Название: La Querelle d'Homère dans la presse des Lumières
Автор: David D. Reitsam
Издательство: Bookwire
Жанр: Документальная литература
Серия: Biblio 17
isbn: 9783823302872
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Tu n'es plus qu’à toy-mesme aujourd’huy comparable.
L’Alexandre le GrandAlexandre orgueilleux qui se fit adorer,
Se verroit, s’il vivoit, reduit à soupirer
D’estre moins grand que toi, d’estre moins adorable26.
De plus, selon Chantal Grell, des « parallèles rhétoriques27 » qui présentent le Grand Condé, Louis II de BourbonCondé comme un successeur du roi macédonien, sont de la même nature. Voici quelques formules réunies par elle : « Ce Prince qui paroît sous l’habit d’Alexandre le GrandAlexandre28 » d’Isaac Benserade, IsaacBenserade ou « tout le monde vous prend pour un autre Alexandre le GrandAlexandre29 » de Jean Puget de la Serre, JeanPuget de la Serre. Ces extraits rappellent les odes étudiées ici dans lesquelles il fut question d’un « autre AlcideHerculeAlcide » ou de « l’AugusteAuguste de la Seine ». Cette persévérance de l’Antiquité qu’observe également Grell ne constitue pourtant pas un retour à une ancienne forme de glorification. Selon elle, cela illustre principalement les limites de l’idéologie des Modernes qui n’arrivent pas à éradiquer complètement les idées propagées par la propagande royale au début du règne personnel de Louis XIVLouis XIV30. Ainsi, le Nouveau Mercure galant réunit des éléments appartenant à des stratégies de communication très différentes et à cet amalgame s’ajoute encore une troisième approche.
AprèsLouis XIV l’abandon d’Alexandre le GrandAlexandre le Grand dans le discours officiel de la monarchie, une nouvelle stratégie voit le jour. Chantal Grell : « Une nouvelle mythologie est substituée à l’ancienne, une mythologie absolutiste qui légitime d’emblée toutes les entreprises et les ambitions du roi31. » Au cœur de celle-ci se trouvent des héros plus compatibles avec le royaume français et le christianisme. Il en est notamment question dans une contribution de Pierre-Charles Roy, Pierre-CharlesRoy qui se corrige, après avoir décrit Louis XIVLouis XIV comme un nouvel AchilleAchille et un nouveau NestorNestor ; ce passage surprenant fait partie de son ode publiée dans la livraison d’octobre 1715 :
Qu’ai-je dit ? Icy mon zele
De foibles couleurs le peint.
LOUIS prend pour son modele
De ses ayeux le plus saint32.
L’ancêtre dont il est question est Louis IXLouis IX, mieux connu sous le nom de Louis IXSaint Louis, et dans la suite de cette strophe, Roy, Pierre-CharlesRoy justifie encore la mise en parallèle qui distingue clairement la présente comparaison des noms génériques. Il évoque principalement deux exploits des deux Louis : l’interdiction « des duels barbares33 » et le combat contre les infidèles34.
Une approche similaire est décrite dans le Nouveau Mercure galant de novembre 1715. Les lecteurs de la revue peuvent y lire en mémoire de Louis XIVLouis XIV un récit des pompes funèbres qui ont eu lieu « [l]e 23. du mois passé […] [à] l’Abbaye Royale de Poissy35 ». Selon ce récit, l’« oraison funebre y fut prononcée par M. l’Abbé Masson, SamuelMasson36 ». Tout comme Roy, Pierre-CharlesRoy, Masson, SamuelMasson remplace les héros païens, tel Alexandre le GrandAlexandre, par des personnages bibliques ou des saints. Voici le petit résumé de son oraison : « Il [Masson, SamuelMasson] fit voir que le feu Roy avoit esté victorieux comme David, roi bibliqueDavid, aussi sage que Salomon, roi bibliqueSalomon, & aussi pieux que S. Loüis37. » Cette rupture avec les modèles antiques est cependant moins novatrice qu’elle puisse paraître. Plus la propagande royale a abandonné les exemples anciens au début des années 1670, plus elle s’est tournée vers de grands personnages moralement plus acceptables, comme le prédécesseur de Louis XIVLouis XIV38.
ToutLouis XIV en assemblant des éléments de glorification qui sont typiques des différentes phases et sensibilités du siècle du roi-soleil, le discours semi-officiel tel qu’il est développé par Hardouin Le Fèvre de Fontenay et les contributeurs du Nouveau Mercure galant ne peut donc pas faire abstraction du passé qui n’est pas rejeté en bloc. Il faut également souligner les limites de notre approche qui se manifestent ici. En mettant l’accent sur la dichotomie des idées anciennes et modernes, l’histoire proto-nationale échappe quelque peu à notre structure-cadre car elle ne semble guère intéresser les protagonistes de la Querelle des Anciens et des Modernes39. Il paraît pourtant justifié de l’avoir inclus dans la sous-partie consacrée à la « persévérance de la glorification traditionnelle », car celle-ci forme également une restriction au présentisme développé par les Modernes. Mais avant d’approfondir l’interprétation de ces résultats, il faut se tourner vers Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans et la question de savoir dans quelle mesure le Régent se démarque de Louis XIVLouis XIV.
Le cas de Philippe d’Orléans
ÉtantLouis XIV donné le jeune âge du futur Louis XVLouis XV à la mort de son arrière-grand-père, le royaume de France connaît de 1715 à 1723 une Régence qui est assurée par Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans. Ainsi, à partir d’octobre 1715, la propagande royale dans le Nouveau Mercure galant évolue et les lecteurs y trouvent régulièrement des odes à la gloire de Louis XIVLouis XIV – on vient de le voir –, mais également des pièces célébrant le Régent. Le signe le plus ostentatoire en est certainement la dédicace du périodique : désormais, à la page trois de chaque livraison, il y a un hommage « [à] son Altesse Royale Monseigneur le Duc de Chartres1 », c’est-à-dire à Louis d’OrléansLouis d’Orléans, le fils aîné du Régent. Notre intérêt principal se porte cependant sur la présence de références au monde ancien – ou sur leur absence – dans la glorification du Régent.
Un premier coup d’œil révèle bien des parallèles entre les textes dédiés à Louis XIVLouis XIV et ceux consacrés au Régent. Les lecteurs retrouvent donc de nombreux éléments qu’ils connaissent déjà : en avril 1716, par exemple, un certain « M. Gabriel Capitaine de Dragons » estime que Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans est supérieur à « [c]e César, Jules [Cesar]Cesar, ce grand Alexandre le GrandAlexandre2 » puisqu’il respecte les bienfaits de la paix et parce que faire la guerre ne constitue guère une fin en soi pour lui – une qualité qui fut également mise en avant dans des odes à la gloire du roi-soleil, voir notamment les contributions de Mademoiselle Deshoulières, Antoinette-Thérèse, MademoiselleDeshoulières et de Pierre-Charles Roy, Pierre-CharlesRoy.
Les comparaisons des personnages mythiques forment une autre similitude. Dans la livraison de juillet 1716, Hardouin Le Fèvre de Fontenay présente à son public un « Extrait des Réjoüissances qui ont esté faites pour le rétablissement de la santé de Monsieur le Duc. Relation qui vaut la meilleure Histoire que puisse vous donner l’Auteur de ce Journal3 ». Le responsable du Nouveau Mercure galant y résume la maladie et la guérison de Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans avant de décrire les festivités qui sont organisées pour célébrer son « rétablissement ». Il y reproduit également certains vers qui, selon lui, furent présentés au guéri par un mystérieux « Magister [mise en italique dans l’original] 4 ». Celui-ci rappelle les hauts faits des ancêtres du Régent et constate ensuite :
A la chasse il sonne du Cor,
Il est Prince à la Ville,
Dans les Conseils c’est un Nestor Nestor,
A Fribourg un AchilleAchille [mise en italique dans l’original]5.
IlLouis СКАЧАТЬ