La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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Читать онлайн книгу La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1 - Alcide de Beauchesne страница 17

СКАЧАТЬ rel="nofollow" href="#n50" type="note">50: «Les petits bonnets noirs à grands papillons, les vieilles têtes chancelantes, les révérences profondes et répondant aux mouvements de la tête, rendirent à la vérité quelques vénérables douairières un peu grotesques; mais la Reine, qui avait beaucoup de dignité et de respect pour les convenances, ne commit pas la faute grave de perdre le maintien qu'elle devait observer. Une plaisanterie indiscrète d'une des dames du palais lui en donna cependant le tort apparent. Madame la marquise de Clermont-Tonnerre, fatiguée de la longueur de cette séance, et forcée par les fonctions de sa charge de se tenir debout derrière la Reine, trouva plus commode de s'asseoir à terre sur le parquet, en se cachant derrière l'espèce de muraille que formaient les paniers de la Reine et des dames du palais. Là, voulant fixer l'attention et contrefaire la gaieté, elle tirait les jupes de ces dames et faisait mille espiègleries. Le contraste de ces enfantillages avec le sérieux de la représentation qui régnait dans toute la chambre de la Reine, déconcerta Sa Majesté. Plusieurs fois elle porta son éventail devant son visage pour cacher un sourire involontaire, et l'aréopage sévère des vieilles dames, prononçant son arrêt en dernier ressort, déclara que la jeune Reine s'était moquée de toutes les personnes respectables qui s'étaient empressées de lui rendre leurs devoirs; qu'elle n'aimait que la jeunesse; qu'elle avait manqué à toutes les bienséances, et qu'aucune d'elles ne se présenterait plus à la cour. Le titre de moqueuse lui fut généralement donné, et il n'en est point qui soit plus défavorablement accueilli dans le monde… Les fautes des grands, ou celles que la méchanceté leur attribue, circulent avec la plus grande rapidité et se transmettent comme une sorte de tradition historique que le provincial le plus obscur aime à répéter. Plus de quinze ans après cet événement, j'entendais raconter à de vieilles dames, au fond de l'Auvergne, tous les détails du jour des révérences pour le deuil du feu Roi, où, disait-on, la Reine avait indécemment éclaté de rire au nez des duchesses et des princesses sexagénaires qui avaient cru devoir paraître pour cette cérémonie.»

      Le 18 mai, il n'était bruit que de désastres causés par l'orage dans les journées du 14 et du 15. On racontait que dans le village de Lieux51, à une heure de Pontoise, les eaux s'étaient accrues si instantanément qu'on avait été obligé d'abattre des murailles pour secourir des enfants qui surnageaient dans leurs berceaux. L'eau était entrée avec tant d'impétuosité dans l'église, que la population, qui chantait vêpres en ce moment, n'eut que le temps de se sauver; plusieurs maisons furent entraînées, les fruits naissants détruits, et tout espoir de moisson anéanti. De l'autre côté de Paris, même désastre: la vallée d'Yères était couverte d'eau. Le petit ruisseau qui baigne à peine le pied du château de Romaine, près de Lésigny en Brie, avait grossi jusqu'à la hauteur de vingt pieds, renversant les ponts, les murs de clôture, étouffant les bestiaux et atteignant déjà les hommes réfugiés dans les étages supérieurs du château, qui menaçait de céder lui-même.

      On racontait aussi plusieurs incendies qui avaient causé de grands malheurs en Normandie et en Picardie, notamment au bourg de Tricot, près de Montdidier. Ainsi les désastres qui avaient marqué le mariage de Louis XVI se reproduisaient à son avénement.

      Le public dut être frappé de la corrélation qui se manifestait entre les deux grandes époques de la vie de ce prince, et quelques-uns de ces esprits qui, sans croire être fatalistes ou superstitieux, cherchent à préjuger la destinée des rois par les faits mêmes qui accompagnent leur début, prédirent que le règne inauguré ainsi serait témoin de bouleversements qui changeraient la face du monde.

      La nouvelle de ces désastres apportait aux habitants de la Muette un nouveau sujet de tristesse; mais ils avaient l'esprit trop élevé pour voir dans ces fâcheux accidents des signes qui dussent assombrir pour eux l'horizon de l'avenir. Cependant la Reine apprit en même temps les troubles qui venaient d'agiter le petit État de Weimar. La régence que la duchesse Anne-Amélie avait exercée pendant la minorité de son fils touchait à son terme, et l'impatience de quelques novateurs avait fomenté ces mouvements qui précèdent d'ordinaire la fin d'un règne et le commencement d'une autorité nouvelle. La lettre qui contenait ces détails racontait qu'une émeute ayant éclaté à propos d'une taxe établie de temps immémorial à Weimar, la régente avait fait arrêter deux des plus mutins, puis, les ayant relâchés, ils avaient été portés chez eux en triomphe. (Ici la Reine, qui lisait ces détails, s'arrêta, et Monsieur fit cette réflexion: «Il ne fallait pas les arrêter s'ils n'étaient pas coupables. – Ni les relâcher s'ils l'étaient,» répondit Marie-Antoinette. Puis elle continua la lecture de cette lettre, rapportant que l'émotion de ces scènes avait altéré la santé de la duchesse, et que depuis quelques jours elle gardait le lit, lorsqu'un incendie éclata dans son palais52).

      On s'occupa au château de la Muette de ce sinistre événement, sans se douter qu'il était le prélude des agitations bien autrement redoutables qui allaient tourmenter l'Europe et surtout la France. Veuve, mère et régente, la duchesse de Weimar avait plus d'un titre à l'intérêt de la Reine; mais le malheur dont Marie-Antoinette prenait pitié, et le courage dont elle faisait l'éloge, n'étaient rien auprès de ce que Dieu réservait à la Reine et à sa belle-sœur Élisabeth, en ce moment auprès d'elle, et qui n'avait encore que dix ans: un malheur au-dessus de toute pitié, un courage au-dessus de tout éloge.

      L'âge si tendre de Madame Élisabeth m'a obligé jusqu'ici à ne point distinguer sa vie de celle du Roi son frère et de celle de la Reine sa sœur, qui se séparaient le moins possible de cette jeune princesse. Le courant des grandeurs royales emportait ce petit flot, qui n'avait encore ni bruit ni mouvement qui lui fussent propres. Bientôt Élisabeth sortira de cette ombre propice qui environna ses premières années. On verra l'aurore de son esprit se lever, son cœur se former, et puis, une fois armée pour le combat, elle viendra librement demander sa part des épreuves et des adversités royales; mais n'anticipons pas sur les événements, et n'ouvrons pas à la Révolution avant qu'elle frappe à la porte de l'histoire.

      Le 21 mai, le Roi tient son premier conseil des dépêches, auquel le comte de Maurepas est appelé.

      Le dimanche 22, jour de la Pentecôte, et le lundi 23, Madame Élisabeth avec toute la famille royale assiste le matin à l'office et l'après-midi aux vêpres, dans l'église des Minimes de Chaillot. Le mardi 24, dans l'après-midi, Madame Élisabeth accompagne encore sa famille à Saint-Denis, où elle va voir Madame Louise et entendre les vêpres et le salut dans l'église des Religieuses Carmélites. Le peuple se porte en foule sur leur passage et leur témoigne ses sentiments par de vives acclamations.

      Le jeudi 2 juin, jour de la Fête-Dieu, un acte de piété publique (que ne comprennent plus les philosophes du jour) leur attire les bénédictions des mères chrétiennes: le Roi et la Reine, entourés de leur famille, accompagnent à pied le saint sacrement à la procession de l'église paroissiale de Passy. Cette cérémonie religieuse avait attiré un concours prodigieux de population. Informé qu'un des boulangers du lieu avait profité de cette occasion pour vendre son pain au-dessus de la taxe, le Roi manda lui-même cet artisan enrichi, le réprimanda vivement, et le condamna à une amende de six cents livres pour les pauvres.

      Le lendemain 3 juin, paraît un édit qui gagne davantage aux jeunes souverains les sympathies populaires. Le premier acte de l'autorité royale est tout ensemble un acte de justice et de bonté: il rassure la nation sur le payement des dettes de l'État, sur l'acquittement des intérêts promis, et il fait remise du droit de joyeux avénement53.

      L'atmosphère de la loyauté s'épure: les du Barry s'éloignent; la comtesse se retire dans l'abbaye du Pont-aux-Dames, près de Meaux, M. de Monteil remplace le marquis du Barry comme capitaine colonel des Suisses de la garde du comte d'Artois, et la comtesse de Polignac remplace la marquise du Barry, dame pour accompagner la comtesse d'Artois. Le duc d'Aiguillon remet aussi au Roi la démission de sa charge de secrétaire d'État: le Roi appelle le comte du Muy au ministère de la guerre, СКАЧАТЬ



<p>51</p>

Aujourd'hui Vauréal.

<p>52</p>

Ces lettres, adressées à la Reine, n'imputaient pas ce malheur à la malveillance. Et pourtant la duchesse de Weimar avait été la première à s'apercevoir de l'incendie, arrivé en plein midi, et elle n'avait eu que le temps de se sauver. Le palais, entouré de fossés et composé de deux ailes unies par un centre commun, n'était abordable que d'un côté et par un seul pont. Les difficultés de secours étaient grandes. Le feu ayant pris à une extrémité du château, on transporta dans l'autre les meubles et les objets précieux; mais l'incendie courut presque aussi vite, le service des pompes ne put se faire avec promptitude, et rien n'échappa à la fureur des flammes. Une caisse renfermant quatre-vingt mille thalers fut perdue, ainsi qu'une vaisselle de deux cent quarante couverts et un mobilier immense; mais des pertes bien autrement irréparables furent à regretter: une galerie de tableaux précieux, une bibliothèque de livres rares, et les archives de la maison de Saxe, qui contenaient les titres originaux de quelques pactes et conventions entre la branche Électorale et la ligne Ernestine. Ce ne fut pas tout: le feu fit des progrès si violents qu'il pénétra jusque dans les caveaux où reposaient les restes des princes de Saxe-Weimar et détruisit tout ce qui s'y trouvait.

<p>53</p>

Voici cet acte:

«Assis sur le trône où il a plu à Dieu de nous élever, nous espérons que sa bonté soutiendra notre jeunesse et nous guidera dans les moyens qui pourront rendre nos peuples heureux; c'est notre premier désir. Et connoissant que cette félicité dépend principalement d'une sage administration des finances, parce que c'est elle qui détermine un des rapports les plus essentiels entre le souverain et ses sujets, c'est vers cette administration que se tourneront nos premiers soins et notre première étude. Nous étant fait rendre compte de l'état actuel des recettes et des dépenses, nous avons vu avec plaisir qu'il y avoit des fonds certains pour le payement exact des arrérages et intérêts promis et des remboursements annoncés; et considérant ces engagements comme une dette de l'État, et les créances qui les représentent comme une propriété au rang de toutes celles qui sont confiées à notre protection, nous croyons de notre premier devoir d'en assurer le payement exact. Après avoir ainsi pourvu à la sûreté des créanciers de l'État et consacré les principes de justice qui feront la base de notre règne, nous devons nous occuper de soulager nos peuples du poids des impositions, mais nous ne pouvons y parvenir que par l'ordre et l'économie. Les fruits qui doivent en résulter ne sont pas l'ouvrage d'un moment, et nous aimons mieux jouir plus tard de la satisfaction de nos sujets que de les éblouir par des soulagements dont nous n'aurions pas assuré la stabilité. Il est des dépenses nécessaires qu'il faut concilier avec l'ordre et la sûreté de nos États; il en est qui dérivent de libéralités, susceptibles peut-être de modération, mais qui ont acquis des droits dans l'ordre de la justice par une longue possession, et qui dès lors ne présentent que des économies graduelles. Il est enfin des dépenses qui tiennent à notre personne et au faste de notre cour; sur celles-là nous pourrons suivre plus promptement les mouvements de notre cœur, et nous nous occupons déjà des moyens de les réduire à des bornes convenables. De tels sacrifices ne nous coûteront rien dès qu'ils pourront tourner au soulagement de nos sujets; leur bonheur fera notre gloire, et le bien que nous pourrons leur faire sera la plus douce récompense de nos soins et de nos travaux. Voulant que cet édit, le premier émané de notre autorité, porte l'empreinte de ces dispositions et soit comme le gage de nos intentions, nous nous proposons de dispenser nos sujets du droit qui nous est dû à cause de notre avénement à la couronne. C'est assez pour eux d'avoir à regretter un Roi plein de bonté, éclairé par l'expérience d'un long règne, respecté dans l'Europe par sa modération, son amour pour la paix et sa fidélité dans les traités.»