La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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СКАЧАТЬ lui fit-elle demander une lettre que l'Impératrice, sa mère, lui avait remise pour elle. Le Roi, plus débonnaire, lui accorda une audience à Marly; mais il ne l'écouta que quelques minutes, et lui dit brusquement: «Je vous ferai bientôt savoir mes volontés.»

      Le diplomate ecclésiastique ne put dès lors douter des sentiments peu favorables du Roi et de la Reine; mais le crédit qui entourait en France le nom de Rohan était tel que la pensée d'une disgrâce ne vint à personne en dehors du château. Et à l'occasion de cette glaciale réception, faite par un prince honnête homme à un évêque libertin que la cour d'Autriche repoussait avec dégoût et que la Reine de France refusait de voir, la Gazette de France écrivait avec assurance58:

«De Marly, le 21 juillet 1774.

      »Le prince Louis de Rohan, coadjuteur de l'évêché de Strasbourg et ambassadeur extraordinaire à la cour de Vienne, a eu l'honneur de rendre ses respects à Leurs Majestés et à la famille royale.»

      Cette feuille, dont l'origine remontait à l'année 1631, et qui était regardée sous Louis XVI comme l'instrument de publicité le mieux informé, était cette fois, je ne veux pas dire complice, mais dupe d'influences qui faussaient la vérité. Non, le 21 juillet 1774, la Reine ne reçut point cet audacieux prélat59; mais peu de temps auparavant elle avait fait ouvrir sa porte à Buffon. Elle avait traité avec toute la distinction qu'il méritait l'illustre intendant du jardin royal des Plantes, qui venait lui faire hommage du nouveau volume récemment publié par lui, et servant d'introduction à l'Histoire des minéraux.

      Le 17 du même mois, elle avait, ainsi que le Roi, accueilli l'abbé Delille, admis à leur présenter son discours de réception à l'Académie française, où il avait remplacé M. de la Condamine. Marie-Antoinette le complimenta au sujet des beaux vers sur le luxe, par la lecture desquels s'était terminée cette fête littéraire. Quelques esprits méchants s'étaient permis, à l'Académie, d'appliquer à Marie-Antoinette plus d'un passage de cette satire; pensée injurieuse contre laquelle protestait le caractère du poëte, tout autant que sa respectueuse admiration pour la Reine.

      Madame Élisabeth passa avec sa sœur Clotilde une partie de l'été au château de la Muette, où la famille royale venait les voir de temps à autre. Ainsi, le dimanche 24 juillet, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, étant allées rendre visite à Saint-Denis à Madame Louise, vinrent souper à la Muette avec les deux petites princesses.

      Le lendemain 25, le Roi et la Reine, Monsieur et Madame, le comte et la comtesse d'Artois, ayant été aussi à Saint-Denis, puis à Paris, passèrent la soirée à la Muette avec leurs jeunes sœurs, et soupèrent avec elles avant de retourner à Marly.

      Le mercredi 27, on célébra dans l'abbaye royale de Saint-Denis le service solennel pour le repos de l'âme du feu Roi60.

      Le 1er août, la cour quitte Marly. Madame Clotilde et Madame Élisabeth se rendent de la Muette au monastère des Religieuses Carmélites de Saint-Denis, où le Roi et la Reine, accompagnés de leurs frères et belles-sœurs, les prennent à leur passage et les emmènent à Compiègne. Leurs Majestés y firent leur entrée vers les neuf heures et demie du soir, escortées de leur garde ordinaire et de leurs quatre compagnies rouges, selon l'usage observé aux grands voyages. Le clergé séculier et régulier, et tous les corps de la ville, se trouvaient à leur arrivée. Le vicomte de Laval, gouverneur des ville et château de Compiègne, les reçut à la tête du corps de ville. Le maire, M. Decrouy, les harangua un genou en terre. M. de Laval remit au Roi les clefs de la ville et lui présenta les officiers du bailliage; le lieutenant général de cette juridiction lui adressa aussi un discours, un genou en terre. Mais ces hommages officiels s'effacèrent, aux yeux de la famille royale, devant les acclamations enthousiastes du peuple accouru de tous les points de la contrée pour saluer les jeunes souverains.

      Le lendemain 2, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie arrivèrent au château de Compiègne. Le dimanche 7, l'abbé Terray, ordonnateur général des bâtiments du Roi, vint présenter à Louis XVI et à Marie-Antoinette les nouvelles pièces d'or frappées à l'effigie du Roi. Le même jour, Leurs Majestés et leur famille assistèrent à la grand'messe et aux vêpres dans l'église royale et paroissiale de Saint-Jacques. Le soir, pour la première fois, Louis XVI tint son grand couvert chez la Reine.

      Le lundi 15 août, fête de l'Assomption de la sainte Vierge, le Roi, la Reine, accompagnés des membres de leur famille, parmi lesquels on remarquait leurs deux jeunes sœurs, se rendirent encore à l'église de Saint-Jacques pour entendre la messe, à laquelle l'évêque de Soissons officia pontificalement; et l'après-midi, ils assistèrent aux vêpres dans l'église de Saint-Corneille, où ils furent complimentés par Dom Lourdel, prieur de la congrégation de Saint-Maur, à la tête des religieux. Ils suivirent ensuite la procession, qui se faisait à pareil jour dans tout le royaume, pour l'accomplissement du vœu de Louis XIII. La présence de Louis XVI et de Marie-Antoinette donnait un éclat inaccoutumé à cette fête religieuse, au milieu de laquelle les deux petites sœurs du Roi, marchant côte à côte, vêtues de robes blanches et ornées de rubans bleus, rappelaient ces figures d'anges adorateurs qui se couvrent de leurs ailes devant le Saint des saints.

      Le duc de Gesvres marchait à la tête de l'état-major de la ville, qui suivait la procession.

      Le même jour, la musique des gardes françaises et suisses célébra par des aubades la fête de la Reine, de Madame, de Madame la comtesse d'Artois, de Madame Clotilde et de Madame Adélaïde.

      Le séjour de la cour dans cette résidence se prolongea jusqu'au jeudi 1er septembre. La vie des jeunes princesses y était réglée comme à Versailles. Tous les dimanches elles entendaient la messe à l'église de Saint-Jacques avec la famille royale. Leurs études, en changeant de lieu, n'avaient point changé d'objet. Leurs plaisirs étaient aussi toujours les mêmes: la lecture, des promenades à pied dans le parc, en voiture dans la forêt, étaient comme ailleurs leurs principales récréations.

      Tout était encore calme et serein autour d'elles, et cependant un mal secret agitait les âmes, un trouble profond tourmentait les esprits; la passion de l'égalité, l'amour de la nouveauté s'emparaient des classes bourgeoises, et dans l'atelier de son père, graveur sur étuis, la jeune fille qui devait s'appeler madame Roland s'enivrait des théories républicaines et commençait à perdre la foi religieuse, tandis que ces deux filles du trône étudiaient tranquillement leur catéchisme et les préceptes de l'Évangile, et, pareilles à deux lis blancs croissant sous un beau ciel, embaumaient l'atmosphère de leur parfum printanier.

      Le mardi 7 février 1775, l'archiduc Maximilien-François, frère de l'Empereur, arriva au château de la Muette, où la Reine alla le recevoir. Ce prince, âgé de dix-huit ans, voyageait sous le nom de M. de Burgau et dans le plus strict incognito. Le lendemain, il se rendit à Versailles et fut présenté à Leurs Majestés et à la famille royale par le comte de Mercy, ambassadeur de l'Empereur. Les diplomates cherchèrent un but politique au voyage de l'archiduc, qui, déjà voué au sacerdoce61, n'avait d'autre motif en visitant la France que le désir de s'instruire et de revoir la Reine, sa sœur. Les courtisans, qui se piquaient de perspicacité, voulaient croire que M. de Burgau venait tout simplement demander la main de Madame Clotilde. Cinq jours n'étaient pas écoulés, qu'un démenti officiel était donné aux faux prophètes.

      Le dimanche 12 février, le comte de Viry, ambassadeur de Sardaigne, eut une audience particulière du Roi, à laquelle assista seul le comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères; et le Roi, après cette audience, déclara le mariage de Madame Clotilde avec Charles-Emmanuel de Savoie, prince de Piémont, fils aîné du roi de Sardaigne62.

      Cette СКАЧАТЬ



<p>58</p>

Numéro du vendredi 22 juillet 1774.

<p>59</p>

Peu de jours après, il pria le Roi de le dispenser de retourner à Vienne, où il était moins estimé encore qu'à Versailles. Le baron de Breteuil le remplaça comme ambassadeur extraordinaire à la cour d'Autriche.

<p>60</p>

On trouvera à la fin du volume, no VIII, le récit officiel de cette cérémonie, la dernière de ce genre dans les annales du dix-huitième siècle. On y trouvera aussi la description du mausolée érigé en l'abbaye de Saint-Denis pour les obsèques du feu Roi.

<p>61</p>

Il fut nommé, le 15 avril 1784, électeur archevêque de Cologne et évêque prince de Munster. Il était grand maître de l'ordre Teutonique.

<p>62</p>

Le même jour et à la même heure, même déclaration était faite par le roi de Sardaigne. Une lettre, datée de Turin le 15 février, contenait ce qui suit:

«Dimanche 12 de ce mois, le Roi déclara à la cour le mariage arrêté entre le prince de Piémont, son fils, et Madame Clotilde de France. Le maître des cérémonies avoit invité, la veille, les ministres étrangers à se rendre le lendemain à onze heures et demie du matin dans la grande salle des audiences. Dès qu'ils y furent arrivés, il les conduisit à celle de Sa Majesté, auprès de laquelle ils trouvèrent les princes de la famille royale et les princes du sang. Les chevaliers de l'Annonciade, les ministres d'État et toutes les personnes qui par leurs charges ont les entrées de la chambre, y furent aussi appelés. Le Roi, après leur avoir annoncé dans les termes les plus touchants un événement si cher à son cœur, passa dans l'appartement de la Reine, pour se rendre ensuite à la messe, et notifia de même ce mariage aux chefs du sénat et du corps municipal, ainsi qu'au reste de la noblesse, qui s'étoit rassemblée en foule dans les antichambres. Le lundi 13, le Roi, la Reine et le prince de Piémont reçurent successivement les compliments des ministres étrangers, qui furent conduits à ces audiences par le maître des cérémonies. L'ambassadeur de France porta la parole. Le prince de Piémont reçut dans l'après-midi les compliments de toute la noblesse. Ces deux jours et le jour suivant, il y a eu grand gala à la cour. La ville et le théâtre ont été illuminés, et les représentations de l'opéra terminées par des chants analogues à cette heureuse circonstance. Les chiffres de la maison de Savoye et de la maison de France, ceux du prince de Piémont et de Madame Clotilde brilloient partout dans des décorations superbes. Des feux d'artifice ont encore ajouté à l'éclat de ces fêtes. Tous les spectateurs se sont empressés de marquer par des applaudissements multipliés combien ils partageoient la joie de leurs maîtres, qui, de leur côté, ont daigné y répondre par les témoignages de la plus vive sensibilité. Il y a ce soir bal à la cour.»