Yvonne. Delpit Édouard
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Название: Yvonne

Автор: Delpit Édouard

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ dit-il, tu as compris, il m'aime bien, il chante pour moi le chant du cygne.

      Robert devina plus qu'il n'entendit. En un bond, il fut aux pieds de son bienfaiteur.

      – Je ne suis pas inspiré, aujourd'hui.

      – Si… si…

      La main tremblante du malade chercha la tête où se plaisaient tant ses caresses, les yeux devinrent fixes. Il était mort, un dernier sourire creusé au coin des lèvres, une dernière larme perlant aux cils.

      Les cris de désespoir de madame Laffont ne furent égalés que par ses hurlements de fureur contre Robert; c'était lui, son infernal vacarme qui empêchaient d'appeler au secours. Avoir le cœur de martyriser un piano pendant que se mourait celui auquel il devait tout! Un autre l'aurait prévenue, elle était à côté, elle eût sauvé son mari… En un quart d'heure, l'excellente femme se dédommagea de la contrainte subie durant des années. Il n'aurait pas fallu la pousser beaucoup pour qu'elle fît de Robert un assassin. Quoi qu'il en soit, elle prenait la direction souveraine de la maison et commença tout de suite son rôle de maîtresse sans partage.

      Gaston et Robert ne pensaient qu'à leur chagrin. Une épouvante les glaçait en face du coup navrant. Ils se sentaient désarmés et s'appuyaient l'un sur l'autre, comme pour tirer une force de leurs deux faiblesses. Quand le mort fut dans la bière, Blanche vint lui dire un suprême adieu. Son visage était gonflé de pleurs, elle apparaissait très pâle sous sa robe noire. Robert la prit contre lui.

      – Ma pauvre sœur! ma pauvre petite orpheline.

      Elle eut un brisement de la voix:

      – Et toi, dit-elle, deux fois orphelin, maintenant!

      Madame Laffont restait, en réalité, plus absolue maîtresse qu'elle ne l'imagina d'abord, son mari n'ayant pas laissé de testament. Le malheureux homme ne prévoyait guère une fin si prompte. Or, non seulement l'introduction de Robert chez eux n'avait jamais été du goût de madame Laffont, mais sa rancune se doublait de ses déceptions maternelles: Robert était plus beau et plus travailleur que Gaston. Elle eut quelques entrevues, aux Mérilles, avec les Benoît; puis, un beau matin, elle annonça qu'elle emmenait les garçons à Paris.

      – Pourquoi faire? demanda Gaston.

      – Pour que tu y achèves tes études.

      – Avec Robert?

      – Tu verras bien.

      Le lendemain, les trois voyageurs quittaient la Riveraine. Blanche embrassa tristement ses frères et resta sur la route, leur envoyant des baisers. Tant qu'il put la voir, Robert demeura penché à la portière. Quand la silhouette se fut effacée dans le lointain, quand le dernier morceau de terre de la Riveraine eut disparu, il se blottit en son coin, désolé mais résolu devant l'incertain où madame Laffont le conduisait d'un air de victoire.

      II

      – Madame la baronne reçoit-elle? demanda un valet de chambre debout au seuil du boudoir.

      Il n'obtint aucune réponse, fit deux pas vers une chaise longue où une femme était étendue, et répéta: «Madame la baronne…» Il n'eut pas le temps d'achever, on l'interrompit brusquement:

      – J'ai commandé de me laisser tranquille.

      – La personne insiste tellement…

      – Qui?

      – Une étrangère.

      – Dites que ce n'est pas mon heure.

      Le valet de chambre s'éclipsa, suivi d'un bâillement et du bruit d'une lettre froissée par de petites mains nerveuses.

      La baronne Léonie de Randières en froissait souvent de pareilles depuis quelque temps; jamais, peut-être, elle n'y mit cette impatience. Elle était en un de ces jours noirs où l'on n'a plus la force de se mentir à soi-même, surtout quand personne ne pousse au mensonge. La lettre venait du dernier homme qu'elle eût distingué, un contre-amiral, en croisière aux Indes. L'enjouement du style, la rondeur, l'absence de toute sentimentalité témoignaient jusqu'à l'évidence que désormais, pour l'auteur, la destinataire entrait dans le cadre des amies respectables. Plus de traces du piédestal où Léonie éprouvait tant d'orgueil à se laisser mettre et d'où elle éprouvait encore plus de plaisir à se laisser choir.

      Au dire des méchantes langues, ç'avait été une variation de socles continuelle. Peut-être se vengeait-on par là de sa chance d'antan, lorsque, jolie certes, mais pauvre, elle épousait un vieillard millionnaire. Quoi qu'il en soit, les apparences sauves, sa tenue extérieure d'une correction toujours parfaite, elle gardait ses entrées dans les salons les plus collet monté où ses alliances, son nom et la fortune héritée du mari permettaient de faire grande figure. Par malheur, une ombre s'étendait sur la grande figure, l'ombre des soleils couchants, qui gagne de proche en proche et avec une telle rapidité! C'en était effrayant. Depuis deux ou trois hivers, elle essayait bien encore de nourrir quelque illusion, le contre-amiral avait la galanterie de l'y aider. Lui parti, l'illusion tomba. Des lassitudes, des énervements, jusqu'aux lettres indiennes plaidaient contre l'éternelle jeunesse. Il fallait abdiquer, son règne était clos. Alors que lui restait-il? Rien dans le présent, rien dans l'avenir. Quant au passé… Certaines cendres ne se refroidissent jamais, sans quoi l'enfer lui-même finirait par être habitable. Léonie, en veine d'examen de conscience, se rembrunit de plus en plus. Quelque chose de son passé la brûlait, ainsi qu'un fer rouge: un amour extravagant, de l'adoration et de la fureur, tout au début de son mariage, un gentilhomme breton, presque aussi jeune qu'elle… Comme elle l'avait aimé! Comme il l'avait trahie! Comme elle s'était vengée! Oui, cruellement. En éprouverait-elle du remords? Pourquoi? Elle rendait le mal pour le mal. A vie brisée, vie empoisonnée. Quittes! Eh! non, en dépit d'elle-même, elle ne s'absolvait plus. Si lâche qu'eût été la trahison, sa vengeance était impardonnable. Elle s'étourdissait jusqu'ici, noyée dans le tourbillon de tous les plaisirs, cherchant et trouvant l'oubli dans l'émotion de toutes les heures. Mais seule, avec ses songeries…

      Le valet de chambre reparut.

      – Cette dame refuse de s'en aller.

      Léonie prit la carte.

      – Madame Laffont. Une quêteuse sans doute. Faites entrer.

      Du temps qu'elle n'était pas la maîtresse absolue, madame Laffont avait la spécialité de remplir avec tapage les volontés d'autrui; dans l'exécution de ses propres desseins, elle apportait plus de calme. Elle s'avança fort correctement vers la baronne de Randières, la salua d'un air tranquille et, s'effaçant pour désigner Robert:

      – Je vous amène, dit-elle, l'enfant que vous avez confié à madame Benoît, aux Mérilles.

      – Mon Dieu!

      Les pupilles dilatées, les bras en avant, Léonie recula, titubant, jusqu'à la chaise longue où elle tomba écrasée. Robert ne la quittait pas des yeux. Elle se cacha le visage, incapable de supporter l'éclair de ces prunelles bleues qui la transperçait, et balbutia:

      – Je le croyais mort.

      Madame Laffont fut assez satisfaite de l'effet produit; on ne niait pas, il fallait profiter de l'effarement.

      – Il y a sept ans que Robert n'est plus aux Mérilles. Vous l'ignoriez, je vois. Mon mari l'avait recueilli. Les Benoît n'ont СКАЧАТЬ