Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert
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СКАЧАТЬ rois à Dieu, si je faisais les lois.

      Dans l'autre de ses pièces, l'Éphésienne, tragi-comédie avec chœurs, jouée l'année suivante, on lit ces vers, dignes de l'école qui tendait à se fonder:

      Voilà de mes labeurs la belle récompense!

      Et puis, suivez la cour, faites service aux grands,

      Donnez à leur plaisir votre force et vos ans,

      Embrassez leurs desseins avec un zèle extrême,

      Méprisez vos amis, méprisez-vous vous-même;

      Courez mille hasards pour leur ambition,

      A la première humeur, la moindre impression

      Qu'ils prendront contre vous, vous voilà hors de grâce,

      Et cela seulement tous vos bienfaits efface.

      Bienheureux celui-là qui, loin du bruit des gens,

      Sans connaître au besoin, ni palais, ni sergents,

      Ni princes, ni seigneurs, d'une tranquille vie,

      Le bien de ses parents ménage sans envie.

      De loin en loin on faisait encore représenter, et surtout par les écoliers, des espèces de tragi-comédies avec chœurs dans le goût des anciennes Moralités. Ainsi en 1606 et même en 1624, Nicolas Soret fit jouer en province, à Reims, le Martyre sanglant de sainte Cécile, et l'élection divine de saint Nicolas à l'archevêché de Myre. C'était une réminiscence de l'art primitif, comme le dernier et pâle reflet d'un feu qui s'éteint pour faire place à une lumière plus vive.

      Quelque temps aussi, les pièces qui n'étaient pas des tragédies portèrent le nom de pastorales, et jusqu'au milieu du dix-septième siècle, beaucoup de vieux habitués du théâtre ne purent se faire à les appeler autrement; cependant ces pastorales étaient souvent de véritables comédies, et en reçurent enfin le titre. Pendant plus d'un siècle, on les tira presque toutes de l'Astrée, roman célèbre et fort long de Durfé7 et de Baro. Durfé en fit les quatre premières parties et mourut, Baro son secrétaire le termina.

      Un des auteurs du dix-septième siècle qui composa le plus de pastorales d'après le roman de Durfé, est sans contredit ce Balthasar Baro, qui avait du reste le droit d'en agir ainsi, puisqu'il avait contribué à l'achèvement de cette œuvre volumineuse, œuvre qui trouva, à cette époque, tant d'admirateurs8. Parmi les nombreuses pastorales, toutes assez médiocres, de Baro, mort en 1650, académicien et trésorier de France à Montpellier, s'en trouve une, Cloreste ou les Comédiens rivaux, qui ne vaut certainement pas mieux que les autres, mais à laquelle se rattache une plaisante anecdote:

      A l'époque de la plus grande vogue de cette pièce, vivait un cadet de famille, Cyrano, né à Bergerac, auteur à qui son esprit et son bouillant caractère, plus encore que ses compositions dramatiques, acquirent bientôt une certaine célébrité. Entré au régiment des gardes étant encore fort jeune, il ne tarda pas à devenir la terreur des duellistes de son temps. Il n'y avait pas de jour qu'il ne se battît plus souvent pour les autres que pour son propre compte. Voyant un beau soir une centaine d'individus attroupés près de la porte de Nesle et insultant une personne de sa connaissance, il mit l'épée à la main, en blessa sept, en tua deux et délivra son protégé. Ayant reçu deux blessures au siège de Mouzon et à celui d'Arras, il quitta le service et se fit auteur. Il voyait habituellement l'acteur Montfleury, et s'étant pris un matin de querelle avec lui, il lui défendit très-sérieusement, de son autorité privée, de paraître au théâtre. – Je t'interdis pour un mois, lui dit-il. Deux jours plus tard, Cyrano étant à la comédie, voit paraître Montfleury en scène dans la pièce de Cloreste. Il se lève du milieu du parterre et lui crie de se retirer ou qu'il va lui couper les oreilles. Montfleury obéit et se retire. – Ce coquin-là est si gros, disait plaisamment Cyrano, qu'il abuse de ce qu'on ne peut le bâtonner tout entier en un jour.

      Pierre du Ryer, d'une famille noble, reçu à l'Académie en 1646, se fit, pendant la première partie du dix-septième siècle, un nom assez célèbre au théâtre. Il produisit beaucoup, et ses œuvres dramatiques, bien qu'entachées de grands défauts, ne manquent pas de valeur. On a de lui plus de vingt tragédies, dans quelques-unes desquelles on a trouvé de jolis vers et de belles pensées.

      Par exemple, à la première scène du premier acte de Cléomédon, ceux-ci:

      Et comme un jeune cœur est bientôt enflammé,

      Il me vit, il m'aima; je le vis, je l'aimai.

      Puis ceux-ci du combat de l'honneur et de l'amour:

      Pour obtenir un bien si grand, si précieux,

      J'ai fait la guerre aux rois, je l'eusse faite aux dieux.

      On prétend que le prince de Condé, interrogé par un de ses amis sur ce qui l'avait porté à combattre Louis XIV pendant la minorité de ce prince, répondit par ces deux vers de Du Ryer, faisant allusion à Mme de Châtillon dont il avait été amoureux fou, et qui avait exigé de lui de se jeter dans le parti contraire à celui de la cour.

      Dans l'Esther de ce même Du Ryer, il y a encore ces beaux vers:

      Car enfin quelle flamme et quels malheurs éclatent

      Quand deux religions dans un État combattent!

      Quel sang épargne-t-on, ignoble ou glorieux,

      Quand on croit le verser pour la gloire des dieux?

      Alors tout est permis, tout semble légitime;

      Du nom de piété l'on couronne le crime;

      Et, comme on pense faire un sacrifice aux dieux,

      Qui verse plus de sang paraît le plus pieux.

      A côté de ces preuves de bon goût, on trouve chez Du Ryer de fâcheuses tendances à sacrifier aux exigences de l'époque; ainsi il donna au théâtre une Lucrèce, tragédie dans laquelle on voit un Sextus, le poignard à la main, demandant à la jeune Romaine de lui sacrifier son honneur. Lucrèce se défend, gagne la coulisse, on entend ses cris, elle reparaît en désordre et apprend elle-même aux spectateurs qu'elle vient d'être violée. Cette scène est un reste de la crudité, de la barbarie des premiers temps du théâtre.

      On jouait vers la même époque (en 1613) une pièce intitulée: Dialogue en rythme française et savoisienne, en quatre actes, en vers de huit syllabes, etc., qui contient bien d'autres licences de pensées et d'expression! Voici le dialogue entre une servante et un valet, son amant. Ils sont brouillés, la servante dit au valet: «Va-t-en un po grater le cu. Le valet répond avec galanterie! Madame pour gratter le vôtre, je quitterais bientôt le nôtre. La belle, loin d'être désarmée, répond par une expression encore plus décolletée et que nous n'osons reproduire.

      Un peu plus tard, en 1628, on représentait à Béziers une pièce à six personnages, Les Aventures de Gazette, en vers gascons, dans laquelle une vieille femme, pour prouver combien sa fille aime le travail, s'écrie: Que per non perdre tems, ben souven on s'aviso qu'elle pissa en marchan san leva le camiso.

      Du Ryer était un fort honnête homme, qui devint, vers la fin de sa vie, historiographe de France. Sa fortune ayant été dérangée par un mariage peu avantageux, il s'était mis à faire d'abord des traductions, puis bientôt après des pièces dramatiques, pour aider sa famille. On prétend que son libraire lui donnait un petit écu par feuille de traduction, quatre livres par cent grands vers et quarante sous par cent petits vers. On comprend qu'à ce taux, il fallait que le pauvre poëte abattît beaucoup de lignes СКАЧАТЬ



<p>7</p>

Durfé, né à Marseille eu 1567, mourut en 1625.

<p>8</p>

Dans une pastorale de Baro, Clorise, qu'il ne faut pas confondre avec sa Cloreste, il met en scène le berger Philidor et la bergère Éliante.

Philidor ôte le mouchoir d'Éliante en lui disant: Si de ce que j'ai dit, ta rigueur trop connue, Cherche la vérité, la voilà toute nue.Éliante répond: – Que fais-tu, Philidor? – C'est que je veux au moinsTe convaincre d'erreur avec deux beaux témoins. – Causeur, rends ce mouchoir, ou de tant de malicesJe saurai châtier l'auteur et les complices. – Pourquoi les caches-tu? – Parce que j'ai raison,Puisqu'ils sont faux témoins, de les mettre en prison. – … Ta pensée est aimable et gentille,Il me semble les voir à travers une grille.O Dieu! soyez témoin que je souffre un martyreQui fait fendre le tronc de ce chêne endurci?Silvie lui répond: Il faut croire plutôt qu'il s'éclate de rire,Oyant les sots discours que tu me fais ici.