Название: Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron
Автор: Ciceron
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066373825
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XIX. La Narration est l’exposé des faits tels qu’ils se sont passés, ou qu’ils ont pu se passer. Il y a trois sortes de narrations. La première renferme la cause même et le point de discussion. La seconde s’éloigne du sujet afin de l’agrandir, de l’orner, pour y ajouter mi moyen d’accusation, établir un rapprochement, sans toutefois s’écarter trop loin. La dernière, qui n’a point de rapport au barreau, est, pour apprendre à écrire ou à parler, un exercice aussi agréable qu’utile. Elle se partage en deux espèces, dont l’une regarde les choses et l’autre les personnes. Celle qui s’occupe des choses a trois parties, la fable, l’histoire, les hypothèses. On appelle fable, ce qui n’est vrai ni vraisemblable, comme :
J’ai vu de grands serpents ailés attelés sous le joug.
L’histoire est le récit de faits véritables, mais éloignés de notre siècle. Par exemple : Appius déclara la guerre à Carthage. L’hypothèse est une chose supposée, mais vraisemblable ; comme dans Térence :
Aussitôt que mon fils fut sorti de l’enfance, mon cher Sosie.
Dans la narration qui regarde les personnes, on doit reconnaître, avec les faits, le langage et les passions des personnages ; par exemple :
Mon frère vient souvent me crier : Que faites-vous, Mition ? Pourquoi nous perdre ce jeune homme ? pourquoi a-t-il une maîtresse ? pourquoi boit-il ? pourquoi fournissez-vous à ses folles dépenses ? Vous l’habillez trop magnifiquement ; vous êtes trop faible pour lui. Mon frère est trop sévère ; il l’est plus que la justice et le bien ne l’exigent.
C’est là qu’on doit trouver réunis la variété, les grâces du style, la peinture des passions et des mouvements du cœur, la sévérité, la douceur, la crainte, l’espoir, le soupçon, le désir, la feinte, l’erreur, la compassion, des révolutions, des changements de fortune, des revers soudains, des succès inattendus, et un agréable dénouement. Mais c’est en traitant de l’élocution que nous enseignerons l’art d’employer tous ces ornements du style. Occupons-nous maintenant de la narration qui renferme l’exposition de la cause.
XX. Brièveté, clarté, vraisemblance, voilà les trois qualités de la narration. Elle a le mérite de la brièveté, si l’orateur commence où il faut commencer, sans remonter trop haut ; s’il ne donne point des détails, quand il ne faut que des résultats ; car souvent il suffit d’énoncer un fait sans en développer les circonstances ; s’il s’arrête au moment de dire des choses inutiles ; s’il ne s’égare pas dans des digressions ; s’il s’exprime de manière à ce qu’on puisse, de ce qu’il dit, conclure ce qu’il ne dit point ; s’il omet non seulement tout ce qui lui est défavorable, mais encore tout ce qui ne lui est ni avantageux ni nuisible ; enfin s’il ne se répète jamais, s’il ne revient jamais sur ses pas. Mais n’allez pas vous laisser tromper par un air de concision. Que de gens ne sont jamais plus longs que quand ils se piquent de brièveté’ Ils tâchent de dire beaucoup de choses en peu de mots, au lieu de se borner à un petit nombre de choses essentielles ; car souvent on regarde comme concision de s’exprimer ainsi : « J’approche de la maison, j’appelle son esclave ; il me répond ; je lui demande son maître ; il m’assure qu’il n’y est pas. Il est impossible de dire plus de choses en moins de mots ; mais c’est encore être long, puisqu’il suffisait de dire qu’il n’y était pas. » Fuyez donc cette prétendue concision, et retranchez les circonstances inutiles avec autant de soin que les mots parasites.
La clarté de la narration consiste à exposer d’abord ce qui s’est fait d’abord, à suivre l’ordre des temps et des faits, à se conformer à la vérité ou à la vraisemblance. Il faut prendre garde de n’être ni confus ni entortillé ; ne point divaguer ; ne point remonter trop haut ; ne pas aller trop loin, et ne rien omettre d’essentiel ; en un mot, tous les préceptes donnés pour la brièveté peuvent s’appliquer à la clarté ; car souvent l’on est inintelligible plutôt à force d’être long qu’à force d’être obscur. Il faut aussi n’employer que des expressions claires ; mais nous parlerons de ce mérite en traitant de l’élocution.
XXI. La narration a de la vraisemblance, quand elle offre tous les caractères de la vérité ; quand elle observe fidèlement les convenances des personnes ; quand elle montre les causes des événements ; quand elle prouve qu’on a pu faire ce dont il s’agit ; que le temps était favorable, suffisant, le lieu commode ; enfin quand elle ne blesse point les mœurs connues des parties, l’opinion publique et les sentiments de l’auditoire. Voilà ce qui donne aux narrations un air de vérité.
Un autre point non moins important, c’est de savoir supprimer la narration quand elle est nuisible, ou seulement inutile ; c’est de prendre garde qu’elle ne soit déplacée, ou qu’elle ne se présente pas sous un jour favorable. Elle est nuisible, quand l’exposition du fait élève contre nous une forte prévention qu’il faut, dans le cours du plaidoyer, détruire par des raisonnements. Dispersez alors votre narration partie par partie dans le discours, et appuyez chaque circonstance de tout ce qui peut la justifier : c’est donner le contrepoison avec le venin, et ramener les esprits au moment qu’ils s’éloignent. Si la narration de votre adversaire est telle que vous n’ayez aucun intérêt à la recommencer, même en d’autres termes ; si l’auditoire a si bien envisagé les faits, qu’il vous importe peu de les lui présenter sous un autre point de vue, alors la narration est inutile, et il faut la supprimer. Elle est déplacée, quand elle n’occupe pas dans le discours la place qui lui convient ; mais ceci appartient à la disposition, et nous en parlerons en traitant de cette partie. La narration n’est pas dans un jour favorable, quand elle expose avec clarté, quand elle embellit ce qui peut servir notre adversaire, quand elle est obscure et négligée dans ce qui nous est avantageux. Pour éviter cet écueil, ramenez tout à l’intérêt de votre cause ; supprimez, autant qu’il est possible, toutes les circonstances défavorables ; glissez légèrement sur tout ce qui est dans l’intérêt de votre adversaire ; mais développez avec soin, avec clarté tout ce qui peut vous servir. Je crois en avoir assez dit sur la narration ; passons maintenant à la division.
XXII. Une division bien faite rend tout le discours clair et lumineux. La Division a deux parties, toutes deux également nécessaires pour développer la cause et fixer le point de discussion. La première établit en quoi nous sommes d’accord avec l’adversaire, et ce que nous lui contestons ; c’est elle qui indique à l’auditeur ce qui doit fixer son attention. L’autre renferme l’analyse rapide et la distribution de ce qui va faire la matière du discours ; c’est elle qui annonce à l’auditeur que le discours sera terminé, quand nous aurons traité tels et tels points. Nous allons indiquer en peu de mots la manière d’employer l’une et l’autre de ces divisions.
La première, celle qui établit en quoi nous sommes ou non d’accord avec l’adversaire, doit tourner en faveur de la cause ce dont on est tombé d’accord avec lui. СКАЧАТЬ