Yvonne. Delpit Édouard
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Название: Yvonne

Автор: Delpit Édouard

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ d'une seconde à peine, dut lui produire un effet bizarre, car sa physionomie prit soudain un air d'effarement. Ses yeux, malgré lui, se reportèrent sur le jeune visage et s'y fixèrent.

      – Quand vous voudrez, Legouet, dit Léonie impatientée.

      Le pavillon se composait de quatre pièces, meublées avec un goût charmant. Dans le cabinet de travail, un superbe Pleyel tenait la place d'honneur. Willmann tomba en extase. Robert, gêné, ne savait trop quelle contenance prendre. Madame de Randières fit signe à son intendant, et tous deux disparurent.

      – Eh bien, demanda Willmann, tu te figures rêver?

      – Trop de luxe.

      – Annibal, gare à Capoue!

      – Soyez sans crainte, mon ami. Des Capoue de ce genre, jamais je ne ferai mes délices.

      En n'échappant pas à Léonie, les longs regards de Legouet l'avaient irritée. Dès qu'elle fut seule avec son intendant, elle le prit à partie:

      – Qu'aviez-vous à toiser M. Robert?

      – A toiser… Mon Dieu, madame la baronne…

      – Cela me déplaît.

      – C'est que, madame la baronne…

      Volontiers, Legouet fût rentré sous terre. Il bredouillait des excuses et se barricadait dans son dévouement.

      – Je le connais, votre dévouement, interrompit madame de Randières. Mais vous donne-t-il le droit d'être indiscret? Voilà trente ans que vous êtes dans la famille. Ne me forcez pas à l'oublier. Je reçois et j'installe chez moi qui bon me semble. Ce n'est point votre affaire. Si vous avez des curiosités, gardez-les pour vous.

      Une vraie colère. Legouet était stupéfait, d'autant qu'il se sentait sans reproche. Oui, la vue de Robert l'avait frappé, parce que Robert était beau, parce qu'il ressemblait à… Diable! diable! au fait, cette ressemblance… Ah! par exemple! Des idées lui affluèrent au cerveau, toute une histoire obscure s'éclaircit. Il s'expliquait que la baronne se fût emportée. Elle entendait qu'on eût des yeux pour ne point voir, elle l'avait même dressé aux cécités de commande. Aussi courba-t-il en sage le dos sous la bourrasque.

      Willmann avait emmené Robert chez les professeurs qu'il comptait lui donner. Les visites finies, Robert revint à l'hôtel, moins triste qu'il n'en était sorti. L'accueil de ses maîtres futurs, l'aménagement du travail, le but à conquérir dissipaient la mélancolie du matin. On frappa à sa porte. C'était Legouet:

      – Je prie monsieur de m'excuser. Je tiens à lui présenter son valet de chambre. Il s'appelle Firmin. C'est moi qui l'ai choisi, J'espère avoir eu la main heureuse.

      – Un valet de chambre, pour moi? dit Robert, Qu'en ferai-je? Je n'en ai jamais eu.

      L'observation interloqua Legouet. Un jeune homme né de parents si riches! N'en croyant pas ses oreilles: «Monsieur n'a jamais eu?..» Il s'arrêta. On ne questionne point ses maîtres. Seulement, comme il aperçut un sourire aux lèvres de Firmin, il grommela de façon que ce dernier fît son profit du correctif:

      – C'est juste: au collège!.. Monsieur dînera-t-il chez lui ou chez madame la baronne?

      – Chez moi.

      – Vous avez entendu, Firmin? Allez. Monsieur sonnera quand il aura besoin de vous.

      L'autre sortit. Legouet continua:

      – J'ai défendu à Firmin d'ouvrir cette malle. Elle doit contenir des pièces graves, des papiers d'importance.

      – Mais non, mais non, dit en riant Robert.

      – Alors, je la défais.

      – J'y arriverai bien seul, voyez plutôt.

      En un tour de main la malle fut ouverte et vidée.

      – A quelle heure, demain matin, monsieur veut-il recevoir le chemisier, le tailleur et le bottier?

      – Je ne veux pas les recevoir du tout, n'ayant aucun besoin d'eux.

      L'intendant jeta un coup d'œil expressif sur le mince bagage épars dans la chambre. Cette pauvreté le déconcertait et déroutait ses idées. Un instant il demeura muet, regardant Robert ranger ses partitions, ses quelques livres et les premiers manuscrits datés de la Riveraine. Certaines pages étaient noires de ratures faites par la main de M. Laffont, qui leur donnaient, aux yeux de Robert, un prix inestimable et lui rappelaient de tendres souvenirs.

      Legouet exhiba un élégant portefeuille, et, le posant sur le secrétaire:

      – J'ai l'ordre de remettre à monsieur le premier mois de sa pension.

      – Ma pension? fit Robert, à cent lieues de là, perdu, avec ses manuscrits, dans les lointains de la Riveraine, les hauts peupliers bercés au vent, la pelouse où jouait Blanche jadis.

      – L'argent de poche.

      Un flot de sang sauta aux joues de Robert.

      – Oh! de l'argent! cria-t-il. C'est trop. Reprenez cela.

      – Puisque j'ai reçu l'ordre…

      – Reprenez, vous dis-je!

      Sa colère produisait sur le vieillard une impression pénible. L'air de chagrin avec lequel il fut obéi le calma tout à coup. Très doucement, il ajouta:

      – Remerciez madame de Randières. Informez-la que je refuse. Quant à vous, mon ami, veuillez excuser mon emportement.

      Resté seul, il s'assit contre une table, le front dans ses paumes brûlantes. Hélas! il le connaissait, le pain de la charité. Hors le temps si court passé chez Duparc, jamais il n'en avait mangé d'autre. Aux Mérilles, à la Riveraine, aujourd'hui, qu'était-il? un pauvre, vivant de pitié. Jusqu'à présent, il n'avait pas senti crier son orgueil. Trop malheureux chez les Benoît, trop aimé chez les Laffont. Mais ici, tout le blessait comme une injure, tout l'humiliait comme une grâce. Et des larmes ruisselèrent entre ses doigts. Une main toucha son épaule:

      – Pourquoi pleurez-vous?

      Elle! c'était elle!

      – Legouet me quitte à l'instant. Je suis désolée… C'est une restitution, Robert. Pour le repos de ma conscience, acceptez-la.

      Il eut envie de crier: «Je vous tiens quitte, laissez-moi en paix!» Il se contenta de répliquer:

      – Pour le repos de votre conscience, je suis ici. N'en demandez pas davantage.

      – Ah! comme vous vous raidissez contre moi! J'ai tant besoin, au contraire, d'être aimée de vous!

      Elle se penchait vers lui. Cette tête mélancolique et belle, ces rayonnantes prunelles d'azur que voilaient par instants les paupières, ce timbre harmonieux où passait une involontaire âpreté la bouleversaient. Elle souhaitait de le prendre entre ses bras comme un enfant, elle n'osait, il l'intimidait. Elle ne savait que répéter dans une prière: «J'ai tant besoin d'être aimée de vous!»

      A dater de ce jour, il devint sa pensée fixe. Un sentiment d'une violence extrême grandissait en elle, une pure СКАЧАТЬ