Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ que je vous ai dites plus haut. M. Guizot a, sur-le-champ, tout suspendu, car au lieu de l'affaire égyptienne terminée, elle recommence, et le Sultan et le Pacha s'entendent moins que jamais. C'est lord Ponsonby qui a dicté le firman, les trois autres représentants s'y étaient opposés. Les Anglais qui sont à Paris sont honteux de ce méprisable trick; tout le monde regarde ce fait comme un acte de mauvaise foi, et ici on rit un peu de l'embarras que cela va causer aux puissances du Nord, parce qu'il faut redresser cela, sous peine de voir recommencer toute la querelle, comme s'il n'y avait pas eu de traité du 15 juillet. En attendant, les Allemands grillent de voir finir l'isolement de la France, qui les force à des armements fort coûteux et la France ne se prêtera à aucun rapprochement, tant que subsistera le différend avec l'Égypte.

      «Et l'Amérique!.. Lady Palmerston m'écrit toutes les semaines et me dit dans sa dernière lettre: «Nous sommes très contents des nouvelles d'Amérique, tout cela s'arrangera»; c'est-à-dire que le pauvre Mac Leod sera pendu, et le territoire anglais sera envahi: si cela leur convient, à la bonne heure14. En Chine, les affaires anglaises vont aussi très mal.

      «Bresson retournera sûrement à Berlin. M. de Sainte-Aulaire arrive ces jours-ci. Il ira à Londres… mais!.. quand?.. Quand vous y enverrez un ambassadeur. Je ne sais qui aura Vienne.

      «Lord Beauvale a pris un accès de goutte pendant la bénédiction nuptiale15. Il a dit au prêtre de se dépêcher; on l'a ramené chez lui très malade; le lendemain, il était dans son lit, sa femme dînant sur une petite table à côté! Ils viendront à Paris en allant en Angleterre.

      «Adèle de Flahaut se meurt. Le père est comme un fou; la mère a le courage d'un homme.

      «Je me décide à vous envoyer la lettre même de lady Palmerston, pour que Pauline y lise des détails qui l'intéresseront.»

      Voici cette lettre de lady Palmerston à la Princesse: «Je viens vous annoncer le mariage de ma fille Fanny avec lord Jocelyn. C'est un charmant jeune homme de 28 ans, de belle figure, très gai, très dévoué, spirituel et aimable, et qui a voyagé dans toutes les parties du monde. Il revient en ce moment de la Chine, dont il donne des détails très intéressants. Nous sommes tous fort contents de ce mariage, qui est tout à fait un roman. Il a écrit sa proposition de Calcutta, il y a un an et demi, mais sans pouvoir attendre la réponse, étant obligé de partir pour Chusan; il a passé ainsi près de deux ans, ballotté entre la crainte et l'espérance, et il est arrivé à Liverpool sans savoir s'il ne la trouverait pas mariée à un autre, car dans les papiers anglais qu'il voyait parfois, il trouvait souvent l'annonce du mariage de Fanny avec d'autres. Le père de lord Jocelyn est lord Roden, grand tory, mais vous savez que c'est là une bagatelle qui ne nous inquiète pas, car le bonheur de Fanny est notre premier objet, et l'amour ne suit pas la politique; et puis, il n'est pas enragé comme son père, mais très raisonnable et sage dans ses idées.

      «Les nouvelles d'Amérique sont assez bonnes au fond; tout est clabaudage et affaire de parti; ceux qui sortent veulent rendre difficile la position de ceux qui entrent; c'est à peu près comme en Europe.»

      Je veux copier aujourd'hui une petite romance, composée par Henri IV et que j'ai trouvée dans les Mémoires de Sully. Elle me paraît pleine d'élégance et de charme, et plus gracieuse encore que Charmante Gabrielle.

      Viens, Aurore,

      Je t'implore,

      Je suis gai quand je te vois;

      La Bergère

      Qui m'est chère,

      Est vermeille comme toi.

      Elle est blonde,

      Sans seconde,

      Elle a la taille à la main;

      Sa prunelle

      Étincelle,

      Comme l'astre du matin,

      De rosée

      Arrosée.

      La rose a moins de fraîcheur;

      Une hermine

      Est moins fine;

      Le lys a moins de blancheur!

      Que c'est joli! Les lettres de Henri IV sont aussi charmantes. Enfin c'est lui, quand il est en scène, qui donne de l'intérêt à ce singulier ouvrage, le plus lourd, le plus diffus possible, mais néanmoins attachant pour qui y sait ramer avec patience.

      Rochecotte, 27 mars 1841.– On a écrit à mon gendre que le discours de M. Molé contre les fortifications n'avait pas répondu à l'attente générale; que celui de M. d'Alton-Shée, que l'on dit avoir été fait par M. Berryer, étincelait d'esprit et de bonnes moqueries, et avait charmé la Chambre des Pairs, tout aussi foncièrement contre la loi que l'était la Chambre des Députés; néanmoins, elle la votera probablement tout comme a fait l'autre.

      Rochecotte, 29 mars 1841.– Me voici dans ma dernière semaine de campagne. Elle va être remplie par mille affaires, rangements, comptabilité, ordres à laisser. Je regretterai beaucoup ma solitude, ma paix, l'ordre uniforme de mes journées, la simplicité de mes habitudes, l'activité efficace, sans fatigue et sans agitation, qui profite aux autres, et par conséquent à moi-même. Je ne suis pas sans inquiétude de quitter la retraite protectrice où je m'abritais pour remettre à la voile. La navigation du monde est la plus difficile, la plus orageuse, et je ne m'y sens plus du tout propre; je n'ai plus de pilote et je ne sais pas, à moi seule, conduire ma barque; j'ai toujours peur de me briser contre quelque écueil. Mes nombreuses expériences ne m'ont pas rendue habile, seulement elles m'ont mise en défiance de moi-même, et cela ne suffit pas pour faire bonne traversée!

      Rochecotte, 2 avril 1841.– J'ai vu, dans le journal, la mort de la vicomtesse d'Agoult, dame d'atours de Mme la Dauphine. Il me semble que la perte d'une amie si ancienne et si dévouée doit être, en exil surtout, un coup bien sensible pour cette Princesse, à laquelle pas un chagrin, pas une épreuve n'ont été épargnés.

      Rochecotte, 3 avril 1841.– Les journaux m'ont appris que l'amendement, qui aurait fait retourner la loi sur les fortifications à la Chambre des Députés, a été rejeté par les Pairs à une assez grande majorité, ce qui indique que la loi même sera adoptée. Le Château en sera ravi!

      La duchesse de Montmorency me mande que je retrouverai Paris occupé de magnétisme. Chacun a sa somnambule. On a de petites matinées ou soirées, pour voir les effets du somnambulisme. C'est Mme Jules de Contades, sœur de mon voisin, M. du Ponceau, qui a mis cela en vogue. Son frère, qui est depuis trois mois à Paris, y a fait venir une Angevine, qui est un sujet principal de magnétisme. Elle était chez lui à Benais16 l'automne dernier et le Dr Orye m'en a raconté des merveilles. Il était très incrédule, mais ce qu'il a vu de cette personne l'a fort ébranlé.

      Rochecotte, 4 avril 1841.– Décidément, voilà Paris embastillé. Le duc de Noailles m'écrit là-dessus une lettre très politique, probablement très judicieuse, mais qui m'a ennuyée. Il ajoute ceci: «Je vous dirai pour nouvelle, que la princesse de Lieven donne à dîner; elle a une très belle argenterie, de la vaisselle plate, et elle m'a engagé lundi dernier avec M. Guizot, Montrond, M. et Mme de La Redorte, M. Peel (frère de sir Robert Peel) et Mrs Peel. C'était le second dîner qu'elle donnait. Le premier avait été pour son Ambassadeur et sa nièce Apponyi. Elle a donné aussi une soirée à la Duchesse de Nassau, la veuve, fille du prince Paul de Wurtemberg, venue passer quinze jours à Paris pour voir son père, qui vient d'être à la mort et reste très menacé. La Duchesse de Nassau est sourde, mais agréable et gracieuse. Elle ne voulait pas aller aux Tuileries, son père l'y a obligée; toute la Famille Royale, excepté le Roi, est allée chez elle le lendemain. Elle a été СКАЧАТЬ



<p>14</p>

Pendant la rébellion du Canada, en 1837 et 1838, le vapeur Caroline avait été brûlé sur la rivière de Niagara, et M. Amos Durfee (Anglais) fut tué. M. Alexandre Mac Leod, citoyen des États-Unis, fut accusé d'avoir été le meurtrier, mais M. Gridley, juge à Utica, réussit à prouver son innocence.

<p>15</p>

Voir à la page 28 (26 février) l'annonce du mariage de lord Beauvale avec Mlle Maltzan.

<p>16</p>

Benais, château près de Rochecotte, appartenait alors à M. et Mme de Messine, parents de Mme du Ponceau.