Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert
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СКАЧАТЬ eut lieu toute une révolution dans le théâtre. On ôta aux Confrères de la Passion la maison de la Trinité, qui rentra dans sa destination première et redevint un hôpital. Puis, comme le goût s'était un peu épuré et que la mise en scène du bon Dieu et du diable avait fini par paraître quelque chose d'assez inconvenant, on permit aux Confrères de construire une salle de spectacle et d'y donner des représentations, mais sous la condition expresse, par arrêt du Parlement, que l'on ne jouerait que des pièces à sujets profanes, licites et honnêtes.

      Les Confrères de la Passion avaient fait des gains considérables pendant les cent quarante-six ans qu'ils avaient exercé de père en fils, leur profession lucrative. La société étant fort riche, acheta l'ancien hôtel des ducs de Bourgogne, tombé alors en ruine. Elle éleva des constructions fort belles, et pendant quarante ans encore (jusqu'en 1588), elle continua à donner des représentations. Elle était assez désappointée, du reste, d'être obligée de renoncer aux Mystères et d'aborder des pièces profanes, elle dont les membres faisaient profession de piété.

      Bien que les pièces à sujets religieux n'aient été abandonnées qu'après l'édit de 1548, on doit signaler cependant trois drames ou tragédies qui, représentés par les Confrères de la Passion sur leur ancien théâtre avant leur venue à l'hôtel de Bourgogne, semblent la transition du genre sacré au genre profane. Deux de ces pièces sont de Lazare Baïf: 1o Electre, tragédie contenant la vengeance de l'inhumaine et très-piteuse mort d'Agamemnon, roi de Mycène la grande, faite par sa femme Clytemnestre et de son adultère Egyptus, traduit du grec de Sophocle, ligne pour ligne, vers pour vers, en rimes françaises. 2o Hecuba. Toutes deux furent représentées en 1537. La troisième pièce, la Destruction de Troie, jouée en 1544, est de Chopinel.

      Voilà donc trois tragédies, sortant du genre des Mystères, qui font leur apparition sur le théâtre avant l'édit de 1548.

      Elles semblent l'aurore d'un nouveau jour pour la littérature dramatique. C'est qu'en effet, depuis 1402, le goût s'était étendu et épuré; l'imprimerie avait été inventée; les lettres avaient eu leur renaissance sous François Ier; les livres, devenus moins rares, ramenaient les idées vers le théâtre des anciens. On pensa donc d'abord à traduire les auteurs grecs et romains, puis à les imiter, puis enfin, on s'enhardit jusqu'à créer des pièces à sujets non encore traités.

      Lazare Baïf, qu'on peut considérer comme étant un des premiers qui aient songé à faire revivre, sur la scène française, les tragédies des anciens, fut abbé, conseiller au Parlement, maître des requêtes, et enfin ambassadeur à Venise en 1538. C'était pour cette époque, un littérateur des plus distingués. Si Lazare Baïf fut en quelque sorte le régénérateur de la tragédie, Jean de la Taille de Bondaroy fut le régénérateur de la comédie. Né près de Pithiviers, gentilhomme de la Bauce, Jean de la Taille donna au théâtre, outre plusieurs tragédies (dont une avec chœur, la Famine), trois comédies en prose: les Corrivaux en 15623; Négromant en 1568 et le Combat de Fortune et de Pauvreté en 1578. La première de ces comédies, tirée de l'Arioste, a un prologue très-significatif; il commence ainsi: «Il semble, Messieurs, à vous voir assemblés en ce lieu, que vous y soyez venus pour ouïr une comédie. Vraiment, vous ne serez point déçus de votre intention. Une comédie, pour certain, vous y verrez, non point une farce, ni une moralité. Nous ne nous amusons point en chose, ni si basse, ni si sotte, et qui ne montre qu'une pure ignorance de nos vieux Français. Vous y verrez jouer une comédie faite au patron, à la mode et au portrait des anciens Grecs et Latins; une comédie, dis-je, qui vous agréera plus que toutes (je le dis hardiment) les farces, les moralités qui furent onc jouées en France. Aussi, avons-nous grand désir de bannir de ce royaume telles badineries et sottises qui, comme amères épiceries, ne font que corrompre le goût de notre langue.»

      Comme on le voit, le prologue est tout un programme. C'est l'acte de rupture de l'ancien théâtre avec le nouveau. C'est le goût cherchant à supplanter le ridicule.

      Les principaux écrivains qui travaillèrent en France pour le théâtre, de 1548 à 1588, époque de transition, sont:

      Fonteny, ancien confrère de la Passion, qui fit paraître, en 1587, le Beau Pasteur, la Chaste Bergère et Galathée, assez ennuyeuses pastorales.

      Guersens, avocat au Parlement de Bretagne, puis sénéchal de Rennes, lequel composa, vers 1583, quelques pastorales.

      Montreux, auteur de plusieurs tragédies, entre autres celle d'Isabelle, tirée du poëme de l'Arioste, où l'on trouve le dialogue suivant entre Rodomont et Isabelle, dialogue qui fera juger de la convenance des pièces de cette époque:

RODOMONT

      Je veux avoir de vous, ce que la loi de Mars

      Me permet de ravir, seule loi des soudars.

ISABELLE

      Un plaisir si léger vous sera peu durable.

RODOMONT

      Nul plaisir n'est léger, qui nous est secourable.

ISABELLE

      Est-ce bien que forcer une simple femelle?

RODOMONT

      Oui bien, quand on ne peut vivre sans jouir d'elle.

      Mathieu, principal du collége de Vercel, puis historiographe, et qui donna au théâtre, en 1580, la tragédie de Clytemnestre, celle de Vasthi répudiée, en 1588, et beaucoup plus tard, en 1601, la Guisarde ou le triomphe de la Ligue, à laquelle Racine, dans Athalie, emprunta plus d'une pensée.

      Jacques de Boys, auteur de Comédie et Réjouissance de Paris, poëme dramatique représenté en 1559, composé à l'occasion du mariage du roi d'Espagne et du prince de Piémont avec Élisabeth et Marguerite de France, à la fin duquel poëme ces princesses chantent des épithalames.

      Desmazures, capitaine d'une troupe de cavalerie sous Henri II, qui composa, en 1566, les tragédies de Josias, de David combattant, David fugitif et David triomphant.

      Lebreton, auteur de plusieurs tragédies, entre autres Adonis, Dorothée, jouées en 1579.

      Le Devin, qui fit les tragédies d'Esther, de Judith et de Suzanne, de 1570 à 1576.

      Trois autres auteurs méritent une étude toute particulière, car tous les trois font époque et même école. Jodelle, pour la tragédie; La Rivey, pour la comédie; Villon, pour les pièces dénommées farces. Nous leur consacrerons quelques lignes; mais nous ne devons pas oublier de citer Gérard de Vivre, qui fit jouer, en 1577, les Amours de Thésée et de Déjanire. Cette pièce se termine par le mariage de Thésée et de Déjanire, ce qui est très-moral; mais ce qui est moins convenable, ce sont les dernières paroles de l'acteur au public: – «Messieurs, n'attendez pas que les noces se fassent ici, vu que le reste se fera là dedans.»

      Jodelle passe pour le premier qui essaya de ressusciter l'ancienne tragédie. Il ne put suivre que d'un peu loin les grands modèles de l'antiquité; mais il eut le courage de les prendre pour guides, ce qui, à cette époque, était beaucoup. Il rendit par là un immense service à l'art dramatique en France, car il trouva bientôt des imitateurs4. Ce poëte, qui eut une grande réputation, et qui fut honoré de la protection des rois Henri II et Charles IX, était encore fort jeune quand il donna au théâtre sa première tragédie, Cléopâtre, en 1552. Cette pièce eut des partisans et des adversaires; mais elle fit tant de plaisir à Henri II que ce prince fit compter à Jodelle cinq cents écus d'or; chose fort rare. Le succès du poëte faillit lui coûter bien cher. Les applaudissements dont on l'accabla échauffèrent la tête de quelques-uns de ses amis. Dans СКАЧАТЬ



<p>3</p>

C'est la première comédie en cinq actes qui ait été écrite en prose, si nous en exceptons celle de Plutus, traduite d'Aristophane, par Ronsard, le père de la poésie française, et représentée en 1539, à Paris, au collége de Coquerel.

<p>4</p>

Il est juste de dire, comme nous l'avons prouvé précédemment, qu'il eut un prédécesseur, Lazare Baïf.