Название: Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron
Автор: Ciceron
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066373825
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Nous avons, autant que nous le permettaient nos faibles talents, et avec toute la clarté que comportait la nature du sujet, indiqué les sources où doit puiser l’orateur pour la confirmation. Quant à la manière de traiter chaque question, chaque partie de question, toute discussion portant sur le raisonnement ou sur le sens littéral, et quant aux arguments qui leur conviennent le mieux, nous développerons chacun de ces points en particulier dans notre second Livre. Nous nous contentons maintenant d’indiquer confusément et sans ordre le nombre, les formes et les parties de l’argumentation ; puis nous choisirons et nous distinguerons celles qui sont propres à chaque genre de cause.
Voilà les lieux dans lesquels on pourra puiser des arguments de toute espèce ; mais l’art de les orner et de les distribuer avec ordre, art aussi agréable qu’utile, a été négligé entièrement par tous les rhéteurs. Nous allons donc en parler ici, pour joindre dans nos préceptes, à la manière de trouver l’argument, la manière de le perfectionner. L’importance de cette matière, et la difficulté d’en exposer les principes, exigent ici le plus grand soin et la plus scrupuleuse attention.
XXXI. Dans l’Argumentation, on emploie l’induction ou l’épichérème, appelé par les Latins ratiocinatio. L’Induction, en nous faisant convenir de choses évidentes, tire de ces aveux le moyen de nous faire convenir de choses douteuses, mais qui ont du rapport avec les premières. C’est ainsi que Socrate, dans un dialogue d’Eschine, son disciple, fait raisonner Aspasie qui s’entretient avec la femme de Xénophon et avec Xénophon lui-même. « Dites-moi, je vous prie, épouse de Xénophon, si votre voisine a de l’or d’un titre au-dessus du vôtre, lequel préférerez-vous ? — Le sien. — Si elle a des ajustements, une parure plus riche que la vôtre, laquelle préférerez-vous ? — La sienne. — Et si son mari vaut mieux que le vôtre, lequel préférerez-vous ? » La femme de Xénophon rougit pour toute réponse.
Aspasie s’adresse ensuite à Xénophon lui-même : « Dites-moi, je vous prie, Xénophon, si votre voisina un cheval meilleur que le vôtre, lequel préférerez-vous ? — Le sien. — S’il a une terre d’un meilleur produit que la vôtre, laquelle préférerez-vous ? — La sienne. — Et s’il a une femme meilleure que la vôtre, laquelle préférerez-vous ? » Xénophon, à son tour, garda le silence. « Puisque chacun de vous, reprit Aspasie, n’a pas voulu me répondre sur le seul point que je désirais savoir, je vais répondre pour vous deux. Vous, vous désirez le meilleur des époux ; et vous, Xénophon, la meilleure des femmes. « Si vous ne réussissez à devenir, l’un, l’homme le plus parfait, et l’autre, la femme la plus accomplie, vous regretterez toujours de n’avoir point fait un meilleur choix. » Ainsi, par l’enchaînement de ses questions, en les faisant convenir de choses évidentes, elle a réussi à les faire tomber d’accord sur des choses qui leur auraient semblé douteuses, si elle ne leur avait fait que des questions isolées.
C’était la manière habituelle de Socrate ; il cherchait moins à convaincre par ses propres raisons celui avec lequel il s’entretenait, qu’à le conduire insensiblement, par une suite d’aveux qu’il ne pouvait lui refuser, à une conclusion qui devait en être la conséquence nécessaire.
XXXII. Le premier principe de cette manière de raisonner, c’est qu’il doit être impossible de ne pas nous accorder la première partie de notre induction ; car la proposition qu’on établit pour faire convenir d’une chose douteuse ne doit pas être douteuse elle-même. Ensuite, l’objet que nous voulons prouver par l’induction doit être semblable à ce que nous avons posé d’abord pour certain. En effet, à quoi peut nous servir ce qu’on nous accorde, s’il n’a point de rapport avec la conclusion que nous voulons obtenir ? Enfin, il faut cacher sa marche, et ne pas laisser voir le but auquel doivent conduire les premières inductions. Autrement, celui qui voit, dès la première question, qu’en accordant ce qu’on lui demande, il lui faudra nécessairement accorder ce dont il ne veut pas convenir, vous empêchera, par son silence ou par une mauvaise réponse, de pousser plus loin vos questions. Il faut donc que ces questions le conduisent, sans qu’il s’en aperçoive, de ce qu’il vous accorde à ce qu’il ne veut pas accorder : alors vous le réduisez au silence, ou à l’alternative de nier ou d’avouer. S’il nie, montrez-lui l’identité de ce qu’il accorde et de ce qu’il n’accorde pas, ou servez-vous d’une autre induction. S’il avoue, concluez. Garde-t-il le silence, ou arrachez-lui une réponse, ou, puisque le silence est un aveu, concluez comme s’il avait avoué. Ainsi cet argument se divise en trois parties. La première se compose d’une ou de plusieurs similitudes ; la seconde, du point que nous voulons qu’on nous accorde, et pour lequel nous employons ces similitudes ; et la troisième, de la conclusion qui confirme la concession, ou montre ce qu’on en peut déduire.
XXXIII. Mais peut-être ne trouverait-on pas cette démonstration assez claire, si nous ne donnions un exemple de l’induction appliquée à une cause civile. Il me semble qu’un exemple de ce genre sera aussi de quelque utilité, non que l’usage en diffère dans la conversation et dans le discours, mais pour satisfaire ceux à qui un exemple d’un seul genre ne saurait suffire. Prenons la cause d’Épaminondas, général thébain ; cause si célèbre dans la Grèce. Ce grand homme n’avait point remis le commandement entre les mains du général nommé suivant la loi pour lui succéder ; mais il l’avait retenu pendant quelques jours, malgré la loi, pour achever d’abattre la puissance de Lacédémone, et il y avait réussi. L’accusateur peut employer l’induction pour défendre le sens littéral de la loi contre l’interprétation qu’on lui donnait : « Si l’on voulait, juges, ajouter au texte de la loi cette exception, qu’Épaminondas soutient avoir été dans l’intention du législateur, excepté le cas où l’intérêt de la patrie aurait déterminé le général à retenir le commandement, le souffririez-vous ? Je ne le pense pas. Que si vous-mêmes, et cette pensée est bien bonde votre sagesse et de votre respect pour la loi, vous vouliez, par honneur pour ce général, ajouter, sans l’ordre du peuple, cette exception à la loi, le peuple thébain le souffrirait-il ? Non, sans doute. Eh quoi ! pensez-vous qu’il soit permis d’agir comme si la loi renfermait une exception que vous regarderiez comme un crime d’y ajouter ? Non, Thébains, je connais trop votre sagesse ; vous ne pouvez penser ainsi. Et si le peuple, si vous-mêmes ne pouvez changer l’expression de la volonté du législateur, ne seriez-vous pas mille fois plus coupables de changer, par le fait et par votre jugement, une loi dont vous ne pouvez pas même changer les termes ? » Mais c’est assez, je crois, parler de l’induction pour le moment ; examinons maintenant la force et la nature de l’épichérème.
XXXIV. L’Épichérème tire du fond même du sujet une proposition probable qui, une fois connue et développée, se soutient par sa propre force et sa propre raison. Les rhéteurs qui ont parlé СКАЧАТЬ