Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert
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Читать онлайн книгу Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier - Du Casse Albert страница 8

СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Cynisme d'expressions au théâtre avant la venue du grand Corneille. – La Sylvie, de Mairet, en 1627. —Le Duc d'Ossonne et Silvanire, du même. – Qualités et défauts de Mairet. – Les Bergeries, de Racan, en 1616. Les tragédies sacrées de Nancel, en 1606. – Scudéry, en 1625. – Sa tragi-comédie de Ligdamon et Lidias. – Singulière préface. – Troterel. – Claude Billard. – Sa tragédie d'Henri IV.– Mainfray. – Sa tragédie d'Aman.Borée.La Guisade, de Pierre Mathieu, – Boissin de Gatterdon. – Despanney et son Adaminte, 1600. – Thullin et Les Amours de la Guimbarde, 1629. – Les Farces remplacées par les Turlupinades, en 1583. – Gros-Guillaume, Gauthier-Garguille et Turlupin. – Leur théâtre des Fossés-de-l'Estrapade. – Histoire de ce trio. – Vogue qu'il obtient. – Plaintes des acteurs de l'Hôtel de Bourgogne. – Le cardinal de Richelieu les fait venir. – Ils jouent devant lui une Turlupinade. – Le cardinal les incorpore dans la troupe de l'Hôtel de Bourgogne. – Mort de Gros-Guillaume. – Désespoir des deux autres amis; leur mort. – Fin des turlupinades, en 1634. – Récit d'une Farce sous Charles IX. – Titre singulier d'une autre farce, en 1558.

      Jusqu'à ce que le grand Corneille fût venu apporter un changement total, opérer une véritable révolution dans l'art dramatique et poser les bases du goût et de la convenance, les auteurs donnaient accès dans leurs pièces à des vers d'une crudité d'expression, d'un cynisme de situation que le spectateur admettait sans y trouver rien à redire.

      Nous avons déjà parlé de la scène où Lucrèce, les vêtements en désordre, vient faire part de son déshonneur, des vers savoisiens et gascons de deux autres pièces.

      Dans la Sylvie de Mairet, représentée en 1627, la bergère Sylvie saute au cou de son amant, en s'écriant: Cher prince, vous voyez mon âme toute nue; et le prince lui répond avec la plus exquise galanterie en l'embrassant: Ah! j'aimerais mieux te voir le corps tout nu. On n'est pas plus naïf et plus sans façon. Cela vaut les deux vers de Lucelle à son amant Ascagne dans la tragi-comédie de ce nom de Duhamel:

      Ascagne, approchez-vous, mettez-vous dans les draps,

      Le serein n'est pas bon pour un homme en chemise.

      Dans le Duc d'Ossone de Mairet, joué en 1627, le duc couche avec sa maîtresse en plein théâtre; et cependant cela ne fit nullement scandale, les plus honnêtes femmes allaient voir cette comédie.

      Le même auteur dans sa Silvanire, jouée en 1625, nous offre un exemple frappant du jargon sentimental que le spectateur non-seulement souffrait mais préférait à tout autre, depuis l'apparition des longs et sots romans d'amour.

      Silvanire exposant la lutte de son amour et de son devoir, s'écrie:

      Ah! si comme le front, ce cœur était visible,

      Ce cœur qu'injustement tu nommes insensible,

      Voyant en mes froideurs et mes soupirs ardents,

      La Scythie en dehors, et l'Afrique en dedans,

      Tu dirais que l'honneur et l'amour l'ont placée

      Sous la zone torride et la zone glacée.

      Et qu'on ne s'y trompe pas, Mairet non-seulement n'était pas le seul qui usât aussi largement et d'une façon aussi ridicule du galimatias sentimental, mais encore c'était un poëte d'un certain mérite.

      Le théâtre de cette époque lui doit une douzaine de tragédies ou de tragi-comédies dont plusieurs ont de la valeur. Bien qu'il se soit cru obligé de sacrifier à quelques usages de son siècle, il sut aussi en réformer plusieurs. Il y a de ses ouvrages dramatiques qui sont dans toute la rigueur des règles. De belles pensées, des vers quelquefois heureux, en recommandent d'autres à la bienveillance. Mairet, s'il eût vécu à une autre époque, eût pu atteindre à une sorte d'élévation. Toutefois il eût mieux peint les passions terribles, telles que la vengeance, la fureur, que la tendresse et l'amour. Lorsqu'il se jette dans le sentiment, il tombe dans le lascif ou dans le pédantesque9. L'amant appellera sa maîtresse son soleil, et elle, soutiendra qu'elle est sa lune parce qu'elle tire de lui tout son éclat; puis tous les deux, sur la scène, se livreront aux ébats de leur mutuelle affection. Mais il est un point pour lequel Mairet fait école, c'est l'habileté de la mise en scène, et l'effet calculé de situations neuves et pleines d'intérêt. Son esprit était inventif, et quoique ses pièces ne soient pas restées longtemps au théâtre et ne lui aient guère survécu, son nom ne saurait être passé sous silence.

      Avant lui, bien qu'il n'ait composé qu'une longue pastorale avec prologue, les Bergères, Racan acquit une véritable célébrité, tant cette pastorale eut de succès et de retentissement. Ce fut en 1616 qu'on donna cette pièce pour la première fois; elle conquit la plus prodigieuse admiration du public, et cependant le style et les pensées brillent par leur naïveté plutôt que par tout autre mérite: qu'on en juge. Sa bergère, racontant les premières impressions de l'amour, s'écrie:

      Je n'avais pas douze ans, quand la première flamme

      Des beaux yeux d'Alidor s'alluma dans mon âme;

      Mais ignorant le feu qui depuis me brûla,

      Je ne pouvais juger d'où me venait cela.

      Soit que, dans la prairie, il vît ses brebis paître;

      Soit que sa bonne grâce au bal le fit paraître,

      Je le suivais partout de l'esprit et des yeux.

      Il m'appelait ma sœur, je l'appelais mon frère,

      Nous mangions même pain au logis de mon père.

      Cependant qu'il y fût, nous vécûmes ainsi.

      Tout ce que je voulais, il le voulait aussi.

      Il m'ouvrait ses pensers jusqu'au fond de son âme;

      De baisers innocents il nourrissait ma flamme;

      Mais dans ces privautés dont l'Amour nous masquait,

      Je me doutais toujours de celle qui manquait.

      En 1606 Pierre Nancel avait fait jouer dans la même année trois tragédies, Débora, Dina et Josué, tirées toutes les trois de l'Histoire sainte. Cette réminiscence des anciens mystères a ceci de remarquable que ce sont les premières pièces où l'on voit, en France, des combats, des batailles livrées sur la scène. Après la révolution de 1789, sous le premier Empire et surtout depuis, ce genre dramatique que l'on appelle à grand spectacle a pris un accroissement considérable; mais alors c'était une innovation, que du reste aucun auteur ne voulut imiter.

      Un auteur dramatique dont la grande fécondité n'était pas le seul mérite, quoi qu'en dise le satirique Boileau, commença vers l'année 1625 à donner des ouvrages au théâtre. Nous voulons parler de Scudéry, qui composa et fit jouer plus de trente pièces presque toutes assez longues. Né en 1601 au Havre, dont son père était gouverneur, Scudéry, d'une famille noble originaire de Naples, voyagea longtemps, puis entra au régiment des gardes, obtint le gouvernement de Notre-Dame à Marseille et mourut académicien. Ayant une imagination vive, ardente, élevée mais trop féconde, il se livrait aveuglément à sa facilité d'écrire. Aussi ses œuvres sont-elles entachées de nombreux défauts que rachètent quelques qualités, telles que de l'esprit, des tours pleins de hardiesse, des situations heureuses, variées à l'infini, intéressantes. Son style est décent et ses personnages sont toujours convenables, ce qui était bien rare à cette époque, comme nous l'avons fait remarquer déjà. Scudéry ayant beaucoup voyagé, avait la mémoire ornée d'une foule d'aventures romanesques, d'histoires singulières, de traits bizarres, d'idées amusantes, de telles СКАЧАТЬ



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Voici un exemple frappant de ce que nous avançons: dans sa pastorale de Silvie, le berger dit à la bergère: