Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ Je trouve cette façon de se faire accepter incomparable!

      Je suis rentrée chez moi, hier, à deux heures après midi, pour y attendre le prince de Metternich, qui m'avait fait dire qu'il y viendrait à cette heure-là. En effet, il est venu. Je ne l'ai pas trouvé très changé; j'ai eu un véritable plaisir à le revoir et à le retrouver avec toute sa fraîcheur d'esprit, son excellent jugement, sa grande connaissance des hommes et des choses et une bienveillance amicale et affectueuse pour moi, dont il ne s'est jamais départi. Il est resté deux heures, qui m'ont été fort précieuses. Il ne fait, en général, de visites à personne. Quant à sa femme, elle m'a fait dire que, si elle n'avait pas craint de me gêner, elle serait venue; car elle avait le plus grand désir de me connaître. Il est impossible d'être plus gracieuse. Je dîne aujourd'hui chez eux, dans leur villa du faubourg, où ils passent le printemps.

      On m'écrit que Schlegel, l'admirateur platonique de Mme de Staël, est à Berlin, pour aider à la publication des œuvres du grand Frédéric. On y attendait M. Thiers, que je suis charmée d'éviter. On était décidé à l'y traiter en académicien, historien, mais nullement en homme politique, encore moins en homme d'État. Pendant ce temps, il paraît que M. Guizot se promène avec la princesse de Lieven, à 9 heures du matin, sous les ombrages des Tuileries: c'est, pour eux, réveiller la nature.

      J'ai trouvé la carte du maréchal Marmont, hier au soir, en rentrant; je l'avais vu, lui, de loin, à l'Opéra.

      Vienne, 11 juin 1841.– J'ai dîné, hier, chez M. de Metternich: c'est un joli établissement, qui ressemble en petit à Neuilly, où il a réuni beaucoup d'objets d'art, mêlés agréablement à de belles fleurs et à beaucoup d'autres choses, sans que cela soit surchargé. Il n'y avait à ce dîner, outre les maîtres de la maison, que la fille non mariée du premier mariage, mes sœurs, les Louis de Sainte-Aulaire et les deux messieurs de Hügel, qui sont les habitués de la maison. La princesse de Metternich a une fort jolie tête, beaucoup de naturel, du trait, de l'originalité, et ayant eu la bonne grâce de vouloir me plaire, il était impossible qu'elle n'y réussît pas. Après le dîner, j'ai été chez quelques membres de la famille Hohenzollern qui sont ici, et enfin prendre le thé chez une amie intime de mes sœurs: il s'y trouvait une douzaine de personnes qui m'étaient presque toutes inconnues, excepté le prince Windisch-Graetz, un comte O'Donnel, vieux débris de l'hôtel de Ligne, et le maréchal Marmont, qui ne m'a pas semblé changé.

      Vienne, 12 juin 1841.– J'ai été hier matin, avec mes sœurs, chez la princesse Amélie de Suède, leur grande amie. J'ai vu, chez elle, sa sœur, la Grande-Duchesse d'Oldenbourg; elle va avec son mari à Munich, y voir la Reine des Grecs, qui est venue y faire un voyage. J'ai été ensuite chez une Polonaise, que j'avais connue jadis chez la princesse Tyszkiewicz, à Paris, dont elle était nièce à la mode de Bretagne. Elle s'appelait Mme Soba[´n]ska, et a eu une certaine célébrité. Je l'ai trouvée pas mal changée; elle a de l'esprit, de beaux yeux, mais elle est méchante et commère; c'est une de ces personnes à redouter. A peine étais-je rentrée de ces courses, que j'ai eu la visite du maréchal Marmont. Il m'a beaucoup parlé de son désir de rentrer en France, mais il a encore, je crois, plus de raisons pécuniaires que de motifs politiques qui l'en empêchent. Il passe sa vie ici à l'ambassade de France.

      Vienne, 14 juin 1841.– J'ai été, hier, entendre la messe chez les Capucins, afin de voir ensuite le P. François, celui qui a assisté ma sœur dans ses derniers instants. Je désirais avoir de lui des détails religieux que mes autres sœurs ne pouvaient me donner. J'ai trouvé un homme doux et fin qui, sous sa robe de frère mendiant, m'a paru connaître le monde et aussi s'y frayer sa route. On dit qu'il dirige ici toutes les consciences combattues entre Dieu et le monde. C'est une rude tâche dans laquelle les triomphes définitifs sont difficiles.

      Vienne, 15 juin 1841.– Louis de Sainte-Aulaire est venu me voir hier matin. Il m'a conté que la maladie du maréchal Soult, dont parlent les gazettes, tient moins au rejet de la loi de recrutement, contre laquelle M. le Duc d'Orléans a voté publiquement, qu'à une colère paternelle. Il a regardé la nomination de M. de Flahaut à Vienne comme un passe-droit fait à son fils. Il menaçait de se retirer, et on ne sait pas si M. de Flahaut aura la gloire de causer une dislocation du Cabinet, ou bien s'il lui faudra définitivement renoncer à Vienne. M. Bresson était parti de Paris pour Berlin de fort mauvaise humeur.

      Vienne, 16 juin 1841.– J'ai reçu, hier, de Paris, une lettre de Mme de Lieven; en voici l'extrait: «Le maréchal Soult fait une petite crise ministérielle. Le Duc d'Orléans a voté contre lui dans la loi de recrutement; le Maréchal a été battu; il a été fort colère; il est survenu des spasmes au cœur, une menace d'apoplexie, ce qui fait qu'il menace de sa retraite. Le Duc d'Orléans est allé chez lui, il a refusé de le voir; il est fort douteux qu'on parvienne à l'apaiser; de plus, la Maréchale a sérieusement peur pour sa vie. Voilà donc un gros embarras, car il faudra le remplacer pour les deux postes qu'il occupe. M. Guizot est bien décidé à ne point se faire Président du Conseil. Enfin… on espère cependant encore que le Maréchal restera. En Angleterre, c'est plus gros que cela: la dissolution du Parlement va avoir lieu probablement demain, mais les élections sont douteuses; il se pourrait qu'il revînt une Chambre pareille à celle qu'on renvoie, et alors, il n'y aurait plus moyen de gouverner pour personne. En attendant, le pays sera fort agité. L'affaire d'Orient n'est point arrangée; au contraire, la Turquie se dérange tous les jours davantage.

      «Lady Jersey veut que sa fille épouse Nicolas Esterhazy; il y a grande passion entre les jeunes gens. Paul Esterhazy tâche de s'en défaire, ce qui est difficile.

      «L'accueil fait au Prince de Joinville à La Haye a été des plus empressés: le Roi et la Reine l'ont comblé d'amitié! Qu'en dira-t-on à Pétersbourg?

      «M. de Flahaut a été proposé pour Vienne; on l'y accepte avec peu d'empressement. En tous cas, il ne peut encore y avoir ici ni mutations, ni nominations, car le poste de Londres restant vacant, vu que lord Palmerston suspend la clôture de l'affaire d'Orient, rien ne se fera avant l'envoi de Sainte-Aulaire à Londres.»

      Vienne, 17 juin 1841.– Charles de Talleyrand est venu hier me conter les nouvelles les plus fraîches de Paris. L'affaire du maréchal Soult est arrangée. Il reste, et son fils ira comme ambassadeur à Rome. Le Maréchal reçoit six cent mille francs pour liquider je ne sais quelle avance, qu'il prétend avoir faite à l'État. L'affaire turco-égyptienne est finie: l'acte ratifié est parti pour Alexandrie et les cinq Cours se rencontreront à Londres, si déjà elles ne s'y sont tendu la main.

      Vienne, 18 juin 1841.– Hier soir, j'ai été entendre une tragédie allemande, puis prendre le thé chez le prince de Metternich, où le Prince se mit à causer, à la fin de la soirée, autour d'une table ronde, et où il est, vraiment, très aimable et intéressant. Excepté le dimanche, qui est leur jour de réception, il y vient peu de monde, ce qui rend la chose beaucoup plus agréable, à mon gré. Le maréchal Marmont y est tous les jours.

      Vienne, 19 juin 1841.– J'ai été, hier, avec mes sœurs, visiter la Galerie Impériale des tableaux. Je suis étonnée qu'on n'en parle pas davantage; elle contient de fort belles choses. Elle est hors de la ville, dans un palais nommé le Belvédère, qui a été bâti par le prince Eugène de Savoie: ses proportions intérieures sont très belles.

      J'ai dîné chez la princesse Paul Esterhazy avec le prince et la princesse de Metternich et leur fille, le prince Wenzel, Lichtenstein, Schulenbourg, lord Rokeby, le comte Haugwitz et le baron de Hügel. La princesse Esterhazy était fort comique, avec ses terreurs d'avoir lady Jersey pour co-belle-mère. Le mariage n'est cependant pas encore certain.

       Vienne, 21 juin 1841.– Je suis ravie que vous aimiez les Lettres de Fénelon30. Tout est là, et sous une forme qui explique bien le culte fidèle et courageux dont cet aimable et saint Archevêque СКАЧАТЬ



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Extrait de lettre.