Victor, ou L'enfant de la forêt. Ducray-Duminil François Guillaume
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СКАЧАТЬ peu à rendre le calme à ses sens. Elle recouvre bientôt l'usage de sa raison, et réclame l'indulgence de ses amis, pour l'effroi qu'elle vient de leur causer. Tous s'empressent autour d'elle, tous lui jurent de mourir plutôt que de la livrer à son bourreau. Cette femme intéressante baigne de larmes les mains de ceux qui lui témoignent tant d'attachement; elle leur prodigue les noms les plus doux. Un jour, leur dit-elle, un jour, vous saurez peut-être, vous connaîtrez les événemens les plus extraordinaires… Ils étaient faits pour moi; mais ne l'espérez pas, ne l'espérez pas de si-tôt, cet aveu déchirant. Une… circonstance seule, mais bien bizarre… un rapprochement singulier, que m'a fait naître l'aveu que Clémence vous a fait de son amour… si le hasard permettait que mes idées… mais non, non, ne vous en flattez pas: c'est une erreur, une illusion, un jeu de l'imagination… Attendez tout du temps et de la loi impérieuse des événemens.

      Ce discours, presqu'inintelligible parut tellement dépourvu de bon sens à nos trois amis, qu'ils craignirent pour la raison de madame Wolf: le coup qui venait de la frapper était si violent, qu'il pouvait avoir dérangé son cerveau, et troublé ses sens. Clémence l'engagea à rentrer chez elle, à prendre quelques momens de repos; elle y consentit, après avoir imploré de nouveau la générosité, la pitié, la protection du baron de Fritzierne, qui lui promit, de ne jamais l'abandonner.

      Quand toutes deux se furent retirées, le baron et Victor, que cette scène avait singulièrement émus, s'entretinrent long-temps, et des menaces de Roger, et des moyens qu'ils devaient prendre pour en prévenir les effets. Quand leur résolution fut bien prise, Fritzierne écrivit ce peu de mots, en réponse à la lettre insolente du chef des brigands:

      «Roger, je ne suis point accoutumé à craindre l'arrogance, tu dois le savoir. La femme que tu réclames est chez moi; elle n'en sortira pas: ose venir l'y chercher toi-même; mais tremble d'y trouver la punition de tes forfaits. Alexandre Bolosqui, baron de Fritzierne».

      Cette lettre écrite, il s'agissait de la faire remettre au chef des indépendans d'une manière sûre, et sans craindre de compromettre la vie du porteur. C'est Victor, qui se charge de ce soin, malgré les instances du bon père qui voudrait la confier à quelques-uns de ses gens. Victor, l'intrépide Victor prie le baron de lui permettre de porter cette lettre à l'avant-poste des brigands. Fritzierne craint à juste titre la mauvaise foi de ces scélérats. Rien n'effraie Victor: il promet d'être rentré avant la fin du jour, et part sur-le-champ, après s'être armé de sabre et de pistolets. Dès qu'il est parti, le baron sent l'imprudence qu'il vient de commettre, en exposant ainsi les jours de son jeune ami; mais il le connaît prudent, en même temps qu'il le sait ferme et courageux. Le baron va trouver sa fille, madame Wolf, et, sans leur faire partager ses inquiétudes, il leur promet qu'avant peu ils reverront leur bien-aimé, et se console avec elles des tracasseries de la journée. Suivons Victor, et voyons comment il va s'acquitter de la mission délicate dont il est chargé.

      Victor marche pendant plus de deux heures avant de pouvoir découvrir le carrefour de la forêt de Kingratz, où il doit trouver l'avant-poste des brigands. Son ame est tranquille, quoiqu'il ait lieu d'appréhender quelque trahison de la part de ces scélérats. Au surplus, se dit-il, c'est moi qui ai introduit chez moi, qui ai introduit chez mon père cette madame Wolf, aujourd'hui l'auteur de tout ce désordre, c'est moi seul qui dois en supporter les dangers, s'il y en a, et ne pas sacrifier des serviteurs, ni d'autres innocens, pour une faute que j'ai commise; car si le séjour de madame Wolf doit troubler le repos de mon père et de ma Clémence, c'est une imprudence à moi de leur avoir fait connaître cette infortunée. Quelle que soit l'issue de l'événement d'aujourd'hui, cela va toujours reculer ma félicité; car j'épouserai Clémence, je n'en puis plus douter, je l'épouserai: quel bonheur! quel heureux changement!.. et sur-tout quel homme, quel homme respectable que le baron de Fritzierne!.. Ô Victor, hâte-toi de servir l'amitié, pour revenir bien vîte goûter le repos, partager les douces effusions de l'amour et de la nature!..

      En réfléchissant ainsi, Victor s'avance dans la forêt, et ne doute pas qu'il soit près du lieu que Roger indique dans sa lettre, qu'il a sur lui. Quelques coups de sifflet qu'il entend le confirment dans cette idée, et troublent légèrement sa fermeté. Bientôt cinq à six hommes, d'un extérieur effrayant, se présentent à lui… Victor est bien armé; mais il est vêtu assez simplement pour ne point réveiller la cupidité de ces scélérats: il marche droit vers eux. Ils se regardent, et ne savent si c'est pour les combattre qu'un seul homme a l'intrépidité de les aborder. N'approche pas, lui crie l'un d'eux, ou tu es mort. – J'approcherai, leur répond doucement Victor; c'est sur la foi des traités que je viens vous rendre une réponse, que vous attendez sans doute. – Que veut-il dire? – Est-ce ici le premier poste de la troupe des indépendans? – Oui. – Eh bien! je vous demande votre parole d'honneur que vous respecterez la mission dont je suis chargé, et que vous n'attenterez ni à ma vie, ni à ma liberté. – Plaisant langage… n'importe, tu peux parler. – En sûreté? – En sûreté. – Vous êtes les compagnons de Roger? – Et ses amis. – Je n'en doute point. Remettez-lui donc sur-le-champ cette lettre; et dites-lui que c'est la réponse à celle qu'il a envoyée, hier à minuit, au château de Fritzierne. – Ah! ah!.. et cette femme? – Remettez-lui, vous dis-je, cette lettre; elle répond à tout. – Camarades, regardez donc comme il ressemble à notre capitaine? – En vérité (dit un autre brigand) c'est tout son portrait. – (Le premier.) Il est gentil! (Le second.) C'est un enfant. – (Un troisième.) Si nous le gardions ici pour en faire un élève? – (Un quatrième.) Non, non; point de violence dans ce cas-ci, mes amis: c'est un ambassadeur du très-grand seigneur, monseigneur le baron de Fritzierne; il faut le laisser aller. – (Le premier.) Sans doute, et le droit des gens donc. – (Le second.) D'ailleurs Roger se fâcherait; il est pour les procédés, lui. – (Tous deux.) Ah, ah, ah, ah!.. (Le premier.) Allons, c'est bon, donne-nous ta lettre, et va-t-en… à moins que tu ne veuilles parler toi-même à notre commandant? – Je n'ai rien à lui dire, répond fièrement Victor!..

      Il leur remet la lettre, et s'éloigne sans affectation, comme un homme qui ne craint rien. Cependant, quand il est tout-à-fait hors de la vue des voleurs, il presse sa marche; son cœur bat plus violemment, et il remercie la providence d'avoir permis qu'il échappât à un péril si grand, si certain même; car quoique Roger aime les procédés, comment se fier aux procédés d'une troupe de scélérats sans ame, sans principes, comme sans délicatesse… Victor fait cette réflexion, et il frémit.

      Enfin il a repris sa route, qu'il suit avec plus de précipitation. Il va retrouver tout ce qu'il aime, Victor; il faut qu'il se hâte de dissiper l'inquiétude à laquelle, sans doute, on est livré sur son compte. Comme il jouit, comme il jouit en pensant au hasard singulier qui l'a empêché de fuir, de s'éloigner pour jamais du bonheur dont il n'entrevoyait pas l'aurore, qu'il ne croyait pas si près de lui! C'est pourtant à sa vertu, à sa tendresse pour son bienfaiteur, qu'il doit son retour; ah! c'est à son retour qu'il doit la certitude d'être bientôt uni à l'objet de son amour! Oh! oui, se dit-il, la vertu seule est la base du bonheur. Elle maîtrise le hasard lui-même; elle est au-dessus de tous les coups du sort. Clémence! tu as tout dit à ton père; il approuve nos feux; nous serons heureux, nous le serons. Ô Clémence! quel bonheur que j'aie formé le projet de fuir, et que ce projet n'ait pas réussi!..

      Victor arrive bientôt au château, où il est attendu avec impatience: Victor est abattu par la fatigue; mais il recouvre ses forces pour embrasser tous ses amis que le but de son voyage a plongés dans la consternation. Tu as réussi, lui dit Fritzierne, je le vois; mais une autre fois je ne céderai pas aussi promptement à tes prières, je me méfierai de ton âge et de ta valeur. Tu ne saurais croire, mon fils, combien je me suis repenti de t'avoir laissé partir avec une mission aussi délicate. À ton âge j'en aurais fait autant que toi; mais au mien, je sens que c'est une imprudence, une très-haute imprudence, et que je n'aurais pas dû y prêter les mains. Enfin c'est fait, te voilà, nous te serrons dans nos bras, et nous oublions le danger que tu as couru pour ne jouir que du bonheur de te revoir.

      Le СКАЧАТЬ