Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert
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СКАЧАТЬ en a une à lui donner qui est un vrai phénix, car elle ne se peigne jamais qu'à la cave.

      Ces deux citations peuvent faire comprendre que les Turlupinades avaient bien de l'analogie avec les scènes de paillasse dont les masses populaires sont encore avides pendant les fêtes et dans les foires.

      Le facétieux trio de boulangers devenus artistes, entra donc, par ordre de Son Éminence le Grand Cardinal, au théâtre de l'hôtel de Bourgogne; mais ce fut là sa perte. Un beau jour, Gros-Guillaume eut la hardiesse de contrefaire un magistrat affligé d'un tic très-désagréable. Il eut l'adresse, ou si l'on veut, la maladresse de le si bien contrefaire, qu'il était impossible de s'y méprendre. Personne ne s'y méprit, en effet, le public rit beaucoup; mais les magistrats ne trouvèrent pas la chose plaisante, et le pauvre artiste fut décrété de prise de corps ainsi que ses deux compagnons en Turlupinades. Cette arrestation tourna au tragique, Garguille et Turlupin s'évadèrent; mais Gros-Guillaume fut arrêté, mis au cachot. Il eut un tel saisissement qu'il en mourut. La douleur que ressentirent les deux autres membres de l'inséparable trio fut si grande, lorsqu'ils apprirent la mort de leur ami, que, dans la même semaine, l'un et l'autre descendirent au tombeau. Ils n'avaient pas fait d'élèves. Avec eux s'éteignirent, en 1634, les Turlupinades du vrai Turlupin; mais le nom subsista et les farces ne sont pas prêtes à disparaître en France. Pour un Gros-Guillaume, un Garguille, un Turlupin du dix-septième siècle, il y a, au dix-neuvième, des milliers de paillasses qui n'ont cessé de continuer leur genre sur tous les théâtres ambulants du monde.

      Terminons cet exposé de ce qu'on appelait la Farce dans les premières périodes théâtrales, par le récit suivant de l'une d'elles, récit emprunté à un auteur qui vivait au temps de Charles IX:

      «En l'an 1550, au mois d'août, un avocat tomba en telle mélancolie et aliénation d'entendement, qu'il disait et croyait être mort. A cause de quoi il ne voulut plus parler, rire, ni manger, ni même cheminer, mais se tenait couché. Enfin il devint si débile, qu'on attendait d'heure à heure qu'il dût expirer; lorsque voici arriver un neveu de la femme du malade, qui, après avoir tâché de persuader son oncle de manger, ne l'ayant pu faire, se délibéra d'y apporter quelque artifice pour sa guérison. Par quoi il se fit envelopper, en une autre chambre, d'un linceul à la façon qu'on agence ceux qui sont décédés, pour les inhumer, sauf qu'il avait le visage découvert, et se fit porter sur la table de la chambre où était son oncle, et se fit mettre quatre cierges allumés autour de lui. Somme, la chose fut si bien exécutée, qu'il n'y eut personne qui eût pu se contenir de rire: même la femme du malade, combien qu'elle fût fort affligée, ne s'en put tenir, ni le jeune homme inventeur de cette affaire; apercevant aucuns de ceux qui étaient autour de lui, faire laides grimaces, se prit à rire. Le patient, pour qui tout cela se faisait, demanda à sa femme qui c'était qui était sur la table, laquelle répondit que c'était le corps de son neveu décédé; mais, répliqua le malade, comment serait-il mort, vu qu'il vient de rire à gorge déployée? La femme répond que les morts riaient. Le malade en veut faire l'expérience sur soi, et, pour ce, se fait donner un miroir, puis s'efforça de rire, et connaissant qu'il riait, se persuada que les morts avaient cette faculté, qui fut le commencement de sa guérison. Cependant le jeune homme, après avoir demeuré environ trois heures sur cette table étendu, demanda à manger quelque chose de bon. On lui présenta un chapon qu'il dévora avec une pinte de bon vin; ce qui fut remarqué du malade, qui demanda si les morts mangeaient. On l'assura que oui; alors il demanda de la viande qu'on lui apporta, dont il mangea de bon appétit. Et somme, il continua à faire toutes actions d'homme de bon jugement, et peu à peu cette cogitation mélancolique lui passa. Cette histoire fut réduite en Farce imprimée, laquelle fut jouée un soir devant le roi Charles IX, moi y étant.»

      Voici le singulier titre d'une farce représentée en 1558: les Femmes Salées, en un acte, en vers, à cinq personnages, par un anonyme, jouée par les Enfants Sans Souci, imprimée en caractères gothiques, ou discours facétieux des hommes qui font saler leurs femmes à cause qu'elles sont trop douces.

      IV

      COMÉDIE-FRANÇAISE

DE 1600 A 1789

      Le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne et celui du Marais, en 1600. – Les deux théâtres du Palais-Cardinal. – Celui du jeu de paume de la rue Michel-le-Comte (1633). —Mélite, première comédie de Corneille (1625). – Rotrou, de 1609 à 1650. – Caractère de son talent. – Ses compositions dramatiques. —Les Occasions perdues (1631). —Venceslas (1648). – Anecdote relative à cette tragédie. – L'acteur Baron. —Cosroës retouché par M. d'Ussé. – Emprunt fait à Rotrou par plusieurs auteurs dramatiques. – Transformations diverses subies par les théâtres de l'Hôtel de Bourgogne et du Marais, depuis 1600. – Deux troupes françaises à Paris jusqu'en 1641. – L'illustre théâtre de Molière. – Troisième troupe, celle de Molière à la salle du Petit-Bourbon, en 1642, sous le nom de troupe de Monsieur. Elle devient troupe du Roi en 1665. – Elle s'installe à la salle du Palais-Royal. – Trois troupes françaises jusqu'en 1673, à la mort de Molière. – Fusion de la troupe de Molière, partie dans celle de l'Hôtel de Bourgogne, partie dans celle du Marais. – La troupe du Marais dans la rue Guénégaud. – Réunion des deux troupes françaises, le 21 octobre 1680, et formation de la troupe de la Comédie-Française ou troupe du Roi. – Elle est installée d'abord dans la rue Guénégaud, puis au jeu de Paume de la rue Saint-Germain-des-Prés. – Ouverture de cette salle, le 18 avril 1689. – Période de 1689 à 1770. – Lutte avec les théâtres forains. – Anecdotes. – Dancourt, directeur de la Comédie, fait valoir les priviléges exclusifs de la troupe et obtient divers décrets contre les théâtres forains (1710). – Règlement du 18 juin 1757. – La Comédie-Française, de 1770 à 1782, aux Tuileries. – De 1782 à 1799 à l'Odéon. – Depuis 1799, à la salle de Richelieu. – Modifications dans le costume théâtral. – Réflexions. – Suppression des banquettes sur la scène, 1760. – Réflexions.

      Plus les compositions dramatiques s'épuraient et plus le goût du théâtre s'étendait. Le public se pressait en foule aux représentations théâtrales, et le nombre des auteurs augmentait dans une proportion notable. Il résulta de ce penchant déclaré du Parisien, et nous pourrions dire des habitants de la France entière, que bientôt, malgré les bateleurs ambulants et les turlupins, malgré la Comédie italienne, dont nous parlerons plus loin, on reconnut que la seule troupe de l'Hôtel de Bourgogne n'était pas suffisante à Paris.

      En conséquence, en 1600, cette troupe se partagea. Une partie des comédiens conserva son premier théâtre, l'autre en éleva un second au Marais; il y eut donc, dès le commencement du dix-septième siècle, deux salles de spectacle à Paris, sans compter, comme nous l'avons dit, les tréteaux et le théâtre nomade de la troupe italienne, qui jouait assez habituellement à l'Hôtel du Petit-Bourbon depuis 1577. Cette dernière troupe subit des vicissitudes sans nombre que nous raconterons.

      A la même époque, Richelieu, possédé de la fureur des représentations théâtrales, fit construire dans son propre palais, deux salles: une petite, pouvant contenir six cents personnes et où l'on jouait les pièces représentées au Marais; et une autre, d'apparat, pouvant recevoir deux mille spectateurs et qui plus tard fut donnée à la troupe de Molière. Mais ces deux salles n'étaient pas ouvertes au public.

      En 1625, une aventure bien ordinaire, bien banale, faillit doter Paris d'un troisième théâtre permanent, et dota la scène française du plus grand génie qui se fût encore révélé au point de vue de l'art dramatique. Un jeune homme de Rouen avait un ami, il le mène chez une jeune personne dont il est fort épris. La jeune personne trouve l'ami à son goût et repousse le pauvre amoureux. L'ami se nommait Pierre Corneille. L'aventure lui paraît fort agréable, et si plaisante, qu'il en fait une charmante comédie. Il la met au théâtre sous le nom de Mélite (nom qui fut donné plus tard à la jeune personne, cause première de la première СКАЧАТЬ