Midi à quatorze heures. Alphonse Karr
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Читать онлайн книгу Midi à quatorze heures - Alphonse Karr страница 7

Название: Midi à quatorze heures

Автор: Alphonse Karr

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066080822

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СКАЧАТЬ fort embarrassé d’expliquer. Il se résigna donc, prit les ciseaux, le papier, et laissa agir ses mains selon les instructions reçues, tandis que son esprit franchissait l’espace qui sépare Honfleur du Havre de Grâce.

      Quand il eut découpé un certain nombre de ronds, il pensa qu’il avait le temps d’écrire avant qu’ils fussent tous employés, et il répondit à MMM.

       Table des matières

      Vilhem à MMM.

      «Hélas! hélas! hélas! cher ange, puisque vous voulez bien être le mien, hélas! hélas! hélas! il y a dans la vie humaine une certaine quantité de prosaïsme, alliage dans l’or, qu’il faut nécessairement subir et auquel rien ne peut nous faire échapper. Le poëte trouve quelquefois moyen de dépenser son or pur; mais il lui faut tôt ou tard se servir de l’alliage pur à son tour; je me suis longtemps désespéré de cela; aujourd’hui, mon désespoir est devenu un rire sardonique. A quoi pensez-vous que votre lettre me trouve occupé? A des travaux de ménage!

      »Oui, vous êtes mon ange, mon ange consolateur, mon ange sauveur. Depuis que je vous ai trouvée, ma vie a un but. Je sais pourquoi je me réveille le matin: pour songer à vous, pour attendre votre lettre. Quand je vois, le soir, ces beaux couchers du soleil, ces splendides reflets dont se pare le ciel, j’ai maintenant un ange, un dieu à placer dans ce ciel, sur ce trône de pourpre et de feu, si tristement vide pour moi jusqu’ici. Maintenant, je me réjouis de ce que le ciel m’a donné d’esprit, de force, de courage; semblable aux saints de la mythologie hébraïque, «je me réjouis de la belle moisson que je puis offrir à mon Dieu.»

      »Non, je ne travaille pas, et, pour cela, je n’ai pas abandonné ma douce solitude dans laquelle, sans vous connaître, je vous ai toujours gardé une place à côté de moi. Je ne travaille plus pour la foule, dont, par une bizarrerie que je ne m’explique pas, les suffrages me laissent froid et le blâme me blesse profondément. Je vous écrirai, j’écrirai pour vous seule tout ce que vous voudrez.

      »Cependant je me prends parfois à caresser dans mon cœur un amer regret. Je me rappelle ces quelques soirées de triomphe où, après la représentation de mon œuvre, mon nom jeté à la foule était répété par elle avec des cris d’enthousiasme presque furieux. Oh! que n’étiez-vous là! c’est si j’avais dû en parer votre front, que ces couronnes auraient eu du prix pour moi. Souvent, parmi toutes ces femmes parées, je cherchais vainement s’il y en avait une qui fût heureuse de mon triomphe, et mon orgueil, un moment satisfait, rentrait douloureusement en moi et retombait sur mon cœur.

      »Vous voulez me connaître? J’attends un ami qui peint un peu; je ferai faire une sorte de portrait que je vous enverrai. J’espère que, plus tard, vous changerez d’idée sur le mystère qui vous dérobe à moi. Les anges ne se cachaient que pour le vulgaire et se manifestaient aux hommes vertueux qu’ils aimaient. Je suis, à ce prix, capable d’accaparer toutes les vertus.

      »Tenez, je vous le disais bien, il faut expier tout bonheur: on m’arrache d’auprès de vous; mais, cher ange, je me promets bien d’être à l’avenir complétement nul et bête pour tout le monde; je serai si heureux de n’avoir de l’esprit et du cœur que pour vous, et de vous garder tout ce que j’en ai!»

       Table des matières

      MMM. à Vilhem.

      «Mon cher ami, pourquoi ne me disiez-vous pas que vous étiez Marié? Croyiez-vous que cela me chagrinerait? Mais cela m’enchante, au contraire. Vous avez disposé de la partie de vous dont je ne veux pas et dont je n’ai que faire. Ce que je vous demande, ce que je veux, ne fait tort à personne, et je le garde sans scrupule. Vous verrez, cher Vilhem, combien mon affection pour vous sera pour l’avenir plus tendre et moins craintive. J’avais encore peur de vous, quoique je fisse bien la brave et la résolue. J’avais peur que vous ne vous crussiez obligé de m’aimer d’amour. Disons tout: j’avais peur de finir par descendre de ce ciel d’où je vous aime saintement pour vous aimer comme une simple mortelle; je vous disais: «Oubliez que je suis femme;» et moi, je ne pouvais l’oublier, je le sentais par mes craintes et par ma réserve involontaire. Mais, aujourd’hui que j’apprends à quel point nous sommes séparés, quels invincibles et éternels obstacles s’élèvent entre nous, je vous puis aimer à mon aise, sans terreur, sans remords. Je ne redoute plus d’être sur une pente roide et glissante. Votre situation me marque des limites que, moi qui me connais, je suis certaine de ne pas franchir. Je ne passerai plus des demi-heures à relire mes lettres, à atténuer les expressions trop vraies de ma tendresse pour vous, maintenant que je suis sûre qu’elle ne peut m’entraîner. Nous ne parlerons jamais de votre femme. Vous ne me demanderez pas si je suis mariée. Voici encore une violette. Cette fois, ce sera la dernière. Je l’ai trouvée seule ce matin, sous les feuilles couvertes de givre et ridées par le froid; elle renferme le dernier rayon du soleil qui a à peine eu la force de l’épanouir et de la colorer.

      »Il m’est venu une idée, une idée à laquelle je tiens beaucoup; mais, avant tout, écoutez-moi bien, mon ami: la révélation de votre mariage, tout en me tranquillisant par les bornes placées entre nous, me rendrait inflexible sur tout ce qui tiendrait le moins du monde à me les faire franchir. Vous serez obéissant, cher Vilhem; je n’exigerai de vous que ce qui servira à nous conserver le bonheur que nous nous sommes fait.

      »Mon idée, du reste, n’a rien de tyrannique ni de répressif: je vous envoie des graines de fleurs qui ont embaumé mon jardin tout cet été. Vous les sèmerez dans votre jardin, si vous en avez un, ou sur votre terrasse; ensemble, au beau temps, par les belles soirées, au même instant, nous respirerons les mêmes parfums. Je suis sûre que votre femme ne serait pas jalouse de cela. Mais il est convenu que nous ne parlerons jamais d’elle.

      »Je ne veux pas de votre portrait, cela lui appartient à elle. Je ne veux pas non plus que vous cherchiez jamais à vous rapprocher de moi.»

       Table des matières

      Nous avons ici le plaisir d’annoncer à nos lecteurs que deux lettres de notre collection ont été heureusement perdues. Nous disons heureusement, parce qu’elles ne contenaient que très-peu de choses en un certain nombre de pages: Roger s’étonnait de la découverte de son ange; il la remerciait de son idée de lui envoyer des graines et lui apprenait qu’il était possesseur d’un jardin. Il disait passablement de mal de sa femme.

      L’ange le rappelait à l’ordre sur ce dernier sujet. Elle n’avait fait que soupçonner le mariage de Vilhem d’après une phrase de sa dernière lettre; il avait pris lui-même la peine de transformer ce soupçon en certitude. Elle lui demandait des graines en échange de celles qu’elle lui avait envoyées.

       Table des matières

      Roger partit un matin avec un fusil sur l’épaule, gravit jusqu’au sommet de la côte; puis, ayant regardé si personne ne le voyait, il redescendit par un autre chemin, et, comme on entendait tinter la cloche СКАЧАТЬ