Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4). Dorothée Dino
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4) - Dorothée Dino страница 6

Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ attendre, et, à la prochaine occasion, nous verrons éclater une grosse bombe. Il me paraît qu'on n'a pas voulu placer la question comme un duel entre deux individus, et qu'on a préféré laisser éventer un peu l'effet de l'un avant de le combattre. D'ailleurs, une énorme majorité a répondu à l'effort du moment; il est seulement fâcheux qu'il y ait autant de concessions dans le discours de M. Sauzet et j'ai vu des mécontentements prononcés et élevés à ce sujet.

      M. de Tocqueville, que M. Cousin avait, à son insu, présenté à l'Académie des sciences morales et politiques, m'a dit avoir déclaré ne pas vouloir qu'il fût question de lui sur de nouveaux frais. Il ne se soucie pas, lui, petit-fils de M. de Malesherbes, de siéger à côté de conventionnels, car cette Académie est, en général, fort mal composée.

      Paris, 29 mars 1836.– Il est certain que toute idée d'intervention en Espagne est abandonnée par tous les divers degrés de la hiérarchie gouvernementale; les uns ne l'ont jamais eue, les autres ne l'ont plus. Je ne crois pas qu'il y ait la plus petite imprudence à craindre de ce côté!

      Il n'est bruit que d'une conversation entre le Roi et Guizot, dans laquelle le Roi aurait, d'une manière très animée, montré son mécontentement des dates auxquelles on s'efforce de rattacher le système du bon ordre. Le Roi a dit que ce système n'était pas celui de tel ou tel, mais le sien, et qu'il ne reconnaissait qu'une seule date, la sienne, celle du 9 août. Il a ajouté que c'était mal agir que d'attaquer le seul Cabinet qui, pour le moment, pouvait avoir la majorité. A quoi Guizot a répliqué que si le Roi voulait en essayer, il verrait que la majorité était ailleurs. «Non pas», a repris le Roi, «c'est vous, Monsieur, qui êtes dans l'illusion, et qui ne sentez pas que la marche que vous suivez vous éloigne des affaires plus qu'elle ne vous en rapproche; vous arriverez peut-être, en la continuant, à me pousser à ce qui me répugne, mais à ce qui, assurément, vous déplairait encore plus, c'est à une dissolution de la Chambre, pensez-y bien.» Je crois que cette conversation est textuelle et qu'elle fera un peu plus regarder à ce qu'on dira ou fera, d'autant plus que les doctrinaires, sachant très bien qu'ils n'ont pas de chances pour être réélus, trembleront devant la dissolution.

      M. de Chateaubriand a vendu ses œuvres, inédites et futures, 150 000 francs comptant, plus une rente viagère de 12 000 francs, réversible à sa veuve. On dit qu'il est tout dérouté depuis qu'il a payé ses dettes; son avenir, arrêté et limité d'avance, lui paraît un poids. Tout ce qu'il écrira, même en dehors de ses Mémoires, appartiendra à ses éditeurs, moyennant un prix réglé dès aujourd'hui. Tous les cahiers de ses Mémoires ont été solennellement renfermés, en sa présence, dans une caisse de fer déposée chez un notaire. Il dit que ses pensées ont été mises en prison pour dettes, à sa place.

      Paris, 30 mars 1836.– Il est bien vrai que j'ai plus entendu de musique cette année que par le passé. Privée de toutes les jouissances qui me sont chères, je me suis livrée, avec vivacité et sans scrupules, à celles de la musique, recherchant les occasions de l'entendre et y prenant plaisir. A mesure que le nombre des années ou les circonstances diminuent le nombre des goûts, ceux qui restent s'accroissent de ceux qui partent; les affections héritent de la coquetterie, la musique de la danse; la lecture, la méditation, des conversations oiseuses, malignes ou indiscrètes; la promenade des visites, et le repos de l'agitation.

      Paris, 10 avril 1836.– J'ai mené Pauline, hier au soir, à une loterie de charité chez la duchesse de Montmorency, où il y avait foule; tout le haut faubourg Saint-Germain, et jusqu'à la duchesse de Gontaut, l'ancienne gouvernante du duc de Bordeaux, qui, du reste, s'est exécutée et m'a saluée très poliment. Pauline s'est amusée comme on s'amuse à quinze ans, c'est-à-dire de tout. Elle était fort en beauté, coiffée bien simplement, mais enfin coiffée par le grand Édouard, une robe bleu de ciel, fraîche comme une rose, avec un joli maintien, tranquille, naturelle, sa petite mine bienveillante; enfin, elle a eu succès et approbation. Cela m'a mise de très bonne humeur pour tout le monde; toutes les petites blessures que tel ou tel m'a faites jadis s'effacent par un mot agréable ou un regard bienveillant adressé à Pauline. Il vaut assurément mieux ne s'être pas mis en hostilité avec le monde, mais quand on a eu ce tort ou ce malheur, se réconcilier par sa fille est parfaitement doux.

      J'ai des lettres d'Angleterre qui me disent que la duchesse de Gloucester est devenue la plus heureuse personne du monde: elle a lady Georgiana Bathurst comme dame d'honneur, elle reçoit tous les soirs, c'est le rendez-vous des High-Tories: il s'y dit toutes les nouvelles, il s'y fait maints commérages dont la Duchesse régale le Roi chaque matin. Le Roi d'Angleterre ne voit ses Ministres que pour affaires; il n'a, avec eux, aucune communication sociale. Lord Melbourne n'y regarde pas, ne se plaint pas, va son train sans fatiguer le Roi de ses plaintes: c'est un assez bon plan, ce me semble.

      J'ai été, hier matin, grâce à un billet privilégié que j'ai fait demander à M. l'Archevêque, entendre la clôture des conférences de l'abbé Lacordaire à Notre-Dame. Il part, aujourd'hui, pour Rome, et restera deux ans absent. Il y avait, certainement, cinq mille personnes dans l'église, presque tous jeunes gens des écoles. Parmi les hommes qui sont arrivés avec l'Archevêque, et qui par faveur ont été placés dans le banc de l'Œuvre, j'ai reconnu le marquis de Vérac, le duc de Noailles, M. de Tocqueville. J'étais précisément derrière ce banc, avec une cinquantaine de dames dont je ne connaissais pas une; j'étais en face de la chaire et je n'ai rien perdu. Beaucoup d'imagination, de verve, et une tout autre langue que celle des séminaires, distinguent l'abbé Lacordaire, qui est jeune et qui a un bon débit; mais j'ai trouvé du pêle-mêle, un peu trop de hardiesse dans les images, et une doctrine dans laquelle la belle et humble théorie de la grâce n'avait nulle part sa place. Il me semble que saint Augustin, ce grand apôtre de la grâce, y aurait trouvé à redire. A tout prendre, j'ai été intéressée et frappée de l'aspect attentif de l'auditoire. L'Archevêque a clos la conférence par des remerciements et des adieux convenables au jeune prédicateur, et par une bénédiction motivée, simple et douce, pour tout l'auditoire, reçue avec un respect étonnant de la part de tous ces jeunes gens. Il est vrai de dire que, quand l'Archevêque ne se lance pas dans les lieux communs du séminaire, ni dans la politique, il peut, avec sa noble figure, ses gestes et son ton affectueux, dans cette belle cathédrale, sur ce siège exhaussé d'où il découvrait toute cette jeunesse, produire, comme il l'a fait hier, un effet imposant et touchant. M. de Tocqueville, qui est venu chez moi à la fin de la matinée, en était encore tout ému.

      Paris, 13 avril 1836.– Il y a un grand départ pour Prague de MM. Hyde de Neuville, de Jumilhac, de Cossé, Jacques de Fitz-James, de Montbreton, allant demander M. le duc de Bordeaux à Charles X, et, sur son refus, décidés à l'enlever; se flattant du concours du jeune Prince, voulant l'établir en Suisse, l'y faire élever et le rapprocher ainsi, de toutes manières, de la France; ce projet, fort peu sensé en lui-même, est rendu plus absurde encore par les vanteries qui l'ont précédé et le bruit qu'on en a fait. Un autre projet, dont la police est informée, c'est celui d'enlever un des jeunes Princes de la famille royale ici et de le garder pour otage. Le Ministre de l'Intérieur en est assez en émoi.

      Paris, 21 avril 1836.– Un courrier, arrivé hier de Vienne, a apporté une réponse conçue dans les termes les plus gracieux aux insinuations faites sur le voyage que M. le due d'Orléans désire faire en Autriche. Ce qui avait été évité sous M. de Broglie a été accueilli sous M. Thiers pour lequel, personnellement, la réponse est fort aimable. On attend, ces jours-ci, quelque chose d'analogue de Berlin. Le départ du Prince, et de son frère M. le duc de Nemours, est fixé au 4 mai, mais cela ne sera publié que dans cinq jours, c'est-à-dire au retour de Chantilly. On doit revenir par Turin. La Cour de Sardaigne, qui sent bien qu'il lui faut un appui, paraît disposée, après de longues hésitations, à le chercher en France. Mon fils Valençay accompagnera les Princes: il sera le seul, non attaché à leur maison, qui sera du voyage; on voulait lui donner un titre, des fonctions, je n'en ai pas voulu, mon fils n'en ayant pas besoin pour être bien traité partout.

      Hier à dîner, chez M. de Talleyrand, il s'est СКАЧАТЬ