La Querelle d'Homère dans la presse des Lumières. David D. Reitsam
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СКАЧАТЬ cet exemple montre bien une dimension particulière de la fameuse fécondité des querelles et, en même temps, dans quelle mesure la revue d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay a contribué à divulguer les grands thèmes de la Querelle d’Homère en France : il est désormais clair que des lecteurs présents partout dans le royaume des Bourbons s’y sont intéressés et que la revue a également facilité leur accès.

      Hormis ces exemples, il existe des contributions qui sont cependant plus difficilement attribuables à un auteur précis. C’est le cas de nombreux textes envoyés à Hardouin Le Fèvre de Fontenay par « un de mes amis28 » ou des réflexions anonymes. Bien que ces contributions très élaborées, comme par exemple, le « Dialogue magnifique entre Iris, Mercure & un Moderne29 », aient très certainement été rédigées par quelqu’un possédant une grande culture littéraire, certains textes plus courts, également présents dans la revue, sont susceptibles d’avoir été écrits par des auteurs-lecteurs moins savants. Il faut penser, entre autres, aux énigmes et aux questions aux lecteurs – deux catégories à la mode qui sont présentes dans de nombreuses livraisons de la revue.

      En août et en octobre 1715, Le Fèvre de Fontenay intègre dans le périodique des questions que des amis lui ont envoyées et qui s’inspirent directement de la Querelle d’Homère. Voilà la « [q]uestion moderne » d’août : « Lequel a plus de raison, ou de Me. Dacier de nous avoir donné la Traduction d’Homere, comme celle d’un original parfait, ou de M. de la Motte d’avoir choisi ce mesme Homere pour en faire une imitation30. » Deux mois plus tard, le responsable de la revue cherche à nouveau à élucider les pensées de ses lecteurs et publie deux questions concernant la Querelle d’Homère : « Quatriéme Question. On est grandement curieux de sҫavoir, si Hélène [Helen] [Helene] de TroieHelen estoit blonde ou brune […]. Cinquiéme Question Qu’on nous dise enfin, s’il y a eû un Homère, & qu’on réponde cette fois par un ouї, ou un non définitif31. » Dans les deux cas, les lecteurs n’ont pas hésité à envoyer de nombreuses réponses au Nouveau Mercure galant – du moins selon les propos d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay qui n’en publie que les meilleures32. Étant donné notre problématique, il nous suffit de formuler quelques hypothèses au sujet des intentions du responsable de la revue et des participants à ce jeu littéraire. Au vu du contenu un peu simpliste, voire naïf des questions – dès le début de la Querelle d’Homère, les Modernes ont par exemple souscrit au fait qu’Homère a bel et bien existé33 –, il semble s’agir avant tout d’une tentative d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay de prolonger les débats en raison d’un intérêt véritable ou supposé de son public. De plus, si l’on prête foi au responsable de la revue et à son affirmation que bien des lecteurs auraient réagi aux questions, il est fort probable qu’il ne s’agissait guère d’un public savant, mais plutôt mondain. Bien évidemment, sans aucune recherche archivistique supplémentaire, il est impossible de savoir si ce public fut plus parisien que provincial, ou l’inverse. Pourtant, l’essentiel constitue la contribution du Nouveau Mercure galant en tant que « salon de papier34 » – ou salon virtuel35 – à la construction d’un espace public français et à la divulgation des savoirs.

      En définitive, il est clair que sa présence dans le Nouveau Mercure galant permet à la Querelle d’Homère de trouver un nouveau public. Entre 1714 et 1716, la revue d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay donne des informations sur les enjeux des débats et incite son public à y participer de manière active : les réactions et contributions des lecteurs socialement ou géographiquement éloignés du centre culturel en constituent la meilleure preuve.

      En résumé, le Nouveau Mercure galant contribue sur deux niveaux différents à l’unification du royaume. Contrairement à Anne Dacier qui évoque certaines faiblesses de sa langue maternelle, la revue défend le français et les œuvres qui sont rédigés dans la langue de Molière créant de cette manière une sorte de patrimoine national – il faut notamment se souvenir de l’abbé Jean-François de Pons, Jean-François de [M. P.]Pons qui parle de « nos bons ouvrages » et cite Corneille, PierreCorneille, Molière [Moliere]Molière et Racine, JeanRacine comme exemples36. Cependant, bien que le périodique ait plus l’air d’un porte-parole des Modernes que d’un « forum37 » de discussion puisqu’aucun Ancien ne cherche à défendre la position d’Anne Dacier, il est évident que les défenseurs du français restent un groupe hétérogène : alors que Pons, Jean-François de [M. P.]Pons défend l’égalité des différentes langues38, un contributeur anonyme insiste sur la supériorité du français face au latin et au grec39.

      De même, la réception de la Querelle d’Homère dans la revue témoigne d’une certaine manière d’une unification réussie. Une étude détaillée des différentes contributions souligne bien que des auteurs-lecteurs qui sont socialement ou géographiquement éloignés du centre culturel participent à l’échange et qu’un espace public qui dépasse les salons de la haute société parisienne existe40. Pourtant, il faut également admettre que ces contributeurs restent minoritaires et qu’un manque d’information nous empêche de préciser nos résultats sans entamer de recherches plus poussées dans les archives : un grand nombre de contributeurs cachent leur identité, publient sous anonymat dans le périodique ou utilisent un pseudonyme41.

      L’accent mis sur des pratiques culturelles paraît nous éloigner de la dimension politique de la Querelle d’Homère. Pourtant, d’un côté, il faut se rappeler la réflexion de Myriam Dufour-Maître qui soutient que la galanterie joue un « rôle éminemment politique […] par son apolitisme même42 ». Dans ce sens, il est possible d’affirmer que la Querelle d’Homère contribue à l’unification du royaume de France : sa réception dans le Nouveau Mercure galant montre le prestige que le français vient d’acquérir et le bon fonctionnement de l’espace public national naissant. De l’autre, cela distingue également la revue d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay d’autres périodiques : les Nouvelles Littéraires, par exemple, ne transmettent guère une version aussi populaire de la Querelle d’Homère, bien que l’on y trouve également des pièces divertissantes43.

      2. De Louis XIV à Philippe d’Orléans

      2.1 Entre éloges anciens et modernes

      Par la suite, nous étudierons les différentes stratégies servant à glorifier Louis XIVLouis XIV et Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans, le Régent. Dans un premier temps, nous révélerons la présence – ou l’absence – des références au passé, ou autrement dit, nous offrons une lecture au premier degré, ce qui nous permet de lier les éloges du Nouveau Mercure galant à l’histoire culturelle et aux glorifications traditionnelles du roi-soleil. C’est uniquement dans un deuxième temps, à savoir dans le prochain sous-chapitre que nous nous interrogerons sur la possibilité d’une lecture au deuxième degré de ces textes. Dans ce contexte, nous aborderons également des contributions qui présentent une vision plutôt sombre de leur époque ou qui rompent radicalement avec la politique culturelle du roi-soleil.

      La question de la bonne glorification du roi est un vieux sujet de débat et elle a déjà marqué la première partie de la Querelle des Anciens et des Modernes. Selon Marc Fumaroli, Nicolas Boileau, NicolasBoileau aime décrire son roi comme « un héros ancien réapparu parmi les Modernes » et Charles Perrault, CharlesPerrault fait de son souverain « l’argument en faveur de la supériorité des Modernes sur l’Antiquité1 ». Dans « Le Siècle de Louis le Grand », l’ancien commis de Jean-Baptiste Colbert, Jean-BaptisteColbert déclare :

      Les siècles, il est vrai, sont entre eux différents

      Il en fut d’éclairés, il en fut d’ignorants ;

      Mais si le règne heureux d’un excellent Monarque

      Fut СКАЧАТЬ