La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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Читать онлайн книгу La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1 - Alcide de Beauchesne страница 16

СКАЧАТЬ car c'est à sa lumière que nous marchons dans la charité qui est notre voie, et vers le ciel qui est notre but. Aussi les traits de piété et d'abnégation que son instituteur mettait sous ses yeux étaient-ils reçus par elle avec cet empressement facile qu'elle devait mettre un jour à en offrir elle-même des exemples.

      De son côté, madame de Marsan la conduisait souvent à Saint-Cyr, où elle aimait à s'entretenir avec les dames qui avaient porté au plus haut point de perfection l'éducation des jeunes personnes confiées à leurs soins. Celles de ces dernières qui par leur application et leur conduite avaient mérité une récompense, étaient introduites près de la princesse. D'ordinaire on disait le salut à son arrivée. La jeune Élisabeth avait du goût pour ce royal asile, où tout était simple, noble et grand; souvent elle entrait dans les classes, dont les travaux l'intéressaient, souvent aussi dans le réfectoire, où le menu du souper aussi bien que l'âge et le nombre des convives occupaient son attention.

      Ce royal établissement, qui portait l'empreinte d'une sainte et majestueuse pensée, avait éveillé toutes les sympathies de notre jeune visiteuse, qui ne le quittait jamais sans se promettre d'y revenir. La Reine elle-même, sans montrer une affection particulière pour Saint-Cyr, avait pris en estime les dames et les élèves de cette maison: elle avait parmi ses femmes quelques jeunes filles de Saint-Louis, et «elle leur interdisait le spectacle lorsque les pièces ne lui paraissaient pas d'une moralité convenable, se regardant avec raison comme chargée de veiller aux mœurs et à la conduite de ces jeunes personnes45

      Le moment est venu de reprendre notre récit à l'endroit où nous l'avions suspendu, c'est-à-dire à la fin du règne de Louis XV et à l'avénement de son successeur. Nous parcourrons rapidement ces années, pendant lesquelles, selon un écrivain optimiste (M. Droz), la Révolution aurait pu être évitée, et nous chercherons surtout, au milieu des faits généraux, la trace des premiers pas de Madame Élisabeth. Nous avons laissé à Choisy la jeune royauté environnée de la sympathie publique. Il convient de rappeler ici ses débuts. Avant de quitter Versailles, Louis XVI avait ordonné à l'abbé Terray, contrôleur général des finances, de remettre deux cent mille livres aux curés des paroisses de Paris pour être distribuées aux pauvres. À peine descendu à Choisy, le prince se recueille; il jette des regards inquiets autour de lui; il cherche un appui pour sa faiblesse, un ami pour son cœur. Il croit l'apercevoir parmi les victimes de la disgrâce d'un pouvoir qui n'avait su inspirer ni estime ni crainte. Sa raison lui désigne Machault d'Arnouville; le secret désir de la Reine indique Choiseul. Un conseil de famille (j'allais dire une intrigue que dirige Madame Adélaïde) fait pencher la balance en faveur de M. de Maurepas.

      On prétendit à l'époque où l'événement se passa que la famille ne combattit point d'abord le choix du Roi, et que la lettre qui mandait Machault était déjà remise au courrier; mais que celui-ci ayant tardé deux minutes à enfourcher son cheval, auquel manquait une sangle ou une gourmette, la lettre lui fut redemandée et mise à l'adresse de Maurepas. À quoi tiennent les destinées d'un empire! Elles tiennent, croyez-le bien, beaucoup plus à la volonté de ceux qui gouvernent qu'à une sangle et une gourmette. La timidité de Louis XVI, qui devait lui être si fatale, l'empêcha de prendre tout d'abord la résolution que son cœur lui dictait, et qui était la meilleure. Il fit donc partir la lettre dont voici la copie:

»À Monsieur le comte de Maurepas«Choisy, le 11 mai 1774.

      »Dans la juste douleur qui m'accable et que je partage avec tout le royaume, j'ai de grands devoirs à remplir. Je suis roi, et ce nom renferme toutes mes obligations; mais je n'ai que vingt ans, et je n'ai pas toutes les connoissances qui me sont nécessaires; de plus, je ne puis voir aucun ministre, tous ayant vu le Roi dans sa dernière maladie. La certitude que j'ai de votre probité et de votre connoissance profonde des affaires m'engage à vous prier de m'aider de vos conseils. Venez donc le plus tôt qu'il vous sera possible, et vous me ferez grand plaisir.

»Louis.»

      Marmontel me semble avoir apprécié justement la résolution de Louis XVI: «S'il n'avoit fallu, dit-il, qu'instruire un jeune roi à manier légèrement et adroitement les affaires, à se jouer des hommes et des choses et à se faire un amusement du devoir de régner, Maurepas eût été sans aucune comparaison l'homme qu'on auroit dû choisir. Peut-être avoit-on espéré que l'âge et le malheur auroient donné à son caractère plus de solidité, de constance et d'énergie; mais naturellement foible, indolent, personnel, aimant ses aises et son repos, voulant que sa vieillesse fût honorée mais tranquille, évitant tout ce qui pouvoit attrister ses soupers ou inquiéter son sommeil, croyant à peine aux vertus pénibles et regardant le pur amour du bien public comme une duperie ou comme une jactance, peu jaloux de donner de l'éclat à son ministère, et faisant consister l'art du gouvernement à tout mener sans bruit, en consultant toujours les considérations plutôt que les principes, Maurepas fut dans sa vieillesse ce qu'il avoit été dans ses jeunes années, un homme aimable, occupé de lui-même, et un ministre courtisan.»

      Placé près d'un roi de vingt ans, un tel ministre ne pouvait, ce me semble, qu'intimider sa jeunesse sans guider son inexpérience.

      Quatre jours après leur arrivée à Choisy, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie furent atteintes du mal dont leur dévouement avait gagné le germe près du lit du Roi leur père, pendant son affreuse maladie. L'état de Madame Adélaïde inspirait particulièrement quelque crainte. Marie-Antoinette écrivait à sa mère le 14 avril: «On vient de me défendre d'aller chez ma tante Adélaïde, qui a beaucoup de fièvre et maux de reins: on craint la petite vérole. Je frémis et n'ose pas penser aux suites; il est déjà bien affreux pour elle de payer si vite le sacrifice qu'elle a fait46

      Les médecins ordonnèrent de faire sur-le-champ partir de Choisy la jeune famille royale. Elle se rendit au château de la Muette. La proximité de Paris attira aux environs de cette résidence une affluence de monde telle, que dès le lever du jour la foule était déjà établie aux grilles du château.

      La défaveur jetée sur le déclin du dernier règne, l'espérance que le nouveau règne faisait naître, concouraient à exciter des démonstrations d'allégresse et d'affection qui, dès le matin jusqu'au coucher du soleil, se traduisaient par les cris de Vive le Roi! Marie-Antoinette tressaillait de joie à ces démonstrations, qui semblaient dire que le jeune Roi avait le cœur de ses peuples47. Elle mandait à l'Impératrice-reine que depuis la mort de son aïeul, Louis XVI «ne cessoit de travailler et de répondre de sa main aux ministres qu'il ne pouvoit pas encore voir, et à beaucoup d'autres lettres. Ce qu'il y a de sûr, ajoutait-elle, c'est qu'il a le goût de l'économie et le plus grand désir de rendre ses peuples heureux. En tout il a autant d'envie que de besoin de s'instruire; j'espère que Dieu bénira sa bonne volonté48

      Jamais règne ne s'inaugura par des témoignages d'enthousiasme plus unanimes. Les poëtes à l'envi célébraient le jeune Roi; la toilette de la jeune Reine devenait un type sur lequel toutes les modes se réglaient. Un joaillier s'enrichissait en vendant des tabatières de deuil, portant dans leur boîte faite de chagrin le portrait de Marie-Antoinette; ce qui amena ce jeu de mots: La consolation dans le chagrin.

      Le deuil du feu Roi avait arrêté une nouvelle mode assez étrange, qui avait succédé aux quesaco, et qu'on appelait les poufs au sentiment. C'était une coiffure élevée dans laquelle on ménageait une place à l'image des personnes ou des choses de sa prédilection, comme le portrait de son père, de sa fille, celui de son chien, de son chat, ou même de son sapajou, tout cela garni des cheveux d'un époux ou d'un ami de cœur; mode incroyable, où l'extravagance le disputait au ridicule.

      Le Roi décida que le deuil serait de sept mois, dont un en grandes pleureuses et un en petites49. СКАЧАТЬ



<p>45</p>

Mémoires de Madame Campan, t. I, p. 104.

<p>46</p>

Maria-Theresia und Marie-Antoinette, publié par Alfred von Arneth, 1 vol. in-8o, Vienne et Paris.

<p>47</p>

Déjà l'année précédente, quelques jours après son entrée à Paris, le 8 juin 1773, avec M. le Dauphin, Marie-Antoinette mandait à l'Impératrice, sa mère:

«Je n'oublierai de ma vie la fête que nous avons eue mardi: nous avons fait notre entrée à Paris. Pour les honneurs, nous avons reçu tous ceux qu'on a pu imaginer; mais tout cela, quoique fort bien, n'est pas ce qui m'a touchée le plus, mais c'est la tendresse et l'empressement de ce pauvre peuple, qui, malgré les impôts dont il est accablé, étoit transporté de joie de nous voir. Lorsque nous avons été nous promener aux Tuileries, il y avoit une si grande foule que nous avons été trois quarts d'heure sans pouvoir ni avancer ni reculer. M. le Dauphin et moi avons recommandé plusieurs fois aux gardes de ne frapper personne, ce qui a fait bon effet. Il y a eu si bon ordre dans cette journée que, malgré le monde énorme, il n'y a eu personne blessé. Au retour de la promenade, nous sommes montés sur une terrasse découverte et y sommes restés une demi-heure. Je ne puis vous dire, ma chère maman, les transports de joie, d'affection qu'on a témoignés dans ce moment. Avant de nous retirer, nous avons salué avec la main le peuple. Qu'on est heureux de gagner son amitié à si bon marché! Il n'y a pourtant rien de si précieux; je l'ai bien senti et je ne l'oublierai jamais.» (Lettre de Versailles, le 14 juin 1773.)

<p>48</p>

Idem, ibid. Lettre du 14 juin 1774.

<p>49</p>

Gazette de France du lundi 23 mai 1774.