Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert
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СКАЧАТЬ la fin du dix-septième siècle, en 1699, on augmenta le prix des places d'un sou pour le parterre, de deux sous pour les loges. Dix-sept ans après, en 1716, le tarif fut porté à un neuvième en sus au profit de l'Hôtel-Dieu de Paris.

      Aux premiers temps des théâtres, les salles, qui étaient plus vastes et plus commodes peut-être, mais bien moins ornées que celles actuelles, étaient fermées le soir. Les représentations avaient lieu le jour. En 1609, époque de la plus grande vogue d'Alexandre Hardy, une ordonnance de police enjoignit aux comédiens de l'hôtel de Bourgogne et à ceux du Marais d'ouvrir leurs portes à une heure après midi, et de commencer à deux heures précises leurs représentations, pour que leur jeu fût fini avant quatre heures et demie. Ce règlement avait lieu depuis la Saint-Martin jusqu'au 15 février. C'était chose prudente. On dînait alors à midi; il n'y avait point de lanternes dans Paris, peu de carrosses, beaucoup de boue et encore plus de voleurs.

      On comprend combien les représentations devaient être pressées et combien les entr'actes étaient courts, ce qui ne laissait pas que d'avoir un certain charme; car de nos jours l'ennui que l'on éprouve dans l'intervalle qui s'écoule entre les différentes pièces ou entre les actes d'une même pièce, ôte bien souvent une grande partie de l'agrément qu'on éprouve. Il est juste de dire que dans les premiers temps de l'art dramatique et même pendant des siècles encore, il n'y avait ni changement de décors au théâtre, ni changement de costume pour les acteurs. Comme cependant on voulait laisser à ces derniers le temps de reprendre haleine, il fallait des entr'actes. Afin que le public ne prît point trop d'ennui, des chœurs, à l'imitation des anciens, chantaient pendant cet intervalle. Introduits au théâtre par Jodelle, ils furent scrupuleusement conservés par les auteurs dramatiques qui vinrent après lui, jusqu'à l'année 1630. Ces chœurs récitaient habituellement des strophes morales ayant rapport à la pièce qu'on représentait. Ils n'avaient aucun accompagnement, attendu que la musique instrumentale n'était pas encore en usage à la comédie. Cela dura jusqu'en 1630. Alors eut lieu une modification dans cette partie des représentations théâtrales. Les chœurs causant trop d'embarras et de dépenses, on les remplaça par des joueurs d'instruments que l'on plaça d'abord sur les côtés de la salle. Avant que la pièce ne commençât et ainsi que cela a lieu encore de nos jours, l'orchestre exécutait quelques morceaux. Il en était de même pendant les entr'actes, ce qui n'est plus dans les usages actuels, et c'est peut-être un tort. Les musiciens, installés sur les ailes du théâtre, furent relégués ensuite tout au fond, derrière les troisièmes loges, puis derrière les secondes, et enfin on leur ménagea un certain espace entre la scène et le parterre. C'est celui qu'ils occupent encore aujourd'hui.

      A l'époque des Jodelle, des Garnier, des Hardy, les droits d'auteur n'étaient pas fort élevés et ne pouvaient, comme actuellement, faire la fortune des poëtes dramatiques. Dans le principe, les pièces de théâtre appartenaient à ceux qui les voulaient jouer; plus tard, les comédiens achetèrent les pièces en débattant le prix avec les auteurs; puis enfin, à la suite d'une circonstance assez singulière, (dont nous parlerons en temps et lieu) vers la fin du dix-septième siècle, on fixa les droits:

      1o Au neuvième du produit de la recette pour une tragédie et pour une comédie en cinq actes, le quart des pauvres ainsi que la dépense journalière de la comédie prélevés;

      2o Au dix-huitième pour les pièces d'un acte à trois, toujours après les mêmes prélèvements effectués.

      D'après ce que nous avons dit plus haut du prix des places au théâtre, et en raison des prélèvements, on peut juger de ce qui restait acquis aux auteurs n'ayant droit qu'aux neuvième et dix-huitième non pas de la recette, mais des produits.

      Les trente premières années du dix-septième siècle, années de transition entre la fin de la vieille école théâtrale et la nouvelle inaugurée par Pierre Corneille, produisit des auteurs dont les œuvres dramatiques se rapprochaient ou s'éloignaient plus ou moins des pièces de la troisième période. Dans les uns on trouvait encore le goût des premières époques, tandis que les autres s'élevaient à une certaine hauteur qui permettait d'entrevoir une nouvelle façon d'écrire pour le théâtre. Le public transformait peu à peu son goût, soit qu'il dirigeât les auteurs, soit qu'il se laissât diriger par eux. De temps à autre, pendant ces trente années, quelques tragédies, quelques comédies se produisirent sur la scène, comme des éclaircies de beau temps à travers un ciel encore nuageux.

      Les auteurs qui remplissent cette période transitoire, aussi bien que leurs œuvres, sont curieux à observer.

      Nicolas Chrétien, poëte normand, l'un de ceux qui se rapprochent de la façon primitive, donna plusieurs pastorales fort longues et deux tragédies d'un ridicule achevé. Ses personnages chrétiens parlent en païens, la fable et le christianisme sont confondus avec un sans-façon incroyable. Ainsi, dans Alboin ou la Vengeance trahie, représentée en 1608, la veuve d'Alboin, forcée d'épouser le meurtrier de son mari, empoisonne la coupe nuptiale et la présente au tyran qui, après avoir pris le breuvage, fait tout haut cette réflexion:

      – Ce vin-là n'est pas bon. – C'est donc que votre goût volontiers est changé, reprend la reine. – Eh! comme cela bout dans mon faible estomac, continue le roi. – Cela n'est pas étrange, ajoute la tendre veuve, c'est le mal qui sitôt pour votre bien se change. – Hélas! c'est du poison! – Que dites-vous, grands dieux! – Je suis empoisonné! – Vous êtes furieux, voyez-vous bien cela? – Si tu ne bois le reste, je le crois. Mais la reine n'est pas si niaise et dit tranquillement: Je n'ai soif. – O dangereuse peste (il faut bien pardonner un langage peu élevé à un roi empoisonné), tu le boiras soudain. – J'ai bu vous l'apportant, et ma soif est éteinte. – Il faut boire pourtant, çà, çà, méchante louve, ouvre ta bouche infâme.

      Malheureux est celui qui se fie à sa femme.

      Ce dernier vers semble la morale de la pièce.

      Un peu plus tard, et presque au moment où Corneille fit jouer sa première tragédie, Raissigner, avocat languedocien, protégé du duc de Montmorency et amant malheureux, lança sur la scène plusieurs pastorales de mauvais goût et qui peignaient la douleur de son âme méconnue. Le style de ses œuvres est assez pur, mais hérissé de pointes et d'antithèses. Dans l'une de ses pièces, l'Aminte du Tasse, se trouvent les vers suivants qui soulevèrent contre l'auteur la colère de toutes les femmes…

      Le respect près des dames,

      Ne soulage jamais les amoureuses flammes;

      Et qui veut en amour tant soit peu s'avancer,

      Qu'il entreprenne tout, sans crainte d'offenser.

      Dans une autre pastorale de Raissigner, les Amours d'Astrée et de Céladon, Céladon, dédaigné par Astrée, se jette de désespoir dans le Lignon;

      Mais le Dieu du Lignon, pour lui trop pitoyable,

      Contre sa volonté le jette sur le sable,

      De peur que la grandeur du feu de son amour

      Ne changeât en guérets son humide séjour.

      Voilà certes une pensée d'une audace peu commune; on en retrouve d'autres du même genre dans les pastorales de cet auteur dramatique. Comme on lui faisait observer que cette pièce des Amours d'Astrée était un peu longue, il expliqua dans la préface qu'on devait lui savoir gré d'avoir restreint en deux mille vers une histoire pour laquelle il avait fallu cinq gros volumes.

      Brinon (Pierre), conseiller au Parlement de Normandie, auteur vivant à la même époque que les deux précédents, montra plus de goût.

      Il donna au théâtre deux pièces seulement; mais dans l'une et dans l'autre on trouve СКАЧАТЬ