Victor, ou L'enfant de la forêt. Ducray-Duminil François Guillaume
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Victor, ou L'enfant de la forêt - Ducray-Duminil François Guillaume страница 14

СКАЧАТЬ effusion, puis il lui raconta ce qui venait de lui arriver dans la forêt. – Ma lettre est remise, interrompit le baron: tant mieux, nous attendrons maintenant l'effet qu'elle aura produit.

      Madame Wolf qui causait tous ces embarras, en parut pénétrée de douleur. Clémence, que l'absence de son amant avait également affligée, s'occupa du soin de consoler son ami. Toute cette famille passa une soirée tranquille, et fut goûter sans trouble, un repos dont elle avait besoin après tant d'agitations.

      CHAPITRE VII.

      TACTIQUE, EXPOSITION

      L'aurore avait à peine déchiré les voiles de la nuit pour tracer sa route du jour au père de la lumière, lorsque le baron de Fritzierne fit appeler Victor dans son appartement. Mon fils, lui dit-il, tu sais ce que je t'ai dit hier sur le caractère de Roger. Il est capable de tout, pour venir à bout d'enlever madame Wolf; il faut nous mettre sur la défensive, mon ami; il faut ne pas perdre un instant. Mon château est fortifié; j'ai des hommes, des armes et de la poudre; non-seulement nous sommes en état de faire une longue résistance, mais nous pouvons nous flatter encore de repousser les assiégeans les plus nombreux. C'est toi que je charge de l'expédition, mon ami, si toutefois Roger a l'imprudence de nous attaquer. Je suis âgé, moi, je n'ai plus ta force, ni ta souplesse, j'ordonnerai en dedans; je veillerai à ce que vous soyez bien servi, à ce qu'il ne vous manque rien; toi, tu commanderas notre petite troupe, et je ne crains rien, si tu sais unir la prudence à la valeur; car, mon fils, ce n'est pas tout que de savoir commander une armée, même la plus imposante, ce talent du général n'est pas seulement de remporter la victoire, il faut encore qu'il sache ménager le sang des hommes qu'il commande: c'est en épargnant la vie de ses soldats, en les exposant le moins possible, qu'il prouve un véritable talent. Eh! quels sont nos soldats à nous, dans cette occasion? tous gens utiles, qui font valoir nos terres, nos possessions. Je puis rassembler à-peu-près cent hommes dans tous ceux que j'emploie dans l'intérieur comme à l'extérieur de mon château. Leurs jours me sont tous précieux; et je t'en avertis, je crains leur valeur, je crains même leur témérité; tous me sont attachés, tous périraient pour moi. Il faut ici les guider, réprimer leur impétuosité, et les ménager sur-tout; ce sont presque tous des pères de famille, sages, vertueux et laborieux. Mon ami, nous triompherons sans doute; mais si nous succombons, si nous périssons dans cette entreprise, eh bien! nous mourrons pour avoir défendu la vertu, pour avoir combattu le crime. Ah, mon fils! comme cette mort est belle! comme elle est glorieuse!

      Victor presse la main du vieillard: Mon père, lui dit-il, s'il faut que je vous parle franchement, sans crainte d'être accusé de timidité, je ne pense pas moi, que Roger, ce chef prétendu si redoutable, commette l'inconséquence de nous attaquer dans un château-fort, pour ainsi dire inexpugnable. Je crains davantage ses ruses et ses hostilités sourdes: je crains, en un mot, la trahison, et envers vous et envers madame Wolf. Voilà je crois, les seules armes qu'il soit capable d'employer. Si nous faisons tant de préparatifs, il a des espions, soyez sûr qu'il a des espions, nous aurons l'air de le craindre, d'avoir peur de lui et de la troupe de bandits qu'il commande. – Tu crois que ses agens s'introduiraient jusqu'ici? – Je ne doute pas qu'il n'en soit déjà venu, ou que quelqu'un de vos gens vous trahisse. Comment aurait-il appris que madame Wolf est chez vous, que ce sont deux personnes attachées à vous qui ont secouru cette femme et son petit Hyacinthe? comment peut-il avoir découvert tout cela? – Ta remarque est juste. – Dans une maison comme la vôtre, aussi vaste, aussi habitée, il va et vient tant de monde, on saura que vous vous mettez en état de siége, il l'apprendra aussi-tôt que nous en aurons divulgué le projet; et, s'il ne prend pas les précautions pour doubler ses forces, pour se rendre plus redoutable, au moins sa vanité sera flattée de l'espèce de terreur, qu'il inspire; et il est humiliant d'être l'objet du mépris d'un pareil scélérat!..

      Fritzierne admire le jugement et la délicatesse de son fils adoptif. Celui-ci continue: Je pense donc, mon père, pardon si j'ouvre un autre avis que le vôtre… – Parle, parle. – Je crois donc qu'il vaut mieux laisser tous nos amis à leurs travaux, les prévenir seulement de se tenir prêts au moindre avertissement, préparer nos armes chez nous en silence, affecter, en un mot, la plus grande sécurité. – Charmant jeune homme!.. Oui c'est cela, voilà le parti qu'il faut prendre. Moi, vois-tu, j'ai été militaire, je n'ai jamais suivi les cours des grands; j'ai passé ma vie dans les camps, dans les combats; je voyais déjà dans cette affaire-ci un siége ouvert, une attaque dans les règles. J'oubliais que mes adversaires ne sont point des ennemis ordinaires, qu'il n'y a point de champ d'honneur avec eux. Que veux-tu, mon projet était celui d'un homme qui aime encore le métier des armes, et qui est plein des règles de la saine tactique. Ton avis vaut mieux; oh! il vaut bien mieux que le mien, je l'adopte. Ainsi, fais, agis, dispose, prends tes précautions dès ce moment; moi, comme je te l'ai dit, je vais passer la journée à visiter mon arsenal, mes armes, mes munitions de guerre, à mettre tout en ordre, afin que tout se trouve sous votre main au moment de l'attaque, si elle a lieu. Mon ami, ce Roger que tu ne crains pas, a déjà pillé, incendié des châteaux presque aussi forts que le mien. C'est un diable! cet homme-là; s'il eut été vertueux, il était digne d'être général d'armée. Oh! il ne faut pas s'aveugler sur le péril, quand on veut être sûr de le surmonter. – Vous avez raison, mon père: aussi je ne veux pas faire à vos yeux preuve de témérité; mais d'une prudence et d'un courage raisonnés. – Bien, bien, mon fils: allons, va, je te donne carte blanche; mais sur-tout rassure nos dames, qu'elles ne s'effraient point, et qu'elles ne viennent pas mêler à nos efforts guerriers, leurs cris, leurs larmes, ou leur évanouissement; car les femmes sont comme cela, je les connais. – Ne craignez rien, mon père; l'asyle que je leur prescrirai sera sûr, inviolable; elles ne pourront ni trembler, ni nous troubler.

      Victor quitte le vieillard pour aller donner des ordres, et commencer l'exécution de son projet. D'abord il va trouver séparément chacun des individus qui doivent composer sa petite garnison: tous lui jurent le secret et l'obéissance; il leur recommande aussi à tous de ne point quitter leurs travaux pendant la journée; mais de venir passer la nuit au château, et de se réunir au moindre signal. Il ne leur promet point de récompenses, mais des armes: c'est la seule promesse à laquelle ils soient sensibles. Cependant il ordonne à quelques-uns de se répandre, bien armés, dans la campagne, du côté de la Croix de Kingratz particulièrement, d'examiner tous les pas, toutes les démarches des gens de Roger. Comme les brigands n'en veulent qu'aux gens très-riches, très-bien vêtus, ces bons laboureurs ne craignent point d'être attaqués par eux. Ceux-ci partent pour leur mission, en promettant à Victor de l'avertir de temps en temps, s'ils découvrent quelque chose de nouveau; d'autres ont ordre de veiller, pendant le jour, à toutes les issues du château, d'examiner attentivement ceux qui entrent, ceux qui sortent, et d'arrêter indistinctement quiconque ferait même une question indiscrète. Victor, sûr que tous ses ordres seront suivis, revient trouver le baron dans son arsenal, et l'aide, avec Valentin et quelques domestiques affidés, à en retirer les canons, les mortiers, les boulets, les fusils, les pistolets, toutes les armes dont on peut avoir besoin. Le lecteur demandera sans doute si son bon Valentin est chargé de quelque ordre particulier? Il a une place superbe, Valentin, il est commandant en second. Quel honneur! comme il en est tout fier! au reste il a servi autrefois, Valentin; c'est un César pour la prudence, un Alexandre pour la valeur.

      Voilà donc toutes les précautions prises, et cela par un jeune homme de dix-huit ans, élevé, non au milieu d'un camp, comme son père adoptif, mais dans un cabinet, au milieu des livres et des instrumens de physique, de mathématiques, &c. Qu'il est aimable, mon Victor! qu'il est intéressant! peu de héros, dont jusqu'aujourd'hui j'ai entrepris l'histoire, m'ont touché comme ce jeune orphelin; peu ont autant mérité mon estime. Lolotte et son frère Fanfan sont intéressans; mais ce sont des enfans1. Alexis est un jeune homme bien infortuné; mais aussi il est trop susceptible, trop misanthrope2. Petit Jacques et Georgette ont de la grace, de la naïveté; mais ce sont aussi des enfans privés d'éducation, d'instruction3. СКАЧАТЬ



<p>1</p>

Lolotte et Fanfan.

<p>2</p>

Alexis, ou la Maisonnette dans les bois.

<p>3</p>

Petit-Jacques et Georgette, ou les Petits Montagnards Auvergnats, trois ouvrages du même auteur, qui se trouvent chez le même libraire.