Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert
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Читать онлайн книгу Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier - Du Casse Albert страница 10

СКАЧАТЬ chevalier français, épris d'une princesse étrangère, se jette à ses pieds et parvient à l'émouvoir. Elle lui dit:

      – Qui peut à vos douleurs donner de l'allégeance?

      – Je n'en puis espérer que par la jouissance.

      – Vous voulez, je le crois, de l'honneur abuser?

      – Non, mais bien, s'il vous plaît, ce soir vous épouser.

      Alors la confidente de la princesse intervient et les fait s'embrasser, puis elle leur dit:

      C'est assez, mes amis; sans plus de cavillage,

      Donnez-vous, comme époux, la foi du mariage.

      Vous êtes mariés; ne reste que la nuit

      Pour éteindre vos feux.

      Voilà certes une façon commode et des plus lestes de s'unir par les liens du mariage, c'est encore plus expéditif que d'avoir recours au fameux forgeron anglais. Au moyen de quatre vers et d'un jeu de mots, la confidente tranche toute difficulté.

      Thulin, en 1629, fit représenter une pièce en un acte sous ce singulier titre: les Amours de la Guimbarde, toute en chanson et en vers gascons. C'est à Béziers que se donna cette œuvre bizarre, l'une des treize comédies insérées dans un livre fort rare aujourd'hui et intitulé: l'Antiquité du Triomphe de Béziers un jour de l'Ascension. Voici, du reste, quelle fut l'origine de ce livre et de ces pièces. La ville de Béziers, assiégée il y a plusieurs siècles, avait été délivrée le jour de l'Ascension. En souvenir de cet heureux événement et pour en conserver la mémoire, on avait institué une fête anniversaire. Ce jour-là, les habitants des environs se rendaient à la procession, et des drames étaient représentés en l'honneur d'un certain capitaine Pépesuc, dont la statue de pierre existait alors dans la ville, et auquel on attribuait en partie la délivrance de Béziers.

      Dans Bisatic, tragédie de Magarit Pageau, jouée eu 1600, la fille du roi des Massiliens, éprise de Crassus et désolée de ne pas l'avoir suivi à Rome, s'écrie:

      Je te pouvais aider de petite servante,

      Sous ton commandement volontiers fléchissante,

      Ou bien pour tes rabats blanchement affiner,

      Ou bien, en reposant, ton lit encourtiner.

      Les autres comédies ou pastorales dont nous pourrions parler, sont en général tellement ennuyeuses ou tellement décolletées par le fond et par la forme, que nous croyons devoir borner là nos citations, d'autant que nous en avons dit assez pour faire comprendre quel était le goût des premières époques dramatiques et les tendances vers la nouvelle. Nous allons voir bientôt le théâtre et le public modifier complétement leur façon d'être, sous la salutaire influence de quelques grands auteurs; mais avant, qu'on nous permette un mot d'adieu aux vieilles Farces qui réjouissaient tant nos pères.

      Nous avons salué, dans une de nos études précédentes, l'avènement sur la scène des petites pièces qui remplaçaient ce qui était le vaudeville de la première période théâtrale. Trois honnêtes Parisiens, Gauthier-Garguille, Gros-Guillaume et Turlupin, acquirent, vers la fin du seizième siècle et dans les trente premières années du dix-septième, une réputation telle, dans la parodie et la farce, que leurs pièces prirent insensiblement le nom de l'un d'eux et furent appelées Turlupinades. Les trois quarts du temps ces turlupinades n'étaient que de mauvais jeux de mots, des pointes et des équivoques accommodées au gros sel; mais elles avaient le don de faire courir tout Paris. Du reste, cela n'est pas bien étonnant, puisque aujourd'hui, en France, il n'y a pas de tréteaux de saltimbanques devant lesquels les paillasses et les jocrisses, turlupins modernes, n'attirent, dans les foires, un nombreux public.

      La trinité Garguille, Guillaume et Turlupin ne descendait pas de la cuisse de Jupiter, ils étaient tout simplement garçons boulangers au faubourg Saint-Laurent, à Paris, en l'an de grâce 1583, lorsque l'idée leur vint qu'ils avaient des talents transcendants comme acteurs. Une irrésistible passion les poussant vers les planches, ils abandonnèrent le pétrin pour les tréteaux. Ils se mirent à composer des pièces ou fragments de pièces d'un comique à eux. Le public (peuple et bourgeois de Paris) accueillit par un gros rire ces grosses facéties, et bientôt, leur réputation s'étant étendue, ce fut à qui, dans la ville, se précipiterait aux turlupinades des trois amis. Ils prirent des costumes en rapport avec leur caractère et leur physique.

      Gauthier-Garguille, selon le sujet de leurs farces, représentait soit le maître d'école, soit un savant, débitant d'un air bien bête les chansons composées par lui.

      Gros-Guillaume, d'une corpulence telle qu'il était toujours garotté par deux ceintures, ce qui le faisait ressembler à un tonneau cerclé; Gros-Guillaume, disons-nous, avait adopté les rôles de l'homme sentencieux. Il ne portait point de masque, comme c'était encore l'usage à cette époque, mais il se couvrait la figure de farine si adroitement ménagée, qu'en remuant un peu les lèvres il blanchissait tout à coup ceux auxquels il parlait. Par une bizarrerie singulière, ce malheureux était affecté d'une cruelle infirmité, et cette infirmité contribuait souvent à son succès. Il avait la pierre; il entrait quelquefois en scène, souffrant le martyre et son visage accusant la douleur; sa contenance triste, ses yeux baignés de larmes contrastant avec ses rôles plaisants et ses lazzis, réjouissaient outre mesure les nombreux spectateurs dont pas un ne soupçonnait la vérité. Il vécut jusqu'à quatre-vingts ans, malgré cette infernale maladie, et sa mort, dont nous parlerons plus loin, eut une cause à peu près accidentelle.

      Turlupin, tantôt valet, tantôt intrigant et filou, jouait avec feu comme on eût dit de nos jours; en argot de théâtre, il brûlait la planche. Il lançait à tout instant des pointes et des bons mots; bref, c'était le paillasse de la troupe, et l'on sait que pour être un amusant paillasse, il faut avoir non-seulement de l'entrain, mais de l'esprit.

      Ces trois hommes louèrent un petit jeu de paume à la porte Saint-Jacques, à l'entrée de ce qui était alors le fossé de l'Estrapade. Ils se firent un théâtre portatif dans le genre, mais sur une plus grande échelle, de celui du fameux Guignol de nos jours, ils y adaptèrent des toiles de bateaux peintes en guise de décorations; puis, deux fois dans les vingt-quatre heures, dans l'après-midi et le soir, ils jouaient, moyennant une redevance de 12 deniers par spectateurs.

      La vogue devint telle à leur théâtre, que les acteurs de l'hôtel de Bourgogne en conçurent de la jalousie, puis finirent par se plaindre au cardinal de Richelieu, prétendant que ces trois bateleurs, comme ils les appelaient, allaient sur leurs brisées et leur causaient un véritable préjudice.

      Richelieu, qui aimait beaucoup le théâtre et que dévorait la manie d'être lui-même auteur dramatique, fut bien aise d'avoir un prétexte pour assister à une turlupinade. Il déclara qu'il voulait juger du différend en connaissance de cause, et fit venir les trois amis au Palais-Royal, alors Palais-Cardinal. On leur donna l'ordre de jouer dans une alcôve. Ils imaginèrent une scène comique dans laquelle Gros-Guillaume, en femme, cherche à apaiser la colère de Turlupin, son mari. Ce dernier, le sabre à la main, va couper la tête à sa malheureuse moitié, lorsqu'elle s'avise de l'adjurer par la soupe aux choux qu'elle lui a fait manger la veille. A ce souvenir, le sabre tombe des mains du mari offensé, qui s'écrie: «Ah! la carogne, elle m'a pris par mon faible, la graisse m'en fige encore sur le cœur.» Cette scène, qui dura une heure, et dans laquelle les deux pauvres diables se surpassèrent, amusa tellement Richelieu, le fit rire à tel point, qu'il prit leur parti contre les acteurs de l'hôtel de Bourgogne et qu'il ordonna à ces derniers de s'associer les trois amis, disant qu'on sortait toujours triste de leur théâtre et qu'avec le secours de ces braves gens il n'en serait plus de même.

      Voici une autre des principales turlupinades de cette époque. Gauthier-Garguille СКАЧАТЬ