Midi à quatorze heures. Alphonse Karr
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Читать онлайн книгу Midi à quatorze heures - Alphonse Karr страница 6

Название: Midi à quatorze heures

Автор: Alphonse Karr

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066080822

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СКАЧАТЬ je suis entouré même à ses yeux. Pourquoi moi-même me livrerais-je plus vite qu’elle? Et puis je suis si près d’elle! si elle est telle qu’elle le dit, cela l’inquiéterait. D’ailleurs, il faudrait lui parler de ma vie actuelle, et peut-être aussi de ma femme, ce que je ferai le moins et le plus tard possible.

      Puis il sortit et alla porter sa lettre à la poste, quoiqu’elle ne dût partir que le lendemain et que cette précipitation n’avançât pas son départ d’une minute. Mais il lui semblait que cela le rapprochait d’elle.

      Nous n’avons nullement l’intention de discuter les caprices et les fantaisies des amoureux, surtout de ceux qui ne connaissent pas leur maîtresse et sont les plus amoureux de tous.

       Table des matières

      MMM. à Vilhem.

      «Mon ami, que vous êtes bon! Comme votre confiance m’honore et me rend heureuse! J’ai d’abord hésité à envoyer chercher ma lettre; à mesure que le moment approchait où votre réponse pouvait arriver, je l’espérais moins. Je ne demeure pas au Havre, laissez-moi ce mystère qui me protége et qui me donne le courage de vous aimer; ne me demandez pas où je suis, soyez seulement sûr que je pense à vous. Quand on est revenu, je n’osais pas demander si l’on avait une lettre; on me l’a remise, je l’ai prise et je me suis enfermée; je ne pouvais croire, c’est tout au plus si je comprends encore mon bonheur, maintenant que j’ai lu et relu la lettre un million de fois. Je ne m’étais pas trompée sur vous; et cependant, j’étais si fâchée de vous avoir écrit! j’aurais donné tout au monde pour que ma lettre ne vous parvînt pas.

      »Oui, c’est avec un indicible bonheur que j’accepte votre amitié; vous verrez comme une femme aime et console. Je suis donc votre sœur, votre amie, je réunirai sur vous seul toutes les tendresses d’une sœur, d’une mère. Laissez-moi vous aimer, acceptez tout ce qu’il y a de dévouement dans mon cœur; après cela, quand vous me connaîtrez mieux, aimez-moi un peu si vous pouvez.

      »Mais surtout, je vous le répète, ne cherchez à savoir ni où je suis, ni qui je suis; j’aurais peur de vous et je ne vous aimerais plus. Ma vie était si ennuyée, si triste, si inerte! Rien ne me plaisait ni ne m’intéressait; c’est que je vous avais deviné, mon ami; c’est que je vous attendais, et que tout ce qui n’était pas vous ne pouvait me satisfaire.

      »Je vous appelle aujourd’hui mon ami; il y a longtemps que je vous appelle ainsi dans mon cœur; ce nom n’a rien de nouveau ni d’étrange pour moi; mais ne me trouvez-vous pas bien imprudente, et ne fais-je pas mal en agissant comme je fais? Cette terreur qui me glace à la seule pensée qu’on pourrait savoir que je vous écris, vient-elle d’un instinct de retenue et de devoir, ou de la peur qu’on ne me prenne mon bonheur? Mon ami, si j’ai tort, dites-le-moi. Guidez-moi, conseillez-moi, soyez bon, ne me punissez jamais de n’être qu’une pauvre femme ignorante qui n’a peut-être pas assez réfléchi avant de vous écrire.

      »Vous voulez que je vous parle de moi; que puis-je vous en dire? Je ne l’ose pas encore: il me semble que ça serait un peu manquer à ma résolution de vous rester inconnue. Cependant, si vous alliez vous faire de moi un portrait qui ne me ressemblât pas, et que vous vous missiez à aimer ce portrait... Je suis jeune, j’ai les cheveux blonds, je passe pour assez jolie... Voilà tout ce que vous saurez.

      »Mais vous, mon ami, faites-moi donc un peu votre portrait. Du reste, je suis sûre que je vous ai deviné; vous êtes grand, élancé, vous avez vingt-huit ans, votre chevelure est noire. Je gage que je ne me trompe pas.

      »La mer est bien belle au moment où je vous écris. Vous, Parisien, vous ne savez pas que la nature nous donne des fêtes plus splendides que les vôtres. Je vous envoie quelques violettes sèches que j’ai trouvées cachées sous les feuilles dans mon jardin. Ce sont probablement les dernières de l’année.

      »Adieu.»

      Le soir, Roger remarqua avec mauvaise humeur que sa femme était blonde: il lui semblait qu’elle n’en avait pas le droit; rien n’est choquant comme les ressemblances que se permettent d’avoir les gens qu’on n’aime pas avec les gens qu’on aime. Dans la situation de Roger surtout, cette similitude était tout à fait désagréable et incommode; il ne connaissait pas le visage de sa correspondante, et, quand il voulait se le figurer en esprit, l’idée des cheveux blonds amenait naturellement une ressemblance entre la figure que cherchait à créer sa fantaisie et celle de sa femme. C’était, sans contredit, le plus mauvais tour que le hasard pût lui jouer.

      Pour Marthe, elle annonça à Bérénice qu’il fallait, le lendemain, se lever de bonne heure, attendu qu’il y avait à s’occuper de la confection des confitures de coing. Roger fit une moue fort méprisante; ce qui ne veut pas dire qu’il méprisât en elles-mêmes les confitures de coing, lesquelles sont incontestablement les plus spirituelles d’entre les confitures.

       Table des matières

      MMM. à Vilhem.

      «Je vous l’ai dit, cher monsieur Vilhem, je ne serai jamais pour vous rien autre chose qu’une affection; et j’ai regret au mouvement de coquetterie jalouse qui m’a fait vous dire la couleur de mes cheveux. Je veux être pour vous comme les anges du ciel, dont on ne sait pas le sexe, que l’on croit si beaux, sans savoir en quoi consiste leur beauté.

      »Mais vous, je veux vous connaître, je veux vous voir et vous suivre en esprit; dites-moi si je me suis trompée dans l’idée que je me suis faite de votre aspect et de votre visage. Dites-moi tout ce qui peut vous rendre plus présent à ma pensée. Racontez-moi vos habitudes, les heures auxquelles vous travaillez. Faites-moi la description de votre cabinet de travail. Je veux savoir les couleurs et les fleurs que vous aimez; travaillez-vous le jour ou la nuit? quelques-uns des personnages que vous mettez en scène dans vos ouvrages sont-ils des portraits ou des fantaisies de votre imagination? Si vous ne me répondez pas bien clairement à toutes ces questions, je me fâche contre vous, et je ne vous aime plus. Il y a surtout une question que j’ai gardée pour la dernière, en forme de post-scriptum, pour deux raisons: d’abord, parce que je n’ose guère la faire; ensuite, parce que c’est peut-être celle dont la solution pique le plus vivement ma curiosité. Parlez-moi de la femme que vous aimez. Je ne comprends pas un poëte sans amour, et vous qui possédez à un si haut degré toutes les facultés du poëte, vous n’aurez pas négligé précisément ce point.

      »Il faut encore que vous vous soumettiez à un caprice. Vous recevrez avec cette lettre des plumes que j’ai taillées pour vous. Il faut vous en servir; j’aurai un double plaisir à lire votre ouvrage. Mais, à propos, paresseux, votre dernier porte une date déjà vieille de trois ans. Que faites-vous donc? Vous êtes-vous laissé prendre au tourbillon du monde? Avez-vous oublié ce que vous dites dans un de vos livres: «Le poëte est comme l’aigle, qui ne descend dans la vallée que pour y saisir sa proie, et s’envole avec elle plus près du soleil et du ciel, sur les pics inaccessibles où il a placé son aire.»

      Lorsque Roger reçut cette lettre, sa maison était tout entière en proie à la fabrication des confitures de coing; chaque cheminée avait un chaudron, chaque table était couverte de pots, et Marthe vint le prier de découper les ronds de papier destinés à les couvrir. La première pensée de Roger fut de rejeter bien loin cette occupation qui cadrait médiocrement СКАЧАТЬ