâcheux que la Chambre se montre, à l'occasion de la loi sur l'instruction secondaire, de très mauvaise humeur contre la réaction qui s'opère visiblement en faveur de la religion, et que cette susceptibilité de plus peut faire éclater un mauvais orage.»

      Gelnhausen, 11 mai 1841.– J'ai été menée beaucoup plus vite que je ne pensais; et au lieu de coucher à Francfort comme c'était mon intention, j'ai fait dix lieues de plus, et me voici dans une petite auberge qui, du moins, n'est pas sale; ce qui me permettra de gagner demain Gotha sans entamer la nuit en voiture. J'ai déjeuné à Darmstadt. En traversant Francfort, j'ai été assaillie par bien des souvenirs, car je l'ai déjà traversée à différentes époques, et dans des circonstances bien diverses. La première a été la plus importante, car c'est à Francfort que je me suis mariée. Plus tard, c'est là que j'ai vu, pour la première fois, le bon Labouchère; il me l'a souvent rappelé depuis.

      La Grande-Duchesse Stéphanie m'a donné un livre qui vient de paraître à Stuttgart, mais qui a été évidemment publié sous une direction autrichienne, car les pièces qu'il contient me paraissent devoir originer de Vienne et, qui plus est, du cabinet du prince de Metternich, ou peu s'en faut. Ce petit volume contient les notes rédigées en français par Gentz, sur plusieurs questions politiques, toutes très anti-françaises; leur publication actuelle et l'avant-propos de l'éditeur me paraissent leur donner une intention. Ce qui y a le plus d'intérêt pour moi, c'est le journal de Gentz, pendant son séjour au quartier général prussien, dans la semaine qui a précédé la bataille d'Iéna. C'est finement observé, vivement écrit; c'est curieux, très curieux. Il y a aussi des commentaires sur une correspondance entre M. Fox et M. de Talleyrand, lors de la rupture de la paix d'Amiens. Ce volume a vraiment plusieurs genres de mérite.

      Gotha, 12 mai 1841.– Je voulais arriver hier soir ici, mais il y a tant de côtes aux environs de Fulda et d'Eisenach qu'il m'a fallu coucher à Eisenach, où, comme de raison, j'ai rêvé à sainte Élisabeth! Je m'arrête ici quelques heures, pour voir la Duchesse douairière qui était fort aimée de ma mère, et qui m'en a voulu, l'année dernière, d'avoir été en Allemagne sans être venue jusqu'ici. Mon très ennuyeux voyage se passe du reste sans accident et par un assez beau temps.

      Wittemberg, 13 mai 1841.– La Duchesse douairière de Gotha m'a reçue avec mille bontés, m'a fait dîner chez elle, en faisant inviter en toute hâte cinq à six personnes de la ville, qui m'avaient connue dans mon enfance. Elle dîne à 3 heures; à 6 heures, je lui ai demandé la permission de la quitter pour continuer ma route. Je serais restée, si la pauvre Duchesse n'était pas devenue tellement sourde que c'était, à la lettre, exténuant d'avoir l'honneur de lui répondre. J'ai préféré passer la nuit en voiture, car si j'avais couché à Gotha, il m'aurait fallu passer la soirée au Château. Je vais donc me reposer longuement ici, afin d'arriver un peu en force à Berlin. J'ai assez bien supporté la route jusqu'ici: ma petite station à Mannheim avait agréablement coupé la longueur de ma vie roulante.

      J'ai lu, pendant ces deux derniers jours, une vie de la Reine Blanche de Castille par une demoiselle, dont les journaux ont dit du bien. Les faits sont intéressants, mais le style est de la mauvaise école et l'esprit très anti-catholique. Tout en lisant, j'argumente tout bas contre l'écrivain; le tout bas est surtout à propos ici, à Wittemberg, l'ancien berceau de la Réforme, car c'est du couvent des Augustins, dont les restes sont encore devant mes yeux, que Luther a jeté son premier brandon, et c'est dans l'église, à côté de l'auberge, qu'il est enterré.

      Berlin, 15 mai 1841.– Je suis arrivée ici hier au soir; je n'y ai vu encore que mon homme d'affaires, M. de Wolff. A midi, j'ai été chez la comtesse СКАЧАТЬ



<p>24</p>

Ces lettres sont adressées à M. de La Gervaisais, un jeune gentilhomme breton, officier des carabiniers de Monsieur, que la princesse de Condé avait connu, en 1786, à Bourbon-l'Archambault, où elle avait été prendre les eaux, et pour lequel elle eut un sentiment aussi profond que pur.

<p>25</p>

La Reine Adélaïde.