Victor, ou L'enfant de la forêt. Ducray-Duminil François Guillaume
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СКАЧАТЬ par les images horribles qu'il m'a tracées; mais mon cœur bat moins violemment, mes sens se calment, et j'éprouve un mouvement de joie de me voir seul, hors des dangers que j'ai courus en songe. Pendant cette espèce de sommeil, l'orage s'était dissipé, le ciel s'était éclairci, la nature avait repris sa tranquillité première, et l'aurore annonçait déjà le retour du soleil. Il faisait assez clair pour que je pusse distinguer les objets qui m'environnaient. J'allais, par pure curiosité, parcourir la grotte qui venait de me servir d'asyle, lorsque j'apperçus à mes pieds une espèce de portefeuille fait en forme de tablettes. Je le prends, je l'examine extérieurement; et, bien persuadé qu'il ne m'appartient pas, je m'imagine qu'il a été perdu dans ce lieu par quelqu'un à qui, peut-être, il était d'une grande utilité. Quelle est ma surprise, en l'ouvrant, d'y trouver ces mots écrits avec un crayon, et qui semblent m'être adressés:

      «Homme infortuné, mais qui paraissez vertueux et sensible, lisez, et prononcez.

      »Le hasard m'a conduit dans cette grotte, où vous reposiez. Au milieu du songe qui vous agitait, vous avez laissé échapper quelques exclamations. Oui, disiez-vous, j'adopte le premier enfant qui s'offrira à mes regards; il sera mon fils, je le dois, j'en ai fait serment, rien ne pourra m'empêcher de le tenir… Homme généreux, venez donc au secours d'un malheureux enfant, d'une mère plus infortunée. Cette mère vous livrera son fils; mais promettez le secret, promettez de ne point vous informer de son nom, de celui de ses parens: qu'il vous suffise de savoir qu'il est né d'une Française et d'un Allemand. Adoptez-le, quelque danger que vous puissiez courir, et vous aurez secouru l'enfance, vous aurez soulagé le malheur…».

      »Frappé d'étonnement, j'interromps ici ma lecture pour regarder autour de moi, si je n'apperçois pas l'enfant qu'on recommande à mon humanité. Rien ne s'offre à mes regards, je ne vois rien, et je reprends les tablettes, où je lis:

      «Que ce papier, que je mouille de mes larmes en y traçant cette prière, devienne l'interprète de votre sensibilité. Écrivez-y vos réponses à toutes les questions que je vais vous faire.

      »Êtes-vous marié?

      »Êtes-vous père?

      »Êtes-vous bien né?

      »Votre asyle est-il éloigné?

      »Êtes-vous libre?

      »Êtes-vous assez intrépide pour courir cette étonnante aventure?

      »Assez discret pour garder le secret?

      »Pour ne faire nulle question?

      »Pour céder aux moindres vœux de la mère de l'enfant?

      »En un mot, peut-on compter avec vous sur toutes les vertus qui distinguent une belle ame, un grand cœur?

      »Voilà ce qu'on vous prie d'expliquer. Ne craignez rien d'ailleurs; vos jours, votre fortune seront plus en sûreté que jamais. Veuillez répondre, laisser les tablettes dans cette grotte, où l'on viendra les chercher; et demain, trouvez-vous ici seul, à minuit… on vous en dira davantage.

      »P. S. Homme sensible! la prière qu'on vous fait vous paraîtra singulière; mais comptez, si vous y cédez, sur la reconnaissance éternelle d'une femme, hélas! bien infortunée!.. eh! vous ne pouvez rejeter ses vœux, si vous avez connu le malheur!»

      »Vous jugez de ma surprise et de mon embarras. Quel était ce malheureux enfant qu'on abandonnait ainsi dans une forêt, à la merci d'un inconnu? Quels malheurs entouraient son berceau? On ne me parlait que de sa mère. Son père l'avait-il proscrit? Ce père inhumain était-il la cause de tant de précautions… Je vous l'avouerai, mes amis, toutes les loix qu'on me prescrivait me firent balancer un moment sur le parti que j'avais à prendre. Je craignais de trop m'exposer en souscrivant aux desirs de ceux qui m'écrivaient. Ce mystère étonnant, ce rendez-vous donné, au milieu de la nuit, dans une forêt infestée de brigands, tout me fit réfléchir quelques momens: mais bientôt mon indécision s'évanouit devant le serment que j'avais prononcé, et que je me rappelai. Il était sacré; il devait appaiser mes remords, calmer la colère des deux victimes à qui je l'avais fait. Cet enfant qu'on m'offrait devait remplacer celui de Cécile. J'avais juré d'adopter le premier qu'on me présenterait, quelque peine que j'en dusse éprouver, dans l'instant ou par la suite. Je ne songeais plus qu'à tenir mon serment. Courons cette aventure, me dis-je, j'en aurai la force; oui, j'aurai tous les sentimens qu'on exige de moi. Donnons un frère à ma fille, à Clémence, et servons l'humanité après l'avoir outragée en répandant le sang d'un homme plus à plaindre que coupable.

      »Me voilà décidé à surmonter tous les événemens, à braver tous les dangers. Je relis les tablettes mystérieuses, et, me servant du même crayon qu'on y a fixé, j'écris au bas cette réponse:

      «Je suis veuf, père d'une fille en bas âge. Mes biens sont considérables. Mon château est voisin de cette forêt. Personne ne peut m'empêcher de servir les infortunés, et je suis honnête homme. C'est dire assez que j'accepte les propositions qu'on me fait. Demain, à minuit, on peut me livrer l'enfant sans crainte; il trouvera chez moi, éducation, protection, toute la tendresse d'un père».

      »Je ne jugeai pas à propos de me faire connaître davantage, ni de signer cet écrit: la prudence exigeait cette précaution. Je remis les tablettes à la place indiquée, et je revins chez moi me reposer un peu des agitations dans lesquelles j'avais été plongé pendant cette nuit entière passée dans la forêt».

      IIe NUIT DE LA FORÊT

      «Vous vous doutez bien, mes amis, que pendant toute la journée je fis une foule de réflexions, qui toutes aboutirent à me confirmer dans le projet d'adopter l'enfant qu'une mère me confiait. Dans tous les temps, j'avais eu du goût pour les aventures extraordinaires. Celle-ci exigeait du courage, de la patience, c'était assez pour qu'elle me plût; j'étais d'ailleurs accablé de chagrins. En adoptant l'orphelin, je soulageais ma conscience, et je me donnais une consolation, un délassement au moins pour le moment. Les soins que je devais donner à mon fils adoptif pouvaient me distraire de ma noire mélancolie. Je verrai, me disais-je, en lui le fils de Cécile, et je croirai Cécile vengée.

      »Après m'être bien affermi dans l'entreprise que je formais, j'attendis le soir avec une espèce d'impatience. Elle arriva enfin cette soirée, qui devait m'enchaîner pour long-temps à l'enfance; au malheur! Je sortis de chez moi à mon heure ordinaire, vers onze heures; mais pour cette fois, je m'armai; je pris une paire de pistolets à ma ceinture, et mon sabre sous le bras. Cette précaution était nécessaire; on pouvait m'entraîner dans un piége; les brigands de la forêt pouvaient m'attaquer; je pouvais enfin trouver l'occasion d'opposer de la résistance, soit en protégeant la mère et l'enfant, soit en me défendant moi-même. Je partis donc bien armé, et, après avoir marché pendant plus d'une heure dans les longs détours de la forêt, je retrouvai ma grotte chérie, celle qui m'avait préservé de l'orage, celle qui m'avait offert les moyens de faire une bonne action. Il faisait très-nuit; cependant il était impossible de distinguer les objets, et je n'avais point fait la réflexion qu'il me serait difficile de trouver l'enfant qu'on devait exposer dans la grotte. D'ailleurs si l'on avait écrit de nouveau sur les tablettes, pouvais-je en distinguer les caractères? Cette réflexion m'alarma, et je me repentis de n'avoir point apporté une lanterne sourde. J'étais arrivé à la grotte, dont la veille j'avais bien remarqué la situation; mais devais-je y entrer sans craindre de fouler aux pieds, d'écraser peut-être l'innocente créature qu'on y avait sans doute déposée! Tout mon sang se glaça à cette idée; et j'allais me disposer à attendre le jour à la porte de la grotte, lorsque je crus appercevoir de la clarté dans le fond de cette espèce de souterrain. Je ne me trompe point; c'est une lumière éloignée, СКАЧАТЬ