Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ brutalement, le combat, ce dont je crois que tout le monde m'a su gré; je l'aurais fait plus tôt, si je n'avais pas trouvé que c'était à M. de Talleyrand de le faire, mais il n'a pas même cherché à détourner la conversation. Bertin de Veaux donnait des coups de boutoir; Thiers a été longtemps doux comme un mouton, mais enfin, excité aussi, il a monté le ton. On en est venu à se donner des défis politiques.

      Paris, 23 avril 1836.– Mrs Norton a écrit une lettre à M. Ellice qui est une espèce de factum, qu'elle lui envoie avec mission de le communiquer à ses compatriotes du Continent. Je l'ai lue; elle ressort, de cette vilaine histoire, pure comme Desdemona, s'il faut l'en croire15; je le veux bien, cela m'est égal. Le tout me paraît bien vulgaire et de bien mauvais genre.

      La duchesse de Coigny, qui a toujours été accoucher en Angleterre pour n'y mettre au monde que des filles, devait partir aujourd'hui pour faire de nouvelles couches à Londres; mais, s'étant trompée dans ses calculs, elle est accouchée hier d'un gros garçon… C'est un rude désappointement.

      Paris, 26 avril 1836.– Les revenants de Chantilly ne tarissaient pas, hier, sur la beauté du lieu, la quantité de monde, le mouvement des courses, le brillant de la chasse, et, pour ceux qui étaient au Château, sur la grâce du Prince Royal. Les Anglais disent que, si ce n'est sous le rapport des courses en elles-mêmes, qui cependant sont fort bien, sous tous les autres rapports, ces trois jours de Chantilly l'emportent de beaucoup sur Ascot, Epsom et toutes les autres parties de ce genre en Angleterre.

      La chasse s'est faite avec l'équipage du prince de Wagram, elle a été suivie par quatre cents jeunes gens, dont trente seulement sont arrivés à la mort du cerf.

      Le Prince Royal part le 3 ou le 4, et ira d'un trait à Metz pour visiter l'École d'artillerie; il ne veut s'arrêter à aucune petite Cour, il les évitera toutes avec soin, en prenant toutes sortes de routes peu usitées, sous le prétexte qu'elles sont plus directes.

      J'ai dîné, hier, chez Mme de la Redorte, avec quelques personnes, parmi lesquelles se trouvait le général Alava, qui racontait le duel entre Mendizabal et Isturitz, où ni l'un ni l'autre n'avait été touché.

      Il avait l'air de croire à une crise ministérielle, à Madrid, qui pourrait bien atteindre sa position diplomatique.

      Alava est tellement extravagant, qu'étant chez M. Dupin à une des réceptions de Députés, le maître de la maison lui demanda, en frappant sur l'épaule de M. Berryer s'il connaissait ce Député, et Alava de s'écrier: «Oui, certainement, je connais M. Berryer, et je partage toutes ses opinions

      Paris, 27 avril 1836.– Le Prince Royal passe par Verdun, Metz, Trêves, Dusseldorf, Hildesheim, Magdebourg, Potsdam et Berlin. Tous les ministres de Saxe, de Hanovre, de Bavière sont venus lui faire des invitations pressantes de la part de leurs souverains pour qu'il voulût bien s'arrêter chez eux. Cela a été décliné sous le prétexte du manque de temps, mais, au fait, par un peu de rancune contre les longues impertinences et injures de Munich; et, refusant l'un, il n'y avait pas moyen, sans hostilité évidente, d'accepter les autres. On regrette cependant de brûler Dresde, dont on a toujours eu à se louer. De Berlin, on ira par Breslau et Brünn à Vienne.

      J'ai eu entre les mains, il y a quelques jours, quelques volumes des Essais de morale de Nicole dont Mme de Sévigné nous donne la curiosité. C'est, sans doute, excellent, mais je crois qu'il faut être encore un peu plus avancé que je ne suis pour l'admirer vivement. J'y trouve une certaine sécheresse austère, qui me repousse un peu. Au lieu de tant de traités, j'aime mieux cette touchante parole de saint Augustin: «Si vous avez peur de Dieu, jetez-vous dans les bras de Dieu.» J'arriverai cependant peut-être à goûter Nicole, les goûts de l'esprit changent avec les modifications d'âge et de position.

      Paris, 28 avril 1836.– Pozzo a reçu l'Ordre de Saint-André, en diamants, mais en même temps, un congé illimité pour voyager en Italie! Je pense qu'il passera bientôt par ici.

      Le voyage du Prince Royal est avancé d'un jour, il part le 2. On sera dix jours pour arriver à Berlin, parce qu'on couchera chaque nuit, qu'on ne fera pas de trop grandes journées, qu'on veut arriver frais et dispos et d'humeur à affronter toutes les fatigues militaires, les manœuvres, les fêtes et autres devoirs. Je trouve cela fort sage. Le Prince Royal a été formellement invité aux manœuvres de Berlin. Sa réception ne peut donc être que bonne. Cette invitation a bien été provoquée, mais enfin c'est une invitation; dès lors on ne peut accuser ni d'importunité, ni de témérité. M. le duc et Mme la duchesse d'Angoulême auront quitté Vienne tout naturellement quand les deux Princes y arriveront.

      J'ai été hier soir chez Mme la comtesse de Castellane à une lecture faite par M. de Rémusat de scènes historiques dans le genre des Barricades: la Saint-Barthélemy en est le sujet. Il y a de l'esprit, de la verve, et, à ce que l'auteur assure, beaucoup de recherches historiques, mais c'est tellement long qu'il a fallu remettre à mardi pour entendre la seconde partie. C'est chose fatigante que d'assister à une lecture…

      Paris, 1er mai 1836.– C'était hier le bal de Pauline, il était joli et a supérieurement réussi: point de foule, beaucoup de lumières, de jeunes et jolies personnes bien gaies, de jeunes messieurs polis et en train de faire danser les demoiselles; très bon air, très bon ton, et un choix exquis de beau monde; pas précisément d'exclusion, mais le faubourg Saint-Germain dominait. Ma cousine de Chastellux, par exemple, s'est exécutée; enfin, j'ai été très satisfaite de notre petit succès et de la joie de Pauline.

      Paris, 2 mai 1836.– Il est arrivé hier des nouvelles de Berlin, qui parlent de tous les préparatifs de réception qu'on fait pour les jeunes Princes. Le Roi a dit qu'ils seraient reçus comme l'est l'Empereur son gendre. Ils demeureront au Vieux Palais. Une heure après leur arrivée, tous les Princes viendront leur faire la première visite; enfin, tout cela se passera le mieux du monde. Les carlistes en sont écrasés, les violents en sont malades, les modérés en jettent de tendres regards sur le château des Tuileries, et hier, M. de Chabrol, l'ancien ministre de la Marine, et M. Mounier ont été au Château. M. de Noailles en ferait bien autant, sans sa femme, qu'il considère beaucoup, avec raison, car c'est une personne d'un grand mérite, mais qui est très violente dans ses opinions politiques.

      Paris, 4 mai 1836.– J'ai été hier entendre la fin de la Saint-Barthélemy par M. de Rémusat16. Il y a beaucoup d'esprit et de talent, mais je le répète, le genre est faux et un beau récit historique m'intéresserait davantage.

      J'ai vu M. Royer-Collard, et ensuite M. Thiers. Le premier disait que dans la querelle Dupin les doctrinaires sont décidément battus, la Chambre s'étant prononcée contre eux. Le second est fort content, notamment de ses rapports avec l'ambassadeur de Russie et la Cour de Saint-Pétersbourg qui commence à s'amadouer. Je crois qu'il est en train d'une autre réconciliation qu'il croit plus importante, celle avec Bertin de Veaux; ceci est encore le secret des secrets.

      Paris, 6 mai 1836.– La mort du bon abbé Girolet m'affecte beaucoup. Il a suivi le beau précepte de Bossuet, et la seule précaution qu'il ait prise contre les atteintes de la mort a été l'innocence de sa vie; car tous ses intérêts ont été tellement négligés qu'il me laisse des affaires embrouillées, embarrassées, et qui exigent ma prompte arrivée à Rochecotte. Je pars après-demain. On m'attend pour lever les scellés. Le testament par lequel il me laisse tout a été trouvé, mais ce tout, où est-il? Quel est-il? C'est ce qu'on ignore, et on craint qu'il n'y ait plus de dettes que d'avoir, ce qui m'empêcherait d'établir les fondations que je lui ai promis de faire, après sa mort. Je vais trouver un vide bien sensible à Rochecotte; je n'y serai plus saluée par ce doux regard qui se fixait si affectueusement sur moi. Puis quels tristes détails!

      Rochecotte, СКАЧАТЬ



<p>15</p>

Il s'agit ici du procès en adultère intenté à Mrs Norton par son mari et qui fit grand bruit à cette époque en Angleterre. La liaison de Mrs Norton avec lord Melbourne était bien connue. Cependant, le jugement, prononcé au mois de juin suivant, acquitta lord Melbourne. Une séparation n'en eut pas moins lieu entre Mrs Norton et son mari.

<p>16</p>

Cette œuvre fut publiée après la mort du comte de Rémusat, en 1878, par son fils Paul.