Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ à l'aise. Comme les couples des deux bouts auraient eu trop d'espace à parcourir, chaque figure n'était répétée que deux fois au lieu de l'être quatre; ainsi, toujours en mouvement, sans repos, sans relâche, chaque contredanse se terminait par un galop général, sur l'air final joué seulement sur une mesure beaucoup plus vive. Cela a duré ainsi jusqu'à trois heures et demie du matin, dans une progression de mouvements et d'ardeur de danse à laquelle je ne croyais plus. La Reine s'est fort amusée; le Roi lui-même a paru prendre plaisir à toutes ces gaietés: il est resté jusqu'au souper, qui a été servi dans la galerie de Diane, sur de petites tables rondes, comme aux petits bals. Les Infants et Infantes d'Espagne étaient tous costumés, excepté cependant père et mère: celle-ci n'a dansé que l'anglaise qui a terminé le bal; elle avait pour cavalier un Incroyable de la Révolution. C'était… incroyable! Elle s'est cependant dispensée du dernier galop qui a mis fin à l'anglaise et qui a surpassé tous les autres. Le Prince de Joinville avait pour page le Duc de Nemours, qui a pris, toute la soirée, une part très joyeuse à toutes ces gaietés; il tâchait bien un peu d'imiter son frère, mais ce Prince de Joinville, si fou, en même temps si grave et si beau de figure, si plein de verve et d'originalité, est, de tous points, inimitable. J'ai oublié de vous citer M. et Mme de Chabannes; elle, en dame de la Cour de Charles IX; son costume, dessiné, disait-elle, par Paul Delaroche, était parfaitement exact et rigoureux, et la rendait parfaitement laide; lui, s'était enveloppé de la tête aux pieds de ces flots de mousseline blanche dont se revêtent les Arabes; ce n'était pas une imitation: costume, poignard, pistolet, de plus un énorme fusil, pris par lui à Blidah, Milianah, etc… tout cela venait d'Alger. Il était de service, et c'est dans cet équipage qu'il a précédé le Roi et la Reine, lorsqu'ils ont passé de leur appartement dans la salle de bal. J'ai trouvé que ce n'était pas celle de ses campagnes où il avait montré le moins de courage.

      «Le bal a eu un lendemain. Tous les costumés dansants et de bonne volonté se sont réunis chez M. de Lasalle, officier d'ordonnance du Roi, l'Incroyable de l'Infante, dont la femme avait un très riche costume dit Mademoiselle de Montpensier. Le Duc de Nemours, le Prince de Joinville et le Duc d'Aumale ont été à cette réunion improvisée, qui s'est prolongée jusqu'à cinq heures du matin, et qui a été, dit-on, prodigieusement gaie. C'était le Mardi-Gras: tout est permis ce jour-là. La matinée avait aussi voulu être amusante: Madame Adélaïde avait, comme de coutume, son déjeuner d'enfants. Le Roi et la Reine y vont toujours, ainsi que les Princesses. C'est au Palais-Royal, dans les appartements mêmes de Madame, que cela se passe. Plusieurs tables sont dressées dans trois pièces; la famille royale s'établit à une de ces tables, qui sont servies de toutes sortes de choses recherchées. C'est là, le grand divertissement. Madame y avait ajouté, cette année, un petit spectacle pour amuser le Roi: on jouait une pièce du théâtre des Variétés, le Chevalier du guet, qui a peut-être amusé le Roi, mais les enfants pas du tout; j'en suis garant: j'avais mes deux neveux, que Madame avait invités avec une obligeance qui ne m'avait pas permis de refuser; je suis restée là depuis trois heures jusqu'à sept, puis je suis encore retournée passer la soirée aux Tuileries, parce que j'étais de service, ce qui fait que, le mercredi des Cendres, j'étais morte de fatigue.

      «Pas un mot aujourd'hui des fortifications, ni des fonds secrets, quoiqu'à vrai dire, certains hommes d'État pourraient ne pas se trouver tout à fait déplacés au milieu des déguisements du Carnaval.»

      Rochecotte, 2 mars 1841.– M. de Valençay me mande qu'il a dîné hier jeudi chez le maréchal Soult, un grand dîner de quarante couverts. Les Ailesbury, les Seaford, lady Aldborough, les Brignole et Durazzo, les Francis Baring y assistaient. Mon fils était assis à table à côté de Francis Baring, homme d'un esprit agréable qu'il avait beaucoup vu chez M. de Talleyrand, surtout en Angleterre et qui semble avoir conservé de l'attachement pour sa mémoire. Ils ont beaucoup causé. Sir Francis lui a dit qu'un grand nombre de lettres de M. de Talleyrand lui avaient dernièrement passé par les mains, car il venait de parcourir et de mettre en ordre toute la correspondance de son beau-père, le duc de Bassano. Il a ajouté que son impression, après cette lecture, était de donner toute raison à mon oncle dans les différends qu'il a eus avec le duc de Bassano sur la politique de l'Empereur Napoléon. Dans le courant de cette conversation, Francis Baring a dit, comme un avis qui pourrait nous être utile, qu'un de ses amis est venu chez lui, il y a peu de temps, et lui a dit: «Vous ne savez pas que Thiers se vante d'avoir trouvé, en fouillant dans des papiers, des choses qui compromettent M. de Talleyrand dans l'affaire du duc d'Enghien.» Mon fils est entré alors dans quelques détails, pour démontrer à Baring que les renseignements prétendus trouvés par M. Thiers ne pouvaient être qu'erronés; que son oncle avait toujours ignoré les projets de l'Empereur, sa pensée secrète sur le duc d'Enghien, et tous ceux qui ont connu Napoléon ne s'en sont point étonnés.

      Je suis bien aise de savoir ce que M. Thiers se plaît à répandre, pour donner crédit à l'Histoire du Consulat et de l'Empire qu'il écrit en ce moment.

      Quand vous serez revenu de votre exil8, je vous prierai de demander à Francis Baring communication des lettres dont il a parlé à mon fils; ces pièces figureraient bien, ce me semble, dans notre grand ouvrage9.

      La discussion sur les fonds secrets s'est prolongée beaucoup plus qu'on ne s'y attendait. Le vote, du reste, n'est pas douteux.

      La nouvelle d'hier était la faible majorité du Ministère anglais sur le bill de lord Morpeth. Le chiffre de cinq est bien faible10. Indiquerait-il la chute prochaine du Cabinet?

      On ne peut pas dire encore quel sera le sort des fortifications de Paris à la Chambre des Pairs. Le duc de Broglie se montre des plus violents en faveur de cette loi.

      Les journaux apprennent le mariage du vieux Roi des Pays-Bas avec la comtesse d'Oultremont11. La tante du Roi de Prusse, la vieille électrice de Hesse, vient de mourir. La pauvre femme a eu une triste existence semée de bien d'épreuves et de traverses! Son vilain mari épouse cette dame avec laquelle je l'ai souvent rencontré à Bade.

      Rochecotte, 3 mars 1841.– Le duc de Noailles m'écrit que M. de Flahaut fait une cour assidue à M. Guizot, partout, et surtout chaque soir, chez Mme de Lieven, où ses prévenances commencent dès la porte. Bref, il lui paraît dévoué comme il l'était à M. Thiers; cependant, il n'aura Vienne que si Sainte-Aulaire va à Londres, et pour cela, il faut que M. de Broglie, qu'on presse d'accepter Londres, continue de s'y refuser.

      Le Duc mande encore que le Roi regarde la question des fortifications comme une question de paix et dit qu'il faut rendre les guerres plus difficiles pour les rendre plus rares; qu'il est bon que l'Allemagne se fortifie chez elle, et que nous nous fortifiions chez nous, parce qu'il faut arrêter notre fougue et élever mutuellement des obstacles qui empêchent de s'attaquer. Le duc d'Orléans, au contraire, prend la chose du côté révolutionnaire. Il dit que l'Europe ne s'arrangera jamais de sa dynastie, ni du principe de gouvernement qui a triomphé en 1830; qu'un jour ou l'autre, elle l'attaquera, et qu'il faut, dès aujourd'hui, préparer sa défense. Quant au duc de Noailles, il me paraît, lui, préparer un discours, auquel il met beaucoup de prétention.

      Rochecotte, 5 mars 1841.– Voici un passage d'une lettre que j'ai reçue, hier, de M. Molé: «La Coalition a rendu le bien désormais impossible; on ne peut plus exercer le pouvoir qu'au prix de concessions, que je ne ferai jamais; je regarde donc ma carrière politique, ou plutôt ministérielle, comme terminée. Quand les choses en vaudront la peine, je ferai mon devoir à la Chambre des Pairs; rien de plus, rien de moins; j'y suis irrévocablement décidé. L'aveuglement est partout, mais là surtout où il importait tant de trouver la clairvoyance. C'est ce qui me fait le plus redouter l'avenir. Je me le représente sous de sombres couleurs, et je vais jusqu'à craindre qu'il ne soit prochain.»

      M. СКАЧАТЬ



<p>8</p>

M. de Bacourt, à qui s'adressait cette lettre, était toujours ministre de France à Washington. On trouve ici l'explication du refroidissement qui est survenu dans les relations de la duchesse de Talleyrand et de M. Thiers.

<p>9</p>

Ce grand ouvrage consistait en la copie et le classement des papiers réunis sous le titre: Mémoires du prince de Talleyrand.

<p>10</p>

Le bill de l'inscription des électeurs en Irlande avait été proposé par lord Morpeth à la Chambre des Communes, où il trouvait une très considérable opposition.

<p>11</p>

Le 16 février 1841, le Roi Guillaume Ier des Pays-Bas avait épousé, morganatiquement, la comtesse d'Oultremont-Vegimont, après avoir abdiqué, en 1840, en faveur de son fils, le Roi Guillaume II.