Название: Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron
Автор: Ciceron
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066373825
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Ceux qui lui donnent cinq parties veulent qu’on établisse d’abord la proposition, base de l’épichérème. Ainsi : « Les choses gouvernées avec prudence sont bien mieux conduites que celles où la prudence ne se trouve point. » C’est, suivant eux, la première partie. Elle doit être soutenue de différentes preuves, et amplifiée avec abondance et fécondité : « Une maison administrée avec sagesse est mieux montée, mieux approvisionnée qu’une maison en désordre et abandonnée au hasard. Une armée dirigée par un général plein de sagesse et d’expérience a un avantage immense sur une armée livrée à l’ignorance d’un chef présomptueux. Il en est de même pour un vaisseau : celui qui a le meilleur pilote fait la plus heureuse traversée. » La majeure ainsi prouvée, ce qui fait déjà deux parties du raisonnement, il faut tirer en troisième lieu, du sein même de la proposition, ce que vous voulez démontrer. Ainsi, pour suivre le même exemple : « Or rien n’est mieux conduit que l’univers. » C’est la troisième partie. La quatrième renferme les preuves de cette assomption : « Car le cours des astres est soumis à un ordre régulier ; leurs révolutions annuelles, asservies à une loi nécessaire et immuable, sont toujours dirigées vers le bien universel ; et la succession constante des jours et des nuits n’a jamais éprouvé le moindre désordre, ni exposé ainsi le monde à de funestes catastrophes. Preuves évidentes qu’une sagesse supérieure préside à la marche de l’univers. » La cinquième partie est la conclusion. Ou elle renferme simplement la conséquence des quatre autres parties qui ont précédé, ce qui peut se faire de cette manière : « Ainsi l’univers est gouverné avec sagesse ; ou elle résume en peu de mots la proposition et l’assomption, auxquelles elle ajoute la conséquence. » Voici quelle serait alors la conclusion du même exemple : « Que si les choses gouvernées avec prudence sont bien mieux conduites que celles où la prudence ne se trouve pas, et si rien n’est mieux conduit et gouverné que tout l’univers, il s’en suit que l’univers est gouverné par une secrète sagesse. » C’est ainsi que les rhéteurs dont je viens d’exprimer l’opinion croient devoir donner cinq parties à l’épichérème.
XXXV. Ceux, au contraire, qui n’en comptent que trois, ne suivent point une marche différente dans leur argument, mais seulement dans leur division. Ils ne veulent point qu’on sépare la proposition et l’assomption de leur preuve. Si on les sépare, ces deux parties, selon eux, seront incomplètes. Ainsi, ce que les autres divisent en proposition et en preuve, ils n’en forment qu’un seul tout ; c’est la proposition. Si cette proposition n’est point prouvée, ce ne peut pas être la proposition d’une argumentation régulière. Il en est de même pour l’assomption et sa preuve, que les premiers rhéteurs ont soin de distinguer, mais que ceux-ci appellent seulement assomption. C’est ainsi qu’ils divisent le même argument, les uns en trois, les autres en cinq parties : aussi la différence se fait-elle moins sentir dans la pratique que dans la théorie.
Pour moi, la division en cinq parties, suivie par tous les disciples d’Aristote et de Théophraste, me semble préférable ; car si l’école de Socrate avait adopté la première manière d’argumenter, qui procède par induction, Aristote, les péripatéticiens et Théophraste donnaient la préférence à l’épichérème ; et c’est aussi là le système suivi par les rhéteurs les plus subtils et les plus versés dans la connaissance de leur art.
Mais il faut justifier le choix que nous faisons ici, afin d’éviter le reproche d’une prédilection aveugle, et le justifier en peu de mots, pour ne pas nous arrêter sur de pareils détails plus longtemps que ne l’exige l’ordre de nos préceptes.
XXXVI. S’il est des arguments où il suffit d’établir la proposition, sans qu’il soit nécessaire d’y joindre la preuve, il en est d’autres où la proposition n’a de force qu’autant qu’elle est soutenue par la preuve. La proposition et la preuve sont dune deux choses différentes ; car un accessoire qu’on peut ajouter ou retrancher ne saurait être la même chose que l’objet auquel on l’ajoute ou dont on le retranche. Or, dans le raisonnement, tantôt la proposition n’a pas besoin de preuve ; tantôt, comme nous le montrerons, elle ne saurait s’en passer ; donc la preuve n’est pas la même chose que la proposition. Voici comme nous prouvons ce que nous avons avancé.
Une proposition évidente et dont tout le monde ne peut s’empêcher de convenir, n’a pas besoin de preuve. Par exemple : « Si j’étais à Athènes le jour que ce meurtre a été commis à Rome. je n’ai pu y prendre part. » Voilà qui est évident, qui n’a pas besoin de preuve. Aussi peut-on ajouter tout de suite l’assomption : « Or, j’étais à Athènes ce jour-là. » Si ce fait n’est pas constant, il faut le prouver, et ensuite vient la conclusion : « Donc je n’ai pu prendre part à ce meurtre. » Ainsi, il est des propositions qui n’ont pas besoin de preuve. Montrer que d’autres en ont besoin, serait inutile ; c’est un fait trop évident. Ou peut alors en conclure, comme de l’exemple cité, que la proposition et la preuve sont réellement deux choses différentes. Or, s’il en est ainsi, il est faux que cet argument n’ait que trois parties.
Nous verrons de même qu’il faut distinguer l’assomption de la preuve ; car, s’il suffit quelquefois, dans un raisonnement, de poser l’assomption sans y joindre la preuve, si d’autres fois elle n’a de poids qu’autant que la preuve y est jointe, la preuve et l’assomption sont des choses différentes : or, il est des arguments où l’assomption n’a pas besoin de preuve ; d’autres, au contraire, comme nous le montrerons, où elle ne peut s’en passer ; donc il faut distinguer l’assomption de la preuve. Voici comme nous prouvons ce que nous venons de dire.
Une assomption, qui renferme une vérité évidente pour tous les esprits, n’a pas besoin de preuve. Par exemple : Si la sagesse est nécessaire, il faut se livrer à l’étude de la philosophie. Cette proposition a besoin d’être prouvée ; car elle n’est pas évidente, puisque bien des gens regardent la philosophie comme inutile, quelques-uns même, comme nuisible. Mais l’assomption est évidente : Or la sagesse est nécessaire. Une vérité si évidente n’a pas besoin de preuve ; elle se sent et se voit d’elle-même ; ainsi l’on peut ajouter tout de suite la conclusion : Donc il faut se livrer à l’étude de la philosophie. Il est donc des assomptions qui n’ont pas besoin de preuve ; mais il est clair pour tout le monde qu’il y en a qui ne peuvent s’en passer. L’assomption et la preuve ne sont donc pas une seule et même chose. Il est donc faux que cet argument n’ait que trois parties.
XXXVII. D’après ces principes, il est constant qu’il y a certains arguments dont ni la proposition ni l’assomption n’ont besoin de preuve. En voici un exemple aussi court qu’évident : « S’il faut rechercher avant tout la sagesse, il faut avant tout éviter l’imprudence. Or, il faut rechercher avant tout la sagesse ; donc il faut éviter avant tout l’imprudence. » Ici la proposition et l’assomption sont incontestables : aussi n’ont-elles pas besoin de preuve. Tous ces exemples nous montrent clairement que la preuve peut tantôt s’ajouter, tantôt se retrancher. Elle n’est donc renfermée ni dans la proposition, ni dans l’assomption ; mais chacune de ces parties a une place et un caractère propre et particulier. Ainsi ceux qui divisent l’épichérème en cinq parties, ont suivi la division la plus exacte.
L’argument appelé épichérème, ou raisonnement, a donc cinq parties : la proposition ou la majeure, qui expose en peu de mots la pensée sur laquelle est fondé tout l’argument ; la preuve de la proposition, qui appuie la pensée énoncée en peu de mots, et lui donne plus de probabilité et d’évidence ; l’assomption ou la mineure, qui tire de la proposition ce qu’on doit démontrer ; la preuve de l’assomption qui la soutient et l’appuie de raisons ; enfin la conclusion, qui exprime d’une manière précise et rapide la conséquence que l’on tire de tout l’argument. L’argument le plus compliqué se compose de ces cinq parties. Il en est aussi de quatre, de trois et de deux, quoiqu’on n’adopte pas généralement cette dernière division. Quelques-uns même prétendent qu’un argument СКАЧАТЬ