La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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СКАЧАТЬ corps et de l'embaumer. «Je dois nécessairement en mourir, répondit Andouillé, mais je suis prêt; seulement, pendant que j'opérerai, vous tiendrez la tête: votre charge vous en fait un devoir.» M. de Villequier se retira, n'insistant plus pour que l'opération fût faite; aussi ne le fut-elle pas. Il devint urgent de procéder le plus tôt possible à l'ensevelissement. Le cercueil fut apporté, les chirurgiens y firent verser une quantité d'esprit-de-vin. Quelques pauvres ouvriers, grassement rémunérés, mirent dans le linceul et couchèrent dans la bière celui qui peu d'heures auparavant était le roi de France.

      Cependant le carrosse du nouveau Roi et de sa famille cheminait vers Choisy. La scène solennelle dont ils venaient d'être témoins, celle qui s'ouvrait devant eux, les disposaient naturellement à des pensées tristes et graves; mais à moitié route, un mot plaisamment estropié par madame la comtesse d'Artois fit éclater un rire électrique; les larmes furent essuyées, et les trois couples royaux reprirent le caractère de leur âge.

      La Gazette de France du 13 mai contenait le panégyrique du feu Roi, rappelant les hauts faits accomplis sous son règne: la Lorraine acquise à la France, l'érection d'un grand nombre de monuments publics, l'établissement de l'École militaire, la protection accordée aux arts, les grandes voies ouvertes pour la facilité du commerce; puis la Gazette énumérait les qualités d'esprit et de cœur qui avaient conquis à ce prince l'affection populaire39. Les éloges décernés au royal défunt par un journal ne trouvèrent point d'écho dans les sentiments publics. On était loin du temps où la France en larmes avait prodigué à Louis XV des témoignages d'affection. Sans doute quelques pages militaires avaient honoré ce long règne; il léguait au pays des créations utiles et des acquisitions glorieuses. Mais lorsqu'on en pesait d'une main impartiale les torts et les mérites, c'était le plateau des torts qui emportait la balance. Le niveau de la France était descendu en Europe, et le niveau de la royauté était descendu en France. Louis XV, qui avait gaspillé le présent, laissait à son héritier un menaçant avenir. Le peuple apprenait que son Roi avait vaillamment supporté cette maladie purulente dont le dégoût augmente les douleurs; mais il avait vu dans les souffrances du prince le châtiment même de ses désordres.

      Les Feuillants du monastère royal de Saint-Bernard, près des Tuileries, dont la mission est de prier au lit de mort des princes de la maison royale, avaient été, dès le soir du 10 mai, mandés par le grand aumônier pour remplir leur office. Leur charité et leur dévouement furent vaincus par l'insupportable odeur d'un cadavre en dissolution. Dès le 12, il devint indispensable de procéder à la levée du corps. À sept heures du soir, le convoi funèbre sortit du château, sans cérémonie, selon l'usage pratiqué pour les princes qui meurent de la petite vérole40. Le clergé des deux paroisses et les Récollets de Versailles suivirent le cercueil jusqu'à la place d'Armes; l'évêque de Senlis, premier aumônier de Sa Majesté, l'accompagna jusqu'à Saint-Denis. Le peuple, parsemé sur la route, se montra insensible à ces tristes funérailles, et plus d'une fois même il chargea d'imprécations la mémoire de ce prince qu'il avait surnommé le Bien-Aimé.

      Toutefois les prières publiques se multiplièrent de toutes parts: il y avait au fond des cœurs pieux comme un besoin de demander à Dieu le repos de cette âme royale, et les églises41 n'attendaient pas à cet égard l'exemple ou le signal des évêques. Tous les corps civils et militaires de l'État, les villes, les tribunaux, les chapitres, les ordres religieux, toutes les communautés, toutes les confréries, toutes les classes de citoyens manifestèrent par des prières publiques des sentiments au fond desquels peut-être il eût été facile de trouver moins de regret pour le prince qui n'était plus, que de vœux pour le couple royal qui, sans force et sans expérience, venait d'être chargé de veiller sur la fortune publique.

      LIVRE PREMIER

      ÉDUCATION DE MADAME ÉLISABETH. – MARIAGE DE MADAME CLOTILDE

      13 MARS 1764 – 28 AOÛT 1777

      Mulierem fortem quis inveniet?

      procul, et de ultimis finibus pretium ejus.

Proverbes, XXXI.

Naissance de Madame Élisabeth. – Sa complexion délicate. – Madame Clotilde et Madame Élisabeth élevées par madame de Marsan. – Différence d'humeur et de caractère des deux sœurs. – Élisabeth malade soignée par Clotilde. – Première communion de Clotilde. – Madame de Mackau nommée sous-gouvernante des Enfants de France. – Amélioration qui se produit progressivement dans l'éducation d'Élisabeth. – Mademoiselle de Mackau devient l'amie de Madame Élisabeth. – Cercle des jeunes princesses. – Compiègne et Fontainebleau. – M. Leblond. – Plutarque expurgé par madame de la Ferté-Imbault et apprécié par Dumouriez. – Opinion de madame de Genlis sur les livres qu'il convient de mettre dans les mains des jeunes personnes. – L'abbé de Montégut enseigne l'Évangile à Madame Élisabeth et développe en elle le sentiment religieux. – Madame de Marsan la conduit à Saint-Cyr; intérêt et charme qu'elle y rencontre. Sentiment de la Reine pour les jeunes filles élevées dans cette maison. – Deux cent mille livres remises par ordre de Louis XVI aux curés de Paris pour être distribuées aux pauvres. – M. Machault d'Arnouville, M. de Choiseul, M. de Maurepas. – Lettre du jeune Roi à celui-ci. – Maurepas jugé par Marmontel. – Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie atteintes de la maladie du feu Roi, leur père. – La jeune famille royale quitte aussitôt Choisy et se rend à la Muette. – La foule, dès le lever du jour, encombre les grilles du château. – Enthousiasme populaire. – Tabatières de deuil: la consolation dans le chagrin; les quesaco; les poufs au sentiment. – Les bonnets à grands papillons. – Une plaisanterie d'une des dames de la Reine est cause que cette princesse est mal jugée par les vieilles douairières qui viennent faire les révérences de deuil. – Inondations et désastres à l'avénement du Roi comme à son mariage. – Troubles à Weimar; émeute; incendie. – Premier conseil des dépêches tenu par le roi Louis XVI au château de la Muette. – Madame Élisabeth, avec la famille royale, dans l'église des Carmélites de Saint-Denis. – Le jeudi 2 juin, jour de la Fête-Dieu, la jeune princesse avec toute la Cour accompagne à pied le saint sacrement à l'église paroissiale de Passy. – Le premier acte de l'autorité royale est de faire remise du droit de joyeux avénement. – Les du Barry s'éloignent. – La comtesse se retire dans l'abbaye du Pont-aux-Dames. – Le duc d'Aiguillon; le comte du Muy; le comte de Vergennes. – Le parlement; la chambre des comptes; la cour des monnaies. – Gresset, directeur de l'Académie française, harangue le Roi et la Reine. – Durosoy. – Retour à Versailles. – L'abbé de Vermond. – Soufflot. – Archevêques et évêques. – Inoculation, à Marly, du Roi, du comte et de la comtesse de Provence, du comte et de la comtesse d'Artois. – Le parti du progrès: Turgot. – Le prince Louis de Rohan. – Buffon. – Delille. – Madame Clotilde et Madame Élisabeth à la Muette. – La Cour quitte Marly et se rend à Compiègne, où elle emmène les deux jeunes princesses. – Réception faite au Roi. – Arrivée de Mesdames. – Fête de l'Assomption; vœu de Louis XIII; procession religieuse où figurent Clotilde et Élisabeth. – Arrivée en France de l'archiduc Maximilien-François. – Audience donnée par Louis XVI au comte de Viry, ambassadeur de Sardaigne, et au comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères: déclaration du mariage de Madame Clotilde avec le prince de Piémont

      Pour initier le lecteur à la connaissance de l'époque qui précéda immédiatement celle qui sert de cadre à la vie que nous avons entrepris de raconter, nous avons dû esquisser à grands traits le mouvement des idées et des faits des dix dernières années du règne de Louis XV. Le berceau et la première enfance de Madame Élisabeth tinrent si peu de place dans ces dix années, que nous avons eu à peine l'occasion de la nommer dans cette introduction. Au moment d'ouvrir le récit de sa vie, nous СКАЧАТЬ



<p>39</p>

La plupart des princes de l'Europe avaient une respectueuse sympathie pour Louis XV. Informée de la mort de ce monarque, Marie-Thérèse écrivait de Luxembourg, le 18 mai 1774, à la jeune Reine de France: «Je regretterai toute ma vie ce prince et cet ami, votre bon et tendre beau-père. J'admire en même temps la grâce de Dieu d'avoir donné le moment au Roi de recourir à sa divine miséricorde, et les paroles du grand aumônier prononcées de la part du Roi ne peuvent se lire sans fondre en larmes et espérer son salut. Nous avons d'abord interdit tout spectacle ici; nous ne verrons personne avant le 24, où on mettra le grand deuil, et je le porterai tout le reste de mes jours. Je ne vous fais point de compliments sur votre dignité, qui est achetée bien chèrement, mais qui le deviendra encore plus si vous ne pouvez mener la même vie tranquille et innocente que vous avez menée pendant ces trois années, par les bontés et complaisances du bon père, et qui vous a attiré l'approbation et l'amour de vos peuples, grand avantage pour votre situation présente; mais il faut la savoir conserver et l'employer au bien du Roi et de l'État. Vous êtes tous deux bien jeunes, le fardeau est grand; j'en suis en peine et vraiment en peine. Sans que votre adorable père dans le cas pareil m'auroit soutenue, jamais je n'aurois pu en sortir, et j'étois plus âgée que vous deux. Tout ce que je puis vous souhaiter, c'est que vous ne précipitiez rien: voyez par vos propres yeux, ne changez rien, laissez tout continuer de même; le chaos et les intrigues deviendroient insurmontables, et vous seriez, mes chers enfants, si troublés que vous ne pourriez vous en tirer. Je puis vous en parler d'expérience. Quel autre intérêt pourrois-je avoir de vous conseiller d'écouter surtout les conseils de Mercy? Il connoît la cour et la ville; il est prudent et vous est entièrement attaché. Dans ce moment-ci regardez-le autant comme un ministre de vous que le mien, quoique cela combine très-bien. L'intérêt de nos deux États exige que nous nous tenions aussi étroitement liés d'intérêt comme de famille. Votre gloire, votre bien-être m'est autant à cœur que le nôtre. Ces malheureux temps de jalousie n'existent plus entre nos États et intérêts; mais notre sainte religion, le bien de nos États exigent que nous restions unis de cœur et d'intérêt, et que le monde soit convaincu de la solidité de ce lien… Mes vieux jours ne peuvent couler tranquillement qu'en vous voyant tous deux, mes chers enfants, heureux. J'en prie et ferai prier instamment à ce sujet. En vous donnant ma bénédiction, je suis toujours…»

<p>40</p>

Gazette de France du lundi 16 mai 1774.

<p>41</p>

Voir la note V à la fin du volume.