Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier - Du Casse Albert страница 9

СКАЧАТЬ là un défaut, au contraire, aussi a-t-il eu parmi ses contemporains de nombreux admirateurs.

      La première pièce donnée par Scudéry, Ligdamon et Lidias (1629), tragi-comédie tirée, comme bien d'autres, de l'éternel roman d'Astrée, a une préface trop singulière pour que nous n'en parlions pas. L'auteur se donne pour un homme au poil et à la plume et dit: «J'ai passé plus d'années parmi les armes que d'heures dans mon cabinet, et beaucoup plus usé de mèches en arquebuse qu'en chandelle, de sorte que je sais mieux ranger les soldats que les paroles, et mieux quarrer les bataillons que les périodes.»

      Il faut avouer qu'il eût bien mérité que le public le renvoyât à ses mèches d'arquebuse et à ses bataillons, surtout lorsque Sylvie la bergère, refusant le don du cœur qu'on lui offre, répond, en vraie gourgandine:

      Qu'il garde ce beau don, pour moi je le renvoie:

      Je ne veux point passer pour un oiseau de proie.

      Qui se nourrit de cœurs, et ce n'est mon dessein

      De ressembler un monstre ayant deux cœurs au sein.

      On en conviendra, Sylvie la bergère a un langage de soldat aux gardes. Il est vrai de dire que l'amoureux Ligdamon s'y prend d'une façon singulière pour se faire adorer, voilà sa déclaration à la bergère:

      Lorsque le temps vengeur, qui vole diligent,

      Changera ton poil d'or en des filons d'argent,

      Que l'humide et le chaud manquant à ta poitrine,

      Accroupie au foyer t'arrêteront chagrine;

      Que ton front plus ridé que Neptune en courroux,

      Que tes yeux enfoncés n'auront plus rien de doux,

      Et que, si dedans eux quelque splendeur éclate,

      Elle prendra son être en leur bord d'écarlate;

      Que tes lèvres d'ébène et tes dents de charbon,

      N'auront plus rien de beau, ne sentiront plus bon;

      Que ta taille si droite et si bien ajustée,

      Se verra comme un temple en arcade voûtée;

      Que tes jambes seront grêles comme roseau;

      Que tes bras deviendront ainsi que des fuseaux;

      Que dents, teint et cheveux restant sur la toilette,

      Tu ne mettras au lit qu'un décharné squelette;

      Alors, certes, alors, plus laide qu'un démon,

      Il te ressouviendra du pauvre Ligdamon.

      Parmi les auteurs dramatiques de la même époque, nous citerons: Troterel, qui fit quelques pastorales et deux tragédies dont le succès dura peu de temps; Claude Billard, sieur de Courgenay, d'abord page de la duchesse de Retz, qui écrivit ensuite pour le théâtre et laissa les médiocres tragédies de Gaston de Foix, de Méroué, de Polixène, de Panthée, de Saül d'Alban, de Genèvre et de Henri IV. Dans cette dernière composition, le dauphin, suivi des seigneurs de la cour, se révolte de ce qu'on le trouve trop jeune pour accompagner le roi son père. Ses amis l'approuvent et le chœur des courtisans reprend:

      Je ne puis mettre dans ma tête,

      Ce malheureux latin étranger

      Qui met mes fesses en danger.

      Mainfray, auteur d'Hercule, d'Astiage, de Cyrus triomphant, de la Rhodienne, tragédie, et de la Chasse royale, comédie en quatre actes et en vers, jouée en 1625 et contenant, dit le titre, la subtilité dont usa une chasseresse envers un satyre qui la poursuivait d'amour.

      Dans une de ses tragédies, intitulée la Perfidie d'Aman mignon et favori d'Assuérus, on trouve le singulier dialogue suivant.

      Aman se plaint ainsi de Mardochée qui refuse de lui rendre hommage:

      Un certain Mardochée en tous lieux me courrouce.

      Il se moque de moi et bien loin me repousse

      Comme homme de néant Je lui ferai sentir,

      En dedans peu de jours, un triste repentir.

      Le gibet est tout prêt; il faut qu'il y demeure,

      Et qu'il y soit pendu avant qu'il y soit une heure.

      Mardochée arrive, et Aman lui dit:

      Ah! te voici, coquin! qui te fait si hardi

      D'entrer en cette place? Es-tu pas étourdi?

MARDOCHÉE

      Que veut dire aujourd'hui cet homme épouvantable?

      Qui croit m'épouvanter de sa voix effroyable?

      As-tu bu trop d'un coup? Tu es bien furieux!

      Nul homme n'ose-t-il se montrer à tes yeux?

AMAN

      Oui, mais ne sais-tu pas ce que le roi commande,

      Que le peuple m'adore, autrement qu'on le pende?

      Et encore oses-tu te montrer devant moi?

      Je t'apprendrai bientôt à mépriser le roi.

MARDOCHÉE

      O le grand personnage! Adorer un tel homme!

      J'adorerais plutôt la plus petite pomme,

      Et ne fait-il pas beau qu'un petit raboteur,

      Qu'un homme roturier reçoive un tel honneur?

      Tu devrais te cacher, etc.

      Borée composa Clorise, Achille, Bevalde, la Justice d'amour, Rhodes subjuguée, Tomyris, tragédies aussi ennuyeuses que longues, se rapprochant des temps barbares du théâtre, mais dans lesquelles on trouve cependant quelques scènes bien dialoguées.

      Pierre Mathieu, historiographe de France, donna la Guisarde, ou le triomphe de la Ligue, tragédie dans laquelle on lit ces vers:

      Je redoute mon Dieu, c'est lui seul que je crains;

      On n'est point délaissé quand on a Dieu pour père.

      Il ouvre à tous la main, il nourrit les corbeaux,

      Il donne la pâture aux jeunes passereaux, etc.

      Évidemment c'est cette pensée que Racine reproduit dans un langage plus élevé et plus noble au commencement d'Athalie.

      Nous terminerons cette étude sur les auteurs dramatiques des premières années du dix-septième siècle, par un mot sur Boissin de Gattardon, qui composa d'abord des pièces saintes, telles que le Martyre de sainte Catherine, de saint Eustache et de saint Vincent, et fit ensuite les pièces profanes de Andromède, Méléagre et les Urnes vivantes, ou les Amours de Pholimor et de Polibelle.

      Ce poëte est un des plus barbares qui ait jamais existé. On ne comprend pas même aujourd'hui qu'il se soit trouvé dans aucun temps, un public pour accepter et laisser représenter des monstruosités semblables. Les héros de la fable, dans ses tragédies ou ce qu'il décore de ce nom, citent Démosthène, Cicéron, Pline. Les martyres des saints sont des rapsodies dégoûtantes, et n'ont pas même le plaisant de la farce.

      Nous n'avons cité que les principaux auteurs du commencement du dix-septième siècle. Le nombre en est beaucoup plus considérable. Quelques-unes des pièces de ceux dont nous n'avons pas prononcé le nom, méritent encore par leur bizarrerie, d'être mentionnées dans cette étude anecdotique.

      En 1600, СКАЧАТЬ