Yvonne. Delpit Édouard
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Название: Yvonne

Автор: Delpit Édouard

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ n'abusez pas. Moi, je vous lâche. Oui, oui… des affaires… As-tu encore de l'argent, toi?

      – Ne vous inquiétez pas.

      – Hein?.. Drôle de garçon!.. Fier comme un Castillan! Mais nous autres, artistes… Et, poussant Gaston du coude, l'index au front: Tous un grain.

      Sur les quais, il quitta les jeunes gens, lestés de conseils sages et d'indications qui l'étaient moins, telles que restaurants à la mode, cafés du high-life, etc.

      – Il croit, dit Gaston, que le Pactole coule chez nous.

      Robert, sans répondre, tapota la poche de son gilet, où sonnait le tintement de pièces d'or.

      – Bah? fit l'autre, surpris. Moi qui comptais, en fait d'agapes, manger de l'air et boire du soleil. D'où cela te vient-il?

      – De mon premier concert.

      Ils marchaient le long de la Seine, sous les gaietés du ciel, remontant vers le Jardin des Plantes, au hasard. Robert disait tout, la rencontre de Willmann, la fête, le gros succès, l'entretien avec madame de Randières, et, quand il la voyait à ses pieds, sans connaissance, son angoisse douloureuse. Ne se sentant ni le courage ni même la force de la secourir, il appelait, des domestiques enlevaient la baronne, elle n'était plus rentrée dans les salons. Le lendemain, branle-bas général chez Duparc. Willmann y semait des tempêtes, apportait de nouveau les propositions faites la veille, le morigénait de la belle manière de ne s'être pas précipité sur l'aubaine et l'avertissait que Duparc lui rendait de grand cœur sa liberté, puisqu'il s'agissait d'un avenir superbe.

      – Qu'as-tu répondu?

      – Je me suis donné jusqu'à demain pour la réflexion… Tu trouves sans doute que je n'ai même pas à réfléchir; il fallait refuser?

      Gaston savait l'histoire de la présentation, la fuite hautaine de chez madame de Randières. D'instinct, cette femme lui était odieuse. Qu'elle eût des remords tardifs, tant mieux, il ne l'en plaignait pas. Mais il se rappelait les dégoûts, vaillamment réprimés, de Robert pour le genre de travail devenu son gagne-pain; il connaissait les soifs de sa nature d'élite, les rêves de gloire entrevus par le père et que la dure nécessité risquait d'anéantir en stérilisant le cerveau dans le combat pour la vie. S'envoler en plein éther, ouvrir l'aile aux souffles caressants, quelle tentation!

      Quand elle triompherait des révoltes de la première heure, oserait-il blâmer?

      Il demanda:

      – Crois-tu que chez elle, tu puisses être heureux?

      – Ce n'est pas de moi qu'il s'agit.

      – De qui, alors?

      – De cette femme qui mit tant de zèle à me bannir de son existence et met tant de passion à m'y faire rentrer, qui m'inspire de la répulsion et dont la pensée me suit cependant partout, qui sait d'où je sors et refuse de me le dire, et se trouve mal quand je l'interroge. Suis-je sûr d'avoir le droit de la repousser, de la détester? Ma mère, peut-être!

      – En ce cas, elle t'a dégagé de tes devoirs de fils.

      – Elle ne le pouvait pas. Un fils n'est jamais un juge. Rien ne le dégage de ses devoirs. Et, puisque je suis dans l'incertitude, le mien est, à tout prendre, quand elle m'appelle, d'obéir.

      Gaston lui serra la main. Un attendrissement le gagnait devant cette figure où, dans le lointain des ans, il revoyait l'expression souffreteuse du petit pâtre des Mérilles dormant sous sa haie de mûriers.

      – Tu as raison, dit-il, et vaux mieux que moi. Notre père t'approuverait.

      – Cela me suffit. J'irai chez madame de Randières, pour alléger ses remords, si elle en a.

      Ils remontaient depuis longtemps la Seine, absorbés en leur pensées, ne remarquant pas le chemin parcouru. Le ciel, au-dessus d'eux, riait, dans la sérénité du printemps. Le bruit de la grande ville, derrière, n'arrivait plus que comme une sourde clameur. Ils avaient atteint la banlieue, au delà des fortifications, dans la direction d'Alfort.

      – Où diable sommes-nous? questionna Gaston. La singulière campagne, pleine de légumes, avec des bicoques au milieu de jardins à tenir dans la poche!

      – Voilà pourtant un vrai parc, là-bas, autour de ce chalet. Regarde, on dirait une villa italienne. Elle est charmante, vue d'ici.

      – Pour moi, dans ce paysage, rien ne vaut un coin de notre Vivarais.

      – Ni surtout la Riveraine. Cela est positif. As-tu faim?

      – Je dévorerais. Il doit être une heure indue.

      – Midi, déclara Robert en levant la tête, habitué, par son enfance, à prendre le soleil pour guide. Cherchons une auberge.

      Ils la trouvèrent près du chemin de halage. Une petite maison très propre, où l'hôtesse les accueillit avec empressement. On dressa la table sous une tonnelle, afin de leur épargner le voisinage des mariniers de la salle commune. Ces dents de jeunes loups saccagèrent. Puis, comme la journée était splendide et que le soleil radieux invitait au farniente, ils allèrent se coucher dans l'herbe, au bord de l'eau. Les prés descendaient jusqu'au fleuve, constellés de pâquerettes et de chicorée sauvage. Quoi qu'en eût dit Gaston, le paysage ne manquait pas de grâce. Les fleurs et la verdure des demeures rustiques piquetaient la monotonie des terres maraîchères, et la grande villa italienne se dressait à l'horizon d'un air d'attirante mélancolie. Ces premiers beaux jours ont une pénétration de vie étrange; Robert en subissait l'influence. Ses pensées du matin s'évaporaient dans les transparences de l'atmosphère. Il cueillait autour de lui les minces étoiles blanches épanouies sous le velours des prés. Et devant cette moisson embaumée, sa poitrine se gonfla: «Je ne lui en porterai plus jamais. Pauvre petite sœur!» La Riveraine et sa fée, aux regards d'ange, lui parlaient tout bas.

      Mais Gaston le poussa du coude. Les deux jeunes gens restèrent pétrifiés.

      De taille moyenne, svelte comme un sylphe, vêtue d'un peignoir de cachemire blanc magnifiquement brodé, les pieds chaussés de mules de satin, une créature courait dans la prairie et paraissait jouer avec un compagnon imaginaire. Elle était tête nue au soleil, sans ombrelle et sans gants. Des boucles blondes, pareilles à de l'or en fusion, lui tombaient jusqu'à la ceinture. Pas une ride au front, de la blancheur des nacres. Elle était idéalement belle. Mais dire son âge eût été malaisé, tant les contrastes se heurtaient: il y avait de l'enfant dans la turbulence de ses pas, de la femme dans la passion de certains gestes tragiques, de l'aïeule dans la fugitive lassitude des traits, quelques poses découragées, tremblantes comme chez les vieillards. Elle passait de l'un à l'autre de ces aspects avec une mobilité incroyable. Elle ramassait des fleurs, courait après les papillons, se roulait parmi les herbes, avait de brusques éclats de rire, çà et là des cris poignants, s'arrêtait raide, tendait les bras à l'air qui, enveloppant ses doigts chargés de bagues, semblait lui donner la sensation d'un baiser. Alors, de ses lèvres plissées en un énigmatique sourire, des mots incohérents sortaient, avec la suavité d'un appel d'amour.

      – C'est une folle! dit Gaston.

      – Qu'elle est belle! chuchota Robert.

      Il ne la quittait pas du regard. Une émotion de plus en plus forte l'étreignait, à mesure qu'elle avançait vers lui, les yeux sur ses yeux, le sourire de sphinx toujours creusé au coin de la bouche. Elle s'arrêta comme une somnambule et, sur un ton СКАЧАТЬ