La Querelle d'Homère dans la presse des Lumières. David D. Reitsam
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СКАЧАТЬ donc les craintes des Modernes : en comparant Louis XIVLouis XIV à Alexandre le GrandAlexandre le Grand, il est possible d’accentuer davantage la critique de la politique hégémonique du roi et de le présenter, au final, comme un « monstre odieux9 ».

      En outre, il existe d’autres textes qui semblent dénoncer les failles de Louis XIVLouis XIV en s’appuyant sur le monde gréco-romain. Dans le Nouveau Mercure galant de mars 1716, Hardouin Le Fèvre de Fontenay publie une « Description de la Pompe Funebre de Loüis XIV » qui a lieu à « Cadix [sic]10 ». Précédemment dans cette étude, il était déjà question de ce « Mausolée [érigé] dans le grand vaisseau de l’Eglise de S. François11 » puisque la cathédrale fut richement décorée avec des tapisseries présentant le défunt roi comme un héros antique, notamment comme un nouvel HerculeHercule. Pourtant, Louis XIVLouis XIV y est également comparé à Phaéton [Phaëton]Phaéton, le fils d’HéliosHélios, dieu du soleil : « Le douziéme [tableau] representoit un Phaéton [Phaëton]Phaëton couronné de France, porté dans le Char du Soleil semé de Fleurs-de-Lys ; une nouvelle Etoile luiy marquoit la route qui’il devoit tenir, avec ces paroles : Aurelia Regente luce à via non aberrabo12. » Or, c’est exactement le contraire de ce qui se passe dans le mythe antique. Selon OvideOvide, Phaéton [Phaëton]Phaéton est incapable de conduire le char d’HéliosHélios et menace de détruire toute la terre avant d’être tué par ZeusZeus :

      De grandes villes s’écroulent avec leurs murailles ; des peuples et des pays entiers sont changés par l’incendie en un monceau de cendres ; les forêts se consument avec les montagnes qu’elles couvrent. Tout brûle […]. Cependant l’arbitre suprême prend à témoin les dieux et le maître du char lui-même, que, s’il ne prévient pas ce désastre, tout va succomber au plus cruel destin. […] Il tonne, et balançant son tonnerre à la hauteur de son front, il foudroie l’imprudent Phaéton [Phaëton]Phaéton13.

      Étant Louis XIVdonné l’importante présence de l’auteur des Métamorphoses en particulier et de la mythologie antique en général dans l’enseignement de l’époque14, le destin de Phaéton [Phaëton]Phaéton était certainement connu du grand public. Par conséquent, cette représentation du défunt roi est plus qu’ambiguë. D’un côté, elle souligne les qualités extraordinaires, puisque surhumaines de Louis XIVLouis XIV et elle reprend également des éléments classiques des glorifications du roi-soleil ainsi que des souverains espagnols : d’après Gérard Sabatier, les rois français ont utilisé le soleil comme emblème depuis le XIVe siècle et Philippe V d’EspagnePhilippe V d’Espagne, un des grands rivaux de Louis XIVLouis XIV, s’est également servi de cet astre. À l’instar du parallèle établi entre HerculeHercule et Louis XIVLouis XIV15, les « Negocians François […] [qui] ont fait leurs efforts pour rendre à la mémoire de Loüis le Grand les honneurs qui luy sont deus16 » tentent donc encore une fois d’inscrire le défunt roi dans une double tradition qui s’adresse à la fois aux sujets français et espagnols des Bourbons17.

      D’un autre côté, la représentation du monarque en Phaéton [Phaëton]Phaéton rappelle non seulement la présupposée origine divine de son pouvoir, mais également l’accident mortel du fils d’HéliosHélios qui montre clairement les limites de la politique royale18 : il semblerait que ses projets ne soient pas tous couronnés de succès et que le roi soit téméraire.

      Certes, Louis XIVcette allusion n’est pas très précise, mais elle va de pair avec d’autres contributions qui formulent des doutes concernant la politique royale et dont les auteurs ne semblent pas adhérer pleinement à la vision d’un Perrault, CharlesPerrault qui considère le règne de Louis XIVLouis XIV comme l’apogée absolu de l’histoire. En juillet 1716, les lecteurs de la revue apprennent par exemple que la France manque de virilité et qu’elle tombe en décadence. Après avoir cité l’exemple de la ville de Rome qui fut corrompue par « l’orguël & le luxe19 », le contributeur inconnu constate quant à sa propre époque :

      Mais insensiblement l’adroite politesse

      Des cœurs effeminez souveraine Maistresse,

      Corrompit de nos mœurs l’austere dureté,

      Et du subtil mensonge empruntant l’artifice,

      Bientost à l’injustice

      Donna l’air d’équité20.

      Le versificateur anonyme s’en prend à la galanterie et aux comportements sociaux liés inexorablement à Versailles et qui privilégient la forme sur le contenu. Indirectement, il prône un retour aux sources, c’est-à-dire à une vie plus simple et donc plus naturelle. Par conséquent, il vénère le haut Moyen Âge dont le « citoyen […] sҫavoit porter les armes […] [et] négligeoit ses charmes21 ». Dans le Nouveau Mercure galant, cette simplicité est plus souvent revendiquée dans des contributions sur la critique du goût, mais cette problématique sera traitée ultérieurement.

      Si Louis XIVl’exemple espagnol nécessite une interprétation, les propos de Chappe et Le Fèvre de Fontenay semblent plus clairs, mais ces derniers restent néanmoins plus prudents : le premier attribue ses vers critiques à son fils et le deuxième précise après cette ode dénonciatrice que « les plus sages & les plus éclairez » pensent différemment et louent Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans, « l’Auguste Prince, à qui le Ciel a confié le soin d’élever le jeune Monarque du plus riche et du plus florissant Royaume du monde22 ». Ainsi, le directeur de la revue et Chappe cherchent à prendre leurs distances avec la critique du temps présent et à apparaître comme un soutien sans faille du régime.

      Des accusations contre le pouvoir royal sont donc prudemment introduites dans la revue et cela soulève la question de savoir dans quelle mesure les éloges que nous venons d’étudier auparavant peuvent être lues au deuxième degré. À en croire Olaf Asbach, une telle lecture paraît légitime et, afin d’illustrer ses propos, l’historien cite l’exemple de l’abbé Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, Charles-Irénée Castel deSaint-Pierre et son discours de réception à l’Académie française de 1695. Saint-Pierre, Charles-Irénée Castel deSaint-Pierre y parle « [d]es avantages des belles-lettres23 » avant de louer son souverain :

      Le calme rappellera […] [la] raison égarée [des autres pays européens], et avec des yeux que l’envie ne troublera plus, ils verront enfin que cette grande puissance du Roi [Louis XIVLouis XIV], dont ils ont été si long-temps alarmés, a pour bornes insurmontables cette même sagesse et ces mêmes vertus qui l’ont formée. Heureux de n’avoir pu l’affoiblir, ils ne la regarderont plus que comme la tranquillité de l’Europe, et comme l’unique asile contre l’oppression et l’injustice des ambitieux24.

      Pour Asbach, les choses sont claires : Saint-Pierre, Charles-Irénée Castel deSaint-Pierre, qui est bien informé des différentes politiques royales aux niveaux national et européen25, a remplacé la réalité européenne par un idéal utopique puisque c’est le roi-soleil qui a instauré un système peu tolérant en France et essayé de créer un empire français en Europe26. Son but consiste donc à dénoncer de manière ironique la politique de Louis XIVLouis XIV et de proposer en même temps une alternative plus humaniste.

      EnvironLouis XIV 20 ans plus tard, la situation n’a guère changé. Certes, la guerre de succession d’Espagne s’est terminée en 1714, mais ses conséquences néfastes sont toujours présentes et les vers de Chappe de janvier 171527 en témoignent. De ce fait, il semble être possible de continuer à appliquer la grille de lecture d’Asbach aux éloges publiés dans le Nouveau Mercure galant : pour les contemporains avertis d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay, ces contributions qui célèbrent notamment le génie militaire du roi malgré la quasi-défaite militaire des armées royales28 ou qui présentent СКАЧАТЬ