La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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СКАЧАТЬ de Marie-Joséphine de Saxe, était née à Versailles le jeudi 3 mai 1764, à deux heures du matin. Dans la journée, le duc de Berry, le comte de Provence, le comte d'Artois, se rendirent à la chapelle du château, immédiatement après la messe du Roi, pour la cérémonie du baptême de la princesse nouvellement née. Le Roi et la Reine, Monsieur le Dauphin, Madame Adélaïde, Mesdames Victoire, Sophie et Louise, le duc d'Orléans, le duc de Chartres, le prince de Condé, le prince de Conty, la princesse de Conty, la comtesse de la Marche, le comte de Clermont, le comte d'Eu, le duc de Penthièvre et le prince de Lamballe, assistèrent à cette cérémonie. La petite princesse fut tenue sur les fonts par le jeune duc de Berry, au nom de l'infant don Philippe, et par Madame Adélaïde, au nom de la reine d'Espagne douairière. Le baptême fut administré par l'archevêque de Reims, grand aumônier du Roi, en présence de M. Allant, curé de la paroisse du château. Plusieurs dignitaires de la cour assistaient à la cérémonie, ainsi que les ambassadeurs d'Espagne et de Naples.

      Madame Élisabeth, en venant au jour, était d'une complexion si délicate que son existence, pendant les premiers mois, donna lieu à des inquiétudes continuelles. Ceux qui se plaisent à tirer l'horoscope des princes, disaient que cette princesse était trop faible pour saisir les belles destinées qui s'offraient à elle: ils ne se doutaient pas qu'au contraire ses destinées seraient terribles, qu'elle aurait la force de les supporter, et qu'il viendrait des temps mauvais où les maîtres de la France trouveraient trop longue et abrégeraient cette vie qu'on appréhendait alors de voir s'éteindre trop tôt.

      La petite orpheline, après la mort de Madame la Dauphine, fut entièrement livrée aux soins de madame la comtesse de Marsan42, gouvernante des Enfants de France, qui déjà voyait croître sous sa direction une autre princesse, la jeune Clotilde, destinée au trône de Sardaigne, dont elle devait être l'amour et l'édification. Il y avait entre l'âge des deux sœurs un intervalle de quatre ans et huit mois. La différence d'humeur et de caractère était encore plus grande: Clotilde était née avec les plus heureuses dispositions, il suffisait de les suivre et de les aider; chez Élisabeth, au contraire, il fallait souvent contrarier la nature, toujours la diriger. Fière, inflexible, emportée, il y avait chez elle à dompter des défauts très-regrettables dans un rang inférieur, intolérables dans une princesse de sang royal. Madame de Marsan avait rempli la première moitié de sa tâche avec zèle et bonheur, mais aussi sans difficulté: la jeune Clotilde était douée des qualités les plus aimables: la crainte d'affliger celle qui prenait soin de son enfance la rendait attentive aux paroles de madame de Marsan et docile à ses leçons; elle cherchait à deviner dans ses regards le moindre de ses désirs, et ce désir lui devenait un devoir. L'application qu'elle apportait à ses travaux attestait le goût qu'elle y prenait, et promettait d'avance le succès qui couronna cette éducation donnée avec tant d'intelligence et reçue avec une docilité si empressée. La bonté de son cœur répondait à l'élévation de son esprit, et elle se faisait aimer sans efforts de tous ceux qui l'approchaient.

      La seconde partie de la tâche de madame de Marsan était autrement difficile. L'opiniâtreté de Madame Élisabeth rappelait celle du duc de Bourgogne, l'aîné de ses frères, avant que l'éducation l'eût assouplie; fière de sa naissance, elle exigeait auprès d'elle des instruments souples de sa volonté; elle disait qu'elle n'avait pas besoin d'apprendre et de se fatiguer inutilement, puisqu'il y avait toujours près des princes des hommes qui étaient chargés de penser pour eux. Elle trépignait de colère quand une de ses femmes ne lui apportait pas immédiatement l'objet qu'elle avait réclamé. La différence qui existait entre les caractères des deux sœurs en avait fait naître une dans les sentiments que leur gouvernante éprouvait pour chacune d'elles, et la préférence que, involontairement peut-être, elle montrait à l'aînée, ne put échapper à la cadette. La jalousie vint encore accroître en celle-ci l'âpreté du caractère; et un jour que madame de Marsan lui refusait une chose qu'elle désirait: «Si ma sœur Clotilde, lui répondit-elle froidement, vous l'eût demandée, elle l'aurait obtenue.»

      Élisabeth tomba malade. Clotilde demanda avec instance qu'on la laissât auprès d'elle, et elle obtint que son lit fût momentanément apporté auprès du sien. Alors âgée de dix ans, elle prodigua à sa jeune sœur tous les soins d'une infirmière. Elle voulait la veiller la nuit, et elle éprouva un vif chagrin de se voir enlever cette consolation. Mais madame de Marsan craignant, d'après l'avis du médecin, que le mal ne se communiquât, jugea prudent de les séparer.

      La maladie d'Élisabeth avait développé dans sa sœur les sentiments de la plus tendre amitié. Clotilde ne se borna plus à lui montrer de l'intérêt pour sa santé, elle se fit un plaisir de lui montrer l'alphabet et la manière d'épeler et de former les mots; elle lui donna de petits conseils qui aidèrent à améliorer son caractère, et à lui inculquer les premières notions de cette religion dont elle avait déjà elle-même nourri son âme.

      Le moment approchait où cette jeune princesse, douée des sentiments les plus purs et de la plus douce piété, allait faire sa première communion. Les dispositions angéliques qu'elle apportait à cet acte lui faisaient désirer ardemment de voir arriver ce grand jour. Ce fut le troisième mardi d'après Pâques de l'année 1770, le dix-septième jour d'avril, qu'elle eut ce bonheur, dont le souvenir ne s'effaça jamais de sa mémoire. Ce jour-là, selon l'étiquette de la cour, elle quitta les simples habits de l'enfance pour revêtir la parure d'une jeune princesse. Sa modestie inquiète se rappela toujours avec tristesse, j'ai presque dit avec remords, qu'elle avait revêtu une parure mondaine pour aller recevoir le Dieu des pauvres et des affligés, et elle n'en parla jamais qu'avec le sentiment de la plus sincère humilité.

      Madame de Marsan avait senti qu'elle avait besoin d'aide pour la seconder dans la réforme qu'elle avait à cœur d'opérer: elle jeta les yeux sur madame la baronne de Mackau, dont le mari avait été ministre du Roi à Ratisbonne. Mademoiselle Marie-Angélique de Fitte de Soucy (madame de Mackau) avait été élevée à Saint-Cyr. Cette maison conservait avec soin non-seulement des notes sur le caractère et le mérite de ses élèves, mais elle aimait à les suivre dans le monde, pour lequel elle les avait formées. Ce fut d'après les renseignements puisés à cette source que madame de Marsan demanda au Roi de nommer sous-gouvernante madame de Mackau, qui vivait retirée en Alsace. Ce choix semblait offrir toutes les conditions requises pour obtenir d'heureux changements dans le caractère d'un enfant volontaire et hautain: madame de Mackau, en effet, possédait la fermeté qui fait ployer la résistance et la bienveillance affectueuse qui sait attirer l'attachement. Armée d'une puissance presque maternelle, elle éleva les enfants du trône comme elle eût élevé ses enfants, ne leur passant aucun défaut, sachant au besoin se faire craindre d'eux, tout en leur faisant aimer la vertu, dont les leçons, dans sa bouche, avaient cette autorité que l'exemple rend forte et sacrée. Elle joignait à un esprit supérieur une dignité de ton et de manières qui inspirait le respect. Quand son élève s'abandonnait à un de ces mouvements d'humeur hautaine auxquels elle était sujette, madame de Mackau, après quelques observations sévères, laissait paraître sur sa physionomie une gravité morne, comme pour lui rappeler que les princes, aussi bien que toutes les autres personnes, ne peuvent être aimés que pour leurs vertus et leurs qualités. Affligée, déconcertée de ce changement subit et inattendu, Élisabeth, ne sachant ni feindre ni cacher ce qui se passait en son âme, donnait un grand avantage à sa gouvernante, habile à profiter de la connaissance qu'elle avait de ce qui se passait dans l'âme de son élève pour diriger son éducation.

      La vive expression du regret de ses fautes, la promesse de s'amender, amenaient un changement dans les manières de madame de Mackau. Aussi arrivait-il souvent que, malgré ses cris et ses lamentations, Élisabeth cédait aux douces instances de l'amitié. Peu à peu on vit s'effacer en elle les défauts qui retardaient ses progrès et l'empêchaient de profiter d'une instruction si propre à son développement moral. Ses sages directrices ne négligeaient rien pour former sa raison, l'habituer à discuter sur toutes les questions avec facilité et sans pédantisme, à bien poser un argument, à l'examiner avec discernement, et à résoudre une question avec logique. Comme tout progrès ne s'accomplit que par degrés, СКАЧАТЬ



<p>42</p>

Marie de Rohan-Soubise, née en 1721, seule fille du prince de Soubise, mariée en juin 1736 à Gaston-Jean-Baptiste-Charles de Lorraine, comte de Marsan, brigadier des armées du Roi, né comme elle en 1721, et mort à Strasbourg en 1743 (1er mai), dans sa vingt-troisième année.