Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4). Dorothée Dino
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4) - Dorothée Dino страница 4

Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ qu'il ne recevrait leur démission que quand un autre Cabinet serait formé; 2o que la majorité de la Chambre n'ayant été qu'accidentellement contre eux, et que leur système étant celui de la Chambre, quand bien même tous les individus qui composent le Cabinet ne plairaient pas à la Chambre, il serait, lui, charmé qu'ils restassent tous, mais que, s'ils croyaient qu'il y avait parmi eux quelques membres qui continueraient à tenir la Chambre en irritation, il les priait de se consulter et de lui dire ensuite sur quoi il pouvait compter. M. de Broglie a dit qu'il fallait que le Roi essayât du tiers-parti; à cela, le Roi a répondu: «Il peut vous amuser, Monsieur, de constater une fois de plus l'impuissance de ce tiers-parti, mais il ne m'amuse pas, moi, d'en faire le pitoyable essai; j'en ai assez des Ministères de trois jours: ce n'est ni dans le tiers-parti, ni dans la gauche qu'est la majorité, c'est avec vous, Messieurs; si ce n'est avec tous, du moins avec quelques-uns. Vos arrangements et engagements réciproques les uns avec les autres doivent se rompre devant l'importance et la gravité des circonstances, je l'attends de votre honnêteté, de votre désir du bien général; quant à moi, Messieurs, je reste les bras croisés et je vais me promener à Saint-Cloud.» MM. de Broglie et Guizot ont répliqué qu'aucun des membres du Cabinet n'avait précisément des engagements, mais que chacun avait des convenances personnelles auxquelles il était juste de tenir. Cette réponse était fort déplacée dans un semblable moment, surtout de la part du premier qui, par un mot, déliait le nœud gordien et simplifiait la position! Personne ne sait comment cela finira, à moins que ce ne soit comme M. Royer-Collard l'a prédit à M. Thiers, vendredi dernier: «Vous n'êtes pas possible aujourd'hui; mais dans huit jours, vous serez nécessaire, indispensable, absolu!»

      M. de Talleyrand et moi avons été hier chez la Reine. Le deuil de la Reine de Naples, le procès Fieschi, la crise ministérielle avaient éloigné du Château tout plaisir du carnaval; on y était fort sérieux. Le Roi, absorbé par la perspective du supplice des condamnés de la veille, n'avait pas osé sortir, parce qu'il se savait guetté par Mme Pépin et ses enfants. Le Château était vraiment lugubre et faisait un pénible contraste avec la joie bruyante des rues. M. Pasquier est venu dire au Roi que Pépin avait demandé à le voir ce matin, ce qui ferait remettre l'exécution à demain.

      Avant de rentrer, j'ai été passer une demi-heure chez Mme de Lieven, où il n'y avait que lady Charlotte Granville et M. Berryer, qui disait que, lorsqu'on ne savait rien, on était le maître de dire tout ce qu'on voulait, et qu'il ne craignait pas d'affirmer que Thiers était la seule combinaison possible et qui trouverait faveur dans la Chambre.

      Paris, 19 février 1836.– J'ai eu, hier matin, la visite de M. Thiers, qui avait décidément accepté la mission de former un Ministère et de le présider. Il comptait employer le reste de la journée à compléter le Cabinet. Il a trop d'esprit pour ne pas sentir les difficultés de sa nouvelle position, et trop de courage, ou d'aveuglement, pour en être effrayé. M. Molé a manqué son élection académique; c'est une mauvaise semaine pour lui.

      Paris, 20 février 1836.– Voici les paroles textuelles écrites par le Roi au-dessus de la signature qu'il a été obligé d'apposer à l'arrêt de mort de Fieschi, Pépin, Morey, etc.: «Ce n'est que le sentiment d'un grand devoir qui me détermine à donner une approbation qui est un des actes les plus pénibles de ma vie; cependant, j'entends qu'en considération de la franchise des aveux de Fieschi, et de sa conduite pendant le procès, il lui soit fait remise de la partie accessoire de la peine, et je regrette profondément que plus ne me soit pas permis par ma conscience.»

      Paris, 21 février 1836.– M. Thiers éprouve des difficultés dans la combinaison du Ministère dont il est chargé; chacun veut bien aller avec lui et sous lui, mais ils ne veulent pas aller ensemble les uns avec les autres. Il faut cependant tenir à ce que la composition de ce Cabinet soit un peu forte et ait bonne façon! Tout est difficile, même pour les gens supérieurs.

      Paris, 22 février 1836.– M. de Talleyrand est de très mauvaise humeur: tous les journaux, tout le public le chargent de la responsabilité du nouveau Ministère, qui est enfin dans le Moniteur de ce matin12. Il n'y a cependant pris aucune part; et comme l'éclatante élévation de M. Thiers ne plaît pas à tout le monde, et que les Anglais surtout jettent feu et flammes, il en résulte que M. de Talleyrand est en grande humeur de tout ce qui lui revient à ce sujet, qu'il a une reprise de colère contre Paris, contre son âge, sa position, et des regrets plus vifs d'avoir quitté Londres.

      Paris, 23 février 1836.– En rentrant, hier, chez moi, à la fin de la matinée, j'ai trouvé à ma porte M. Berryer qui venait de la Chambre des Députés où M. Thiers avait parlé. Berryer fait beaucoup de cas du talent, de l'esprit et de la capacité de Thiers; il a, lui, Berryer, l'esprit le plus libre, le plus impartial, le plus simple possible; il n'a aucune recherche, aucune affectation, aucune violence; il n'est pas à croire qu'il soit homme de parti; aussi, dans mon opinion, l'est-il on ne saurait moins et ne demanderait-il peut-être pas mieux de ne plus l'être du tout. La facilité, la rapidité, la douceur, la simplicité de sa conversation ont un mérite d'autant plus grand qu'elles contrastent avec sa profession et sa position. L'équité de ses jugements et la bienveillance qui les caractérise le plus souvent, sont ce qui donne de la confiance dans ses opinions et ses récits.

      La Chambre a reçu, avec une froideur marquée, le discours de Thiers, et je considère cela comme heureux pour lui, car il serait à craindre qu'il ne se perdît par de l'enivrement, et ce qui l'en garera ne saurait que lui être bon et utile.

      Paris, 24 février 1836.– M. Molé a dîné hier ici; il y a un peu de froideur et de désappointement sur sa figure. Il n'a pas voulu marcher ministériellement avec M. Dupin, c'est ce qui a fait que celui-ci, qui dispose de quelques voix à l'Académie française, les lui a retirées et a, ainsi, fait manquer son élection, disant à cette occasion: «M. Molé n'ayant pas voulu être mon collègue, il ne me plaît pas d'être son confrère.»

      Paris va devenir de plus en plus difficile à habiter, car, outre les deux grandes divisions dynastiques qui séparent la société, nous aurons maintenant toutes les fractions que les ambitions déçues ont produites: fraction Molé, fraction Broglie, fraction Guizot, fraction Dupin, et, enfin, fraction Thiers. Et tout cela aussi aigre et aussi hostile les uns contre les autres que le sont les légitimistes contre le juste milieu au moins. Toutes ces fractions ne se confondent nullement dans un centre commun, comme pourrait et devrait être le Château; au contraire, les uns s'en prennent au Roi, les autres à notre maison. On se déteste, on se déchire, personne ne fait de retour sur soi-même et ne s'aperçoit que chacun a fait des fautes, et que ce n'est pas hors de soi qu'il faut chercher des coupables. Quel étrange aveuglement et quelle mauvaise foi ont les hommes, surtout ceux qui sont mêlés aux affaires et aux intérêts du monde!

      Paris, 4 mars 1836.– M. Mignet racontait, hier, chez M. de Talleyrand, que Marchand, l'ancien valet de chambre de l'Empereur, allait publier des commentaires sur les Commentaires de César, que Napoléon lui a dictés dans les dernières semaines de sa vie à Sainte-Hélène. Marchand a beaucoup parlé à M. Mignet des derniers moments de Napoléon, de son isolement, du vide de sa vie, et il en donnait pour preuve qu'un soir, l'Empereur, déjà fort souffrant, étant couché, lui dit en lui montrant le pied de son lit: «Marchand, assieds-toi là et conte-moi quelque chose.» Marchand lui dit: «Eh! mon Dieu, Sire, que puis-je vous dire, à vous qui avez tant fait et tant vu? – Raconte-moi ta jeunesse, ce sera simple, ce sera vrai, et cela m'intéressera», reprit l'Empereur… Ce petit dialogue paraît bien pathétique! Et Bossuet, qui, dans son Oraison funèbre de la Palatine, n'a pas dédaigné l'anecdote un peu triviale de la poule, quel enseignement n'aurait-il pas trouvé dans ce peu de paroles? Le plus grand hommage rendu à Bossuet n'est-il pas ce retour que chaque grande infortune, chaque gloire triomphante ou déchue nous fait faire vers l'aigle de Meaux, seul digne de les célébrer, de les pleurer et de les perpétuer!

      Paris, 5 mars 1836.– Hier matin, MM. Berryer СКАЧАТЬ



<p>12</p>

Voici la composition du Cabinet: M. Thiers, président du Conseil, ministre des Affaires étrangères; M. Sauzet, garde des Sceaux; M. de Montalivet, ministre de l'Intérieur; M. d'Argout, ministre des Finances; M. Passy, ministre du Commerce et des Travaux publics; M. Pelet de la Lozère, ministre de l'Instruction publique; le maréchal Maison, ministre de la Guerre; l'amiral Duperré, ministre de la Marine.