Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ M. de Sercey venait d'arriver à Paris, elle a eu un grand élan de regret de ne pas s'y être trouvée pour le questionner; elle a dit aussi que son salon eût été bien intéressant, le soir, pendant la discussion du budget des Affaires étrangères. J'aime les personnes naïves, parce qu'avec elles, du moins, on sait exactement où l'on en est.

      Valençay, 10 juin 1836.– La princesse de Lieven a reçu hier des lettres de son mari qui lui disent qu'on lui a rendu, à elle, de très mauvais offices auprès de l'Empereur Nicolas. On a transmis à Saint-Pétersbourg des conversations et des discours entiers, soi-disant tenus par la Princesse, qui sûrement sont faux; car elle est bien zélée pour le service du maître; mais quand on parle beaucoup et qu'on voit toute espèce de monde, on finit toujours par être compromis. Cela agite beaucoup la Princesse.

      Il est parfaitement certain que le Prince d'Orange donne des symptômes de folie, et cela par une avarice tellement sordide que sa femme et ses enfants manquent de nourriture à table; il a lui-même la clef du garde-manger, et la Princesse se fait acheter en secret, par sa femme de chambre, quelques côtelettes. On dit le fils ainé un vilain petit sujet: à Londres, où il est maintenant, avec son frère cadet, on les appelle unripe oranges25. Les Hollandais sont, dit-on, très effrayés de leur avenir, et font des vœux pour la prolongation de la vie du Roi actuel.

      Valençay, 13 juin 1836.– J'ai eu, hier, une longue lettre du Prince Royal de Prusse, dans laquelle il y a une phrase fort bonne sur les Princes français et sur le Roi leur père, avec un correctif anti-révolutionnaire qui donne le cachet de ses véritables opinions. Cette lettre est curieuse. J'en ai une aussi de M. Ancillon, sans correctif, et la plus laudative, sur les voyageurs, sur l'union, sur la paix, sur M. de Talleyrand. Elle est curieuse aussi. Enfin, j'en ai deux, très longues, de M. de Valençay, écrites de Vienne; il s'était arrêté à Günthersdorff, dont il me parle en détail26. A Vienne, il avait vu, chez sa tante de Sagan, le comte de Clam, par lequel il avait su qu'on avait été fort content de la première entrevue; que nos Princes avaient dit tout ce qu'il convenait de dire. L'archiduchesse Sophie s'est souvenue fort gracieusement de moi, et a très bien traité mon fils. Il trouve que les Princesses autrichiennes n'ont pas la grâce et la distinction qui sont si remarquables chez les Princesses de la famille royale de Prusse. La princesse de Metternich était à la première soirée de M. et Mme de Sainte-Aulaire: elle y a été fort convenable et y est restée fort tard; M. le duc d'Orléans ne lui a parlé que pendant cinq minutes, et de… l'homéopathie! Elle méritait une petite leçon27.

      Il paraît que la grande réception diplomatique de la noblesse et de la garnison a été superbe. Ce qui a surtout charmé M. de Valençay, c'est la course à Bade, chez l'archiduc Charles, qui lui a parlé en très bons termes de M. de Talleyrand. L'Archiduc a fait, à tous les Français, l'accueil le plus cordial; on a dîné avec l'archiduchesse Thérèse, qui, d'après M. de Valençay, a l'air agréable, de jolies manières, un visage piquant; mais elle est très brune et fort petite. M. le duc d'Orléans était près d'elle, à table, et la conversation n'a pas langui. M. de Metternich était du dîner. Il est réconcilié, du moins en apparence, avec l'Archiduc28. Celui-ci est retiré dans ce joli Bade où il cultive des fleurs: il a dit à M. de Valençay que, comme tous les vieux soldats, il aimait son jardin. M. le duc d'Orléans devait y retourner dîner tout seul le surlendemain. L'Archiduc adore sa fille et la laissera libre dans le choix de son époux: elle a refusé le Prince Royal de Bavière; elle va voir défiler encore devant elle le Roi de Naples et celui de Grèce. Son père ne redoute que l'alliance russe.

      M. de Valençay a été aussi enchanté de la fête de Laxembourg et des courses sur l'eau avec de la musique à tous les coins: cela lui a rappelé Virginia Water29; toute la société de Vienne y était, en bayeuse, et animait le coup d'œil.

      Il est assez simple que tout cela blesse à Prague. Madame la Dauphine a dit, à quelqu'un qui, la veille de son départ de Vienne, lui demandait quand on aurait l'honneur de l'y revoir, que, lorsqu'on voudrait dorénavant la voir, il faudrait venir la chercher. Une dame viennoise, fort ennemie politique de la France, a dit, devant M. de Valençay, en parlant de notre Prince Royal, qu'il était si aimable et si gracieux qu'il fallait espérer qu'il n'était pas autre chose!

      Les voyageurs devaient partir le 11, et se rendre à Milan par Vérone, mettant dix jours pour ce trajet.

      Le prince de Capoue et miss Pénélope sont à Paris; le premier a vu la Reine. Il va à Rome, et, de là, négociera sa réconciliation avec Naples.

      Tous les Cobourg, et les Majestés belges, viennent à Neuilly.

      Valençay, 17 juin 1836.– Il faut que chaque jour soit marqué par une tribulation: hier au soir, nous avons eu une horrible frayeur dont les conséquences auraient pu être des plus graves; elles paraissent devoir être légères, cependant le docteur dit qu'il faut neuf jours pour être certain qu'il n'y aura pas de choc intérieur. La rage de M. de Talleyrand de rester tard dehors l'a fait rentrer hier dans sa petite voiture à la nuit close; de plus, comme un enfant, il s'amuse à se faire pousser à la course et à se diriger en zigzag, de sorte qu'il a mis la roue de devant en travers; elle a, par conséquent, fait obstacle, l'obscurité l'a empêché de s'en apercevoir, il a crié de pousser plus fort par derrière, ce qu'a fait le domestique; il en est résulté un cahot qui a été assez violent pour le faire sauter hors de la voiture et pour le jeter, la tête la première et le visage par terre, sur le gravier de la cour de l'orangerie, à l'entrée du donjon. Il a le visage extrêmement meurtri, et a, heureusement, beaucoup saigné du nez; il n'a pas perdu connaissance, et a voulu rester au salon et jouer au piquet. A minuit, il a mis ses jambes dans de l'eau et de la moutarde, et maintenant il dort encore; mais quelle secousse, quel ébranlement nerveux, à son âge, avec son poids, et souffrant d'un mal pour lequel chaque émotion, chaque trouble est si mauvais!

      Valençay, 18 juin 1836.– La figure de M. de Talleyrand est fort endommagée, mais, du reste, il paraît devoir se tirer miraculeusement de cette singulière chute!

      Valençay, 21 juin 1836 30. – Vous souvenez-vous que c'est vous qui décliniez toutes les conversations sur la religion? Ce n'est qu'une fois, à Rochecotte, que vous m'avez un peu développé vos idées à cet égard; vous étiez plus avancé que moi, alors, dans de certaines croyances; les épreuves par lesquelles j'ai passé depuis m'ont fait aller assez vite dans cette route, mais mon point de départ a été le souvenir de cette conversation, dans laquelle j'ai vu que vous admettiez quelques principes fondamentaux sur lesquels je n'étais pas fixée. Du reste, je n'ai, spéculativement, pas été au delà: ce n'est que dans l'application que j'ai cherché à me diriger d'après cette boussole; je ne me suis en aucune façon occupée du dogme, ni des mystères, et si j'ai une préférence pour la religion catholique, c'est que je la crois plus utile à la société en général, aux États, car pour les individus, c'est différent, et je crois que toute religion qui a l'Évangile pour base est également bonne et divine. Depuis que je vois tous les appuis manquer autour de moi, j'ai senti ma propre faiblesse et le besoin d'un soutien et d'un guide: j'ai cherché et j'ai trouvé; j'ai frappé et il m'a été ouvert, j'ai demandé et il m'a été accordé; tout cela cependant encore fort incomplètement, parce qu'en marchant ainsi seule, et quand on y est si peu préparée, il n'est pas possible de ne pas prendre souvent de faux sentiers, de ne pas glisser dans les ornières et de ne pas trébucher à chaque pas. Il n'aurait pas été sage, même, de m'exciter à trop de zèle et de ferveur, c'eût été me préparer des rechutes et celles-ci peuvent être mortelles; j'avance donc à tout petits pas, et quand je me demande compte de mes progrès, je m'humilie en voyant à combien peu ils s'élèvent: un peu plus de douceur, de patience, d'équilibre et d'empire sur moi-même, voilà tout ce que j'ai acquis. J'ai encore СКАЧАТЬ



<p>25</p>

Oranges vertes.

<p>26</p>

Propriété de la duchesse de Dino, en Silésie.

<p>27</p>

La princesse Metternich s'était exprimée en termes peu courtois sur la couronne que Louis-Philippe avait mise sur sa tête en 1830.

<p>28</p>

Les idées libérales de l'archiduc Charles avaient été, pour le prince de Metternich, l'occasion d'éloigner ce Prince de la Cour et de le rendre suspect. Ils étaient presque brouillés.

<p>29</p>

Virginia Water est une pièce d'eau, dans le parc de Snow-Hill, entre Windsor et Chertsey, dans les environs de Londres. On y fait des courses sur l'eau et des régates.

<p>30</p>

Extrait d'une lettre.