Victor, ou L'enfant de la forêt. Ducray-Duminil François Guillaume
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СКАЧАТЬ ce n'est pas moi qui lui écris. – Eh! qui donc? – Un homme puissant, un homme dont la seule menace est un arrêt de mort; un homme enfin… à qui le vieux baron doit une satisfaction… dont ses jours répondent. – Grand Dieu!.. il est dans le danger, et j'allais, j'allais l'abandonner!.. Mais c'est un outrage qu'on lui fait; mon père est vertueux, il ne peut avoir offensé personne… Toi, qui t'es chargé d'un pareil message, si je savais que ton sang pût effacer la honte du soupçon seul que tu jettes sur le plus respectable des hommes, mon bras… – Eh! l'ami, n'approche pas, je suis mieux armé que toi. Vois ces sabres, ces pistolets, ces poignards… – Qui donc es-tu? – La lettre te le dira. Adieu: fais ma commission, ou… tu es perdu toi même.

      À ces mots l'inconnu s'éloigne, laissant Victor pétrifié d'une pareille rencontre. Il tient la lettre, Victor; de cette lettre dépend le sort de son bienfaiteur; on le lui assure… Que fera-t-il, Victor?.. suivra-t-il son premier dessein, ou rentrera-t-il au château? Il rentrera, il rentrera; Victor ne peut balancer. Cette lettre doit lui sauver la vie, a dit l'inconnu. Victor pénétré d'une terreur qui fait dresser ses cheveux, quitte ce lieu, témoin de ses tendres adieux. Il ne court pas, il vole vers la petite porte qu'il a laissée ouverte, et par laquelle il ne voit pas encore venir son cher Valentin… Victor, en reprenant le chemin du château, sent son cœur battre violemment. Une joie excessive succède à sa frayeur; il revoit avec ivresse les murs de ce château qu'il allait quitter: on dirait qu'après l'en avoir chassé, on vient de lui rendre la permission d'y rentrer, tant il éprouve de plaisir à remonter chez lui. Pauvre Victor! tu n'attribues ces sensations qu'à l'espoir qui t'anime de rendre un service signalé à ton père adoptif; et moi, Victor, et moi, je crois que ton amour et le desir de revoir Clémence, entrent pour beaucoup dans cette joie naïve qui te transporte. Je suis ton historien, Victor, et je dois compte à mes lecteurs des moindres mouvemens de ton cœur.

      En remontant dans son appartement, Victor rencontre Valentin, qui se rend tristement à la petite porte. Eh quoi! monsieur, vous voilà! vous vous impatientiez? – Tu as été bien long-temps, Valentin? – C'est vrai, monsieur; c'est que monsieur le baron ne pouvait pas s'endormir, et qu'il causait avec moi. Il a souvent la bonté de me parler comme à son ami. C'est qu'il me raconte des histoires plus drôles!.. Et puis il me fait jaser sur la France, mon pays: cela l'amuse, ce bon vieillard!.. Eh bien! monsieur, partons, me voilà prêt. – Valentin, nous ne partons pas. – Non, monsieur! oh! tant mieux!.. Eh! pourquoi donc, s'il vous plaît? – Tu le sauras. Vîte de la lumière chez moi. – Quel bonheur! quel changement! Tenez, je vous l'avoue à présent, monsieur; mais j'avais, là, un étouffement. – Dépêche-toi donc. – Sérieusement, nous restons?.. – Nous restons pour cette nuit du moins. – Pour toujours, monsieur, pour toujours; il faudra bien que tout s'arrange pour cela. – Que veux-tu dire? – Je m'entends, il suffit.

      Victor et Valentin rentrent chez eux; les paquets sont défaits; tout est remis en place, comme si l'on n'avait rien, dérangé, afin qu'on ne s'apperçoive pas de la moindre trace d'un projet de fuite qui aurait consterné toute la maison. Ensuite Victor raconte à Valentin ce qui lui est arrivé, et les propos étranges que lui a tenus l'inconnu, en le chargeant de remettre une lettre à M. de Fritzierne. Le bon Valentin ouvre de grands yeux à ce récit; il ne peut concevoir ce que cela veut dire. Je t'aurais bien engagé, ajoute Victor, à rendre toi-même cette lettre à mon père demain matin: tu serais venu me rejoindre ensuite à un endroit indiqué; mais, outre que cette marche t'aurait exposé à des questions sur mon compte, je me serais reproché le double désespoir où ma fuite, et ce que peut contenir cette lettre, auraient plongé tous ceux qui me sont chers. D'ailleurs, Valentin, les jours de mon père sont menacés, on lui demande une réparation; quel que soit le mot de cette énigme, je dois le secourir, le consoler; oui, je lui dois ma vie, mon bras, tout, toute mon existence. Ah! Valentin!.. et je fuyais!.. et cette lettre serait peut-être venue demain lui percer le cœur une seconde fois: il aurait appelé Victor, Victor n'aurait plus été là!.. Comme il m'aurait accusé d'ingratitude, de cruauté même!.. Ah! Valentin, à quel danger je viens d'échapper! Qu'il soit enseveli, qu'il le soit, ce projet coupable, insensé, formé dans mon sein au moment même où ceux à qui je dois tout ont le plus besoin de ma tendresse. Valentin, ta parole que jamais tu ne parleras… – Je vous la donne, monsieur; mais cette lettre que vous avez écrite à M. de Fritzierne, que j'ai laissée sur sa table?.. – Il ne la lira pas. Dès que le petit jour paraîtra, avant qu'il se lève, tu t'introduiras chez lui, tu soustrairas ce fatal billet adroitement, sous prétexte, s'il t'apperçoit, d'avoir oublié ce soir un objet utile. Prends bien garde à l'importance de la commission dont je te charge. Pour que n'y manques pas, je ne veux pas que tu te couches; tu resteras là toute la nuit à côté de moi; nous converserons ensemble, et quand je croirai le moment favorable, je t'enverrai chez mon père. – C'est très-facile ça, monsieur. Il vous aime tant, ce respectable vieillard! Là, tout-à-l'heure encore il me parlait de vous, il me disait… – Il te disait?.. – Ah! c'est que je lui disais que j'étais français, moi. Ton maître est né d'une Française, qu'il me disait. – D'une Française!.. – Puis il ajoutait: «J'aime les Français, moi; ils sont bons, confians, généreux, sensibles. Ton maître, un jour il sera heureux; je lui ménage un sort digne d'envie, et auquel il ne s'attend pas». Voilà comme il parlait de vous ce brave homme. Tenez! monsieur, je n'ai qu'un gros bon sens, moi, mais je parie que ce sort brillant qu'il vous destine, est la main de sa fille.

      Victor ne partage point l'espoir dont le flatte son bon Valentin; il secoue la tête avec l'air de la défiance; puis il fixe la lettre qu'il a entre les mains, et cherche à deviner ce qu'elle contient, de quelle part elle peut venir. Cet homme, de qui il la tient, cet homme a des manières brusques; un son de voix rauque, un langage rustique… c'est un secret que cette fatale lettre: Il faut qu'il la reçoive, s'il ne veut périr… Grand Dieu! comme la nuit est longue au gré de Victor!.. Comme il brûle d'aborder son père, qui lui confiera sans doute cet étrange secret! Tous deux prendront des mesures… Comme Victor serait heureux, s'il pouvait rendre, en cette occasion, un service signalé à son père, lui sauver la vie, l'honneur peut-être!.. comme il serait heureux!

      Comme mon lecteur partage sans doute l'impatience de Victor, et que d'ailleurs je ne veux pas lui faire passer la nuit entière avec l'amant de Clémence et son Valentin, je lui dirai, pour abréger, que vers deux heures du matin, Victor, abattu par les fatigues qu'avait éprouvées son esprit, s'endormit profondément, les coudes appuyés sur une table. Valentin, qui se serait tenu volontiers éveillé, s'il eût pu raconter quelques histoires de son pays, regarda son maître avec envie, se frotta les yeux, et ne tarda pas à suivre son exemple, à ronfler autant que le lui permirent sa jeunesse, sa force et sa santé. Tous deux oublièrent l'heure prescrite et favorable pour retirer le billet des mains du baron avant qu'il ait eu le temps de le lire. Ce ne fut qu'à neuf heures du matin que, confus, désespérés, Victor et Valentin se réveillèrent. Pendant leur sommeil, trop prolongé, il s'était passé bien des choses que nous allons connaître dans le chapitre suivant.

      CHAPITRE V.

      ON CROIT TOUCHER AU DÉNOUEMENT

      M. de Fritzierne s'était levé à son heure ordinaire, à six heures; il faisait déjà quelques tours dans son appartement, lorsqu'il vit entrer sa fille Clémence, échevelée, dans un état de pâleur et d'affaissement qui l'effraya… Eh, bon Dieu! mon enfant, qu'as-tu, qu'as-tu donc…?.. – Mon père, il est parti!.. il nous fuit!.. – Il nous fuit? qui?.. – L'ami de mon cœur, mon frère adoptif, mon amant!.. – Victor? – Oui, mon père, Victor est parti cette nuit; il s'est éloigné pour jamais de ces lieux. – Est-il possible!.. Mais, non, tu t'abuses; Victor ne peut être un ingrat. – Il l'est, mon père; il est plus, il est barbare, inhumain, sans foi, sans probité… – Tu me diras peut-être…

      Fritzierne est interrompu par madame Wolf qui entre tristement, et confirme au bon père la nouvelle que vient de lui apprendre Clémence. Fritzierne demande des détails; sa fille les lui donne en ces termes:

      «J'étais СКАЧАТЬ