Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 3 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ rel="nofollow" href="#n3" type="note">3. Je m'étais chargé de l'arrangement des lieux, et l'estrade placée au fond du salon faisait à merveille pour la musique et la déclamation. Les artistes musiciens ont exécuté admirablement. La petite Rachel est arrivée tard, parce que le comité du Théâtre Français l'avait, par méchanceté, forcée à jouer ce même jour Mithridate. Elle est venue à onze heures, avec une bonne grâce, un empressement et une abnégation de toute prétention qui ont charmé tout le monde; elle a fort bien dit le Songe d'Athalie et la scène avec Joas. Ce sera bien mieux encore sur le théâtre, les effets de scène étant perdus dans un salon. On a été également ravi de sa conversation et de ses manières. La recette a été excellente: 5000 francs; deux cents billets ont été envoyés, à 20 francs le billet, mais presque tout le monde a payé 40 francs, 50 francs et même 100 francs le billet. C'est une très jolie forme de quête. M. de Chateaubriand, qui se couche à neuf heures d'habitude, est resté jusqu'à minuit. M. de Lamartine y était aussi, et deux abbés pour caractériser le couvent: l'abbé Genoude et l'abbé Deguerry.»

      Le Duc s'est livré également à la politique et aux arts!

       Rochecotte, 12 février 1841.– Plusieurs journaux légitimistes ont publié de soi-disant lettres, écrites pendant l'émigration par le roi Louis-Philippe au marquis d'Entraigues, et une longue lettre écrite à feu M. de Talleyrand par le Roi, durant l'ambassade de Londres. Le Cabinet a trouvé qu'il fallait saisir les journaux, arrêter les gérants et porter devant les tribunaux une plainte en faux. J'ai fait demander le journal qui contenait la lettre prétendue écrite à M. de Talleyrand. Elle est absolument controuvée, j'en ai la conviction. M. Delessert, préfet de police, a fait prier mon fils, M. de Valençay, de m'écrire pour me demander: 1o si je savais qu'on eût volé des papiers à M. de Talleyrand à Londres; 2o si on avait pu lui en soustraire à Paris durant sa maladie et au moment de sa mort; et 3o enfin, si je connaissais une femme mêlée à toute cette affaire4, qui prétend avoir habité Valençay et même le Château; enfin, quels sont mes souvenirs et mon opinion sur toute cette histoire. J'ai causé de tout cela avec mon gendre; nous avons trouvé qu'il n'y avait pas moyen de refuser une réponse; je l'ai donc faite à M. de Valençay, en lui disant de lire ma lettre à M. Delessert, sans la lui laisser entre les mains. Je dis dans cette lettre que je n'ai jamais connu cette femme, ni n'ai entendu parler d'elle, ce qui est l'exacte vérité; que tous les papiers importants de M. de Talleyrand ayant été déposés par lui en pays étrangers, en lieux et mains sûrs qui rendent la violation de dépôt impossible, on n'aurait pu en trouver aucun chez lui à Paris, si même on avait cherché à en soustraire, ce dont je ne m'étais nullement aperçue; et qu'enfin tous mes souvenirs et toutes mes impressions se réunissent pour être convaincue de la fausseté de la lettre en question. En effet, c'est une très longue lettre sur les affaires européennes, qui n'a jamais été écrite par le Roi. D'ailleurs, jamais le Roi, ni Madame Adélaïde, n'ont manifesté, dans leurs lettres à M. de Talleyrand, les pensées, ni les opinions, ni les projets exposés dans cette lettre. Il paraît que l'abbé Genoude et M. de La Rochejaquelein, dans un voyage qu'ils ont fait en Angleterre, ont acheté de cette femme les soi-disant lettres du Roi, et qu'ils sont venus les publier en France, dupes de leur animosité et esprit de parti. Cependant, le tout est une affaire très désagréable pour le Roi, et le procès fort ennuyeux à suivre. Ces messieurs prétendaient avoir les originaux de la main du Roi; ce sont sans doute des pièces de faussaires, mais il est odieux d'avoir à le prouver.

      On publie aussi, dans les journaux légitimistes, des fragments de journal, ou plutôt des Mémoires de Mme de Feuchères; c'est d'une fausseté évidente pour moi qui n'ai pas ignoré les relations qui ont existé entre elle et la Famille Royale, et qui étaient fort différentes de ce que ces fragments les représentent. Sa famille et ses exécuteurs testamentaires ont fait publier une dénégation absolue de l'existence de ces prétendus Mémoires. Eh bien! les journaux légitimistes vont toujours leur train et continuent cette ridicule publication, et il y a des imbéciles ou des méchants qui veulent encore y croire.

       Rochecotte, 15 février 1841.– On m'a demandé quelle espèce de personne est Mme de Salvandy, qui correspond avec le ministre d'Autriche aux États-Unis. Elle s'appelle Mlle Ferey de son nom, elle est nièce des Oberkampf: cela tient aux toiles peintes de Jouy5; ce n'est pas une personne distinguée, cependant elle n'est pas vulgaire; elle n'est pas jolie, mais elle n'est pas laide; elle n'est pas aimable, mais elle n'est pas mal élevée; elle n'est pas spirituelle, mais elle n'est pas sotte; il me semble qu'après cela, on peut être bien convaincu qu'elle n'est pas une négation. Il est juste d'ajouter qu'elle est bonne fille, bonne femme et bonne mère; qu'elle ennuie son mari et qu'elle fatigue ses enfants, le tout à force d'être correcte; pour achever, c'est une protestante exacte au prêche, et qui ne se lasse pas de semer de petites Bibles françaises, en cachette de son mari, qui, lui, est très bon catholique.

      Voici le bulletin de ma correspondance, que j'ai trouvé ici hier en arrivant de Tours, où j'avais été passer quelques heures pour une loterie de charité:

      Mme de Lieven: «La passion des Tuileries pour les fortifications de Paris remonte, dit-on, à Dumouriez. On les veut, on les aura, car la Chambre des Pairs donnera, à ce qu'on croit, la majorité, malgré la conspiration Pasquier-Molé-Légitimiste. L'Angleterre va être obligée de faire des avances à la France, car le Parlement l'y pousse, et l'Autriche aussi. Malgré les succès extérieurs du Cabinet anglais, le Ministère s'affaiblit; on va jusqu'à dire qu'il croulera. Lord Palmerston seul est plein de confiance en sa fortune. Toute l'Europe montre une grande confiance à M. Guizot, surtout M. de Metternich qui ne lui demande qu'une chose, c'est de durer. Je le crois aussi solide qu'on peut l'être en France. Je crois que le projet sur Jérusalem ne tombera pas dans l'eau.»

      La duchesse de Montmorency: «Je vous ai mandé, il y a quelques jours, que Mgr Affre avait, dans un moment de mauvaise humeur, défendu au Chapitre de se rassembler, et qu'alors, celui-ci, pour suivre ses ordres dans toute leur rigueur, n'avait pas été lui souhaiter la bonne année, puisque, pour cela, il fallait se réunir. Tout cela a jeté dans le clergé un désordre qui, aujourd'hui, est au comble. Et voilà qu'aux Tuileries même, on commence à se repentir du triste choix qu'on a fait de M. Affre, car il a fait une scène violente à M. Guillon, évêque de Maroc, premier aumônier de la Reine et fort aimé au Château. Celui-ci, quoiqu'il eût été grand ennemi de Mgr de Quélen, a été se plaindre au Roi de Mgr Affre. Malheureusement, on ne peut le destituer. Il a fait quitter à M. de Courtier, curé très populaire des Missions étrangères, sa paroisse; celui-ci ne vit plus que de ses messes. Les chanoines de Notre-Dame ne disent plus la messe au maître-autel, parce que ce serait une façon de se rassembler; de même à matines et aux autres offices. C'est comme si la Cathédrale était en interdit. Mgr Affre est si violent, qu'ayant dicté d'étranges lettres à son secrétaire, jeune et innocent abbé, celui-ci s'est permis une observation; aussitôt il a été mis à la porte avec le bâton blanc. Comme c'est chrétien, pastoral, évangélique!

      «M. Demidoff a renvoyé le secrétaire, le maître d'hôtel et les domestiques qu'il avait ici. On ne le sait point encore arrivé en Russie, ni si l'Empereur Nicolas permettra à sa femme d'y entrer avec lui: on en doute.

      «Le duc Decazes a ses affaires dans un affreux désordre, ses gens le quittent; on le dit, du reste, fort malade.»

      M. Raullin: «Nous avons eu hier, à Notre-Dame, une prédication du Révérend Père Lacordaire, qui veut rétablir ou établir en France l'ordre des Dominicains, avec leur bel habit blanc. Tout Paris y est venu: l'église était comble. On a beaucoup dit, pour et contre ce sermon; c'était une prédication à la manière de Pierre l'Ermite prêchant la Croisade aux peuples, seulement la Croisade n'était contre personne, mais pour le catholicisme. C'était Rome et la France, marchant ensemble depuis Clovis à la conquête de la vraie liberté et de la civilisation. Il y avait, dans tout cela, un mélange de papauté et de СКАЧАТЬ



<p>4</p>

Cette femme, Eselina Vanayl de Yongh, était sous le nom d'Ida de Saint-Elme une aventurière célèbre; ces prétendues lettres de Louis-Philippe avaient été de toutes pièces fabriquées par elle.

<p>5</p>

Allusion à la manufacture de toiles peintes fondée au dix-huitième siècle par Oberkampf, à Jouy-en-Josas, en Seine-et-Oise, non loin de Versailles.